Devoir de Philosophie

1. LA PHILOSOPHIE EST RÉFRACTAIRE À TOUTE MISE EN FORME DE

Publié le 22/10/2012

Extrait du document

philosophie
1. LA PHILOSOPHIE EST RÉFRACTAIRE À TOUTE MISE EN FORME DE TRAITÉ ÉCRIT Il y a au moins une chose que je puis dire au sujet de ceux qui ont écrit ou qui écriront et prétendent avoir compétence dans les matières dont je m'occupe, qu'ils prétendent en avoir été instruits par moi ou par un autre, ou l'avoir trouvé tout seuls : c'est qu'il est impossible, du moins à mon avis, qu'ils y entendent rien. Là-dessus, en tout cas, il n'existe aucun Traité qui soit de ma main et il n'y en aura jamais, car à la différence des autres savoirs, c'en est un qui ne se laisse pas mettre en formules ; il naît de ce que l'on entretient un commerce assidu avec ce qui en est la matière même, de ce que l'on partage sa vie, et il surgit dans l'âme, telle la flamme qui jaillit de l'étincelle, puis croît spontanément. Ce que je sais également c'est que c'est moi qui serais le mieux à même de l'exposer par écrit ou oralement et que c'est moi qui souffrirais le plus de l'imperfection du Traité. Si j'avais été d'avis qu'il pût être écrit et formulé comme il faut pour le public, qu'aurais-je pu réaliser de plus beau dans ma vie que de publier quelque chose d'aussi précieux pour tous et de mettre au grand jour la vraie nature des choses ? Mais je ne pense pas qu'une telle entreprise soit un bien pour l'humanité, si l'on en excepte les rares individus que de simples indications mettent à même de trouver par leurs propres moyens. On ne ferait qu'emplir les autres d'un incon- venant mépris sans fondement ou d'une prétention aussi hautaine que vaine. [...] Il y a une vraie raison qui s'oppose à ce que l'on ose écrire quoi que ce soit en cette matière, raison que j'ai déjà souvent alléguée ; mais que je crois devoir répéter une nouvelle fois. [...] Tous les modes de connaissance se mettent à exprimer la qualité aussi bien que l'être de chaque chose au moyen de l'instrument défaillant qu'est le langage. Voilà pourquoi aucun homme sensé ne prendra le risque de lui confier ses pensées, surtout sous la forme figée des caractères écrits. [...] Telle est la raison précise pour laquelle tout homme sérieux, occupé de choses sérieuses, se gardera bien, en écrivant, de laisser tomber de tels sujets dans le domaine public et de les exposer ainsi à la malveillance et aux doutes. Par suite, il faut, en bref, quand on voit des oeuvres écrites en forme de lois par un législateur, ou par quiconque sur tel autre sujet, bien se rendre compte de ce qui les caractérise : pour lui, du moins s'il est sérieux, ce n'est pas cela qui est sérieux, mais bien ce qui siège en quelque endroit de ce qui lui appartient de plus beau. Au cas où, au contraire, c'est ce qu'il regarde comme sérieux qu'il a ainsi déposé dans les caractères d'écriture, alors il faut dire de lui : « il a eu l'esprit ravagé « non pas « par les dieux «, mais par les mortels. Lettre VII, 341c-342a 342e-343a 344cd 2. L'IRRÉMÉDIABLE FAIBLESSE DU DISCOURS ÉCRIT [SOCRATE-PHÈDRE] — S. Le dieu Teuth, inventeur de l'écriture, dit au roi d'Égypte : « Voici l'invention qui procurera aux Égyptiens plus de savoir et de mémoire : pour la mémoire et le savoir j'ai trouvé le médicament qu'il faut « — Et le roi répondit : « Dieu très industrieux, autre est l'homme qui se montre capable d'inventer un art, autre celui qui peut discerner la part de dommage et celle d'avantage qu'il procure à ses utilisateurs. Père des caractères de l'écriture, tu es en train, par complaisance, de leur attribuer un pouvoir contraire à celui qu'ils ont. Conduisant ceux qui les connaîtront à négliger d'exercer leur mémoire, c'est l'oubli qu'ils introduiront dans leurs âmes : faisant confiance à l'écrit, c'est du dehors en recourant à des signes étrangers, et non du dedans, par leurs ressources propres, qu'ils se ressouviendront ; ce n'est donc pas pour la mémoire, mais pour le ressouvenir que tu as trouvé un médicament. Et c'est l'apparence et non la réalité du savoir que tu procures à tes disciples, car comme tu leur permets de devenir érudits sans être instruits, ils paraîtront pleins de savoir, alors qu'en réalité ils seront le plus souvent ignorants et d'un commerce insupportable, car ils seront devenus de faux-savants. [...] Ainsi celui qui croit avoir consigné son savoir par écrit tout autant que celui qui le recueille en croyant que de l'écrit naîtront évidence et certitude, sont l'un et l'autre tout pleins de naïveté dans la mesure où ils croient trouver dans les textes écrits autre chose qu'un moyen permettant à celui qui sait de se ressouvenir des choses dont traitent les écrits. — P. C'est très juste. — S. Car ce qu'il y a de redoutable dans l'écriture, c'est qu'elle ressemble vraiment à la peinture : les créations de celle-ci font figure d'êtres vivants, mais qu'on leur pose quelque question, pleines de dignité, elles gardent le silence. Ainsi des textes : on croirait qu'ils s'expriment comme des êtres pensants, mais questionne-t-on, dans l'intention de comprendre, l'un de leurs dires, ils n'indiquent qu'une chose, toujours la même. Une fois écrit, tout discours circule partout, allant indifféremment de gens compétents à d'autres dont il n'est nullement l'affaire, sans savoir à qui il doit s'adresser. Est-il
philosophie

« 22 PLATON PAR LUI-MÊME venant mépris sans fondement ou d'une prétention aussi hautaine que vaine.

[ ...

] Il y a une vraie raison qui s'oppose à ce que l'on ose écrire quoi que ce soit en cette matière, raison que j'ai déjà souvent alléguée ; mais que je crois devoir répéter une nouvelle fois.

[ ...

] Tous les modes de connaissance se mettent à exprimer la qualité aussi bien que l'être de chaque chose au moyen de l'instrument défaillant qu'est le langage.

Voilà pour­ quoi aucun homme sensé ne prendra le risque de lui confier ses pensées, surtout sous la forme figée des carac­ tères écrits.

[ ...

] Telle est la raison précise pour laquelle tout homme sérieux, occupé de choses sérieuses, se gar­ dera bien, en écrivant, de laisser tomber de tels sujets dans le domaine public et de les exposer ainsi à la mal­ veillance et aux doutes.

Par suite, il faut, en bref, quand on voit des œuvres écrites en forme de lois par un légis­ lateur, ou par quiconque sur tel autre sujet, bien se rendre compte de ce qui les caractérise : pour lui, du moins s'il est sérieux, ce n'est pas cela qui est sérieux, mais bien ce qui siège en quelque endroit de ce qui lui appartient de plus beau.

Au cas où, au contraire, c'est ce qu'il regarde comme sérieux qu'il a ainsi déposé dans les caractères d'écriture, alors il faut dire de lui :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles