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Plusieurs de nos grands écrivains ont formulé contre Molière des critiques sévères. Rapportez-les; expliquez-les et, s'il y a lieu, apportez-y de justes rectifications

Publié le 13/02/2012

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Avant qu'un peu de terre obtenu par prière Pour jamais sous la. tombe eftt enfermé Molière, Mille de ses beaux traits aujourd'hui si vantés Furent des sots esprits à nos yeux rebutés.

Molière a eu, au xviie siècle, le sort de tous les génies : la nouveauté de ses vues, la hardiesse de ses satires, la personnalité de sa poétique lui ont attiré les reproches des sots esprits. Mais les réclamations sont venues aussi des meilleurs juges : Boileau, La Bruyère, Fénelon, Bossuet, Bourdaloue ont formulé de graves restrictions aux éloges qu'ils adressent à Molière....

« pour ainsi dire, anoblie.

Eh bien! it y aura pour les uns des comedies qui se rapprocheront des farces; pour les autres, de hautes comedies.

Bien plus, les memes pieces pourront reunir ces deux genres de comique, de facon plaire aux deux publics. II.

- Les farces.

- Si l'on en croyait Boileau et les vers fameux du chant Hi de l'Art poetigue sur « le sac ridicule » oiz Scapin enveloppe le vieux Geronte, les farces ne seraient qu'une bouffonnerie indigne de Moliere. Voltaire justifie Moliere par des arguments compromettants : « On pourrait repondre, dit-il, que Mollere n'a point allie Terence avec Tabarin dans ses vraies comedies, ou it surpasse Terence; que, s'il a &fere au goat du peuple, c'est dans ses farces, dont le seal titre annonce du bas comique, et que ce has comique etait necessaire pour soutenir sa troupe.

) Moliere ne pensait pas que les Fourberies de Scapin valussent l'Avare, le Misanthrope, le Tartufe, les Femmes savantes, ou fussent du meme genre. C'est a peu pres ainsi que Bayle avait plaids la cause de l'auteur-acteur qui devait se preoccuper d'amuser le parterre.

Il est permis d'être moins mo- deste pour Moliere.

Cependant, sans viser a la profondeur du Misanthrope, les Fourberies ont leur sel et leur valeur.

Le genre une fois admis, on ne voit plus ce que les tours de Scapin ont de trop grossier.

Il y a un fond autrement serieux et une observation beaucoup plus per- sonnelle dans le Malade imaginaire, ou Voltaire a raison de reconnaitre beaucoup de scenes dignes de la haute comedic 2..

A vrai dire, ou est in part de la farce dans cette comedic? La verra-t-on dans la ceremonie? Mais, sans aller jusqu'a soutenir, comme on l'a fait, que cet intermede est lie a la piece de la facon la plus naturelle et la plus habile, on peut juger qu'il n'en est pas distinct et qu'il est moins demesurement grotesque que la ceremonie qui termine le Bourgeois gentilhomme.

On nous affirme que tons les details, l'appareil solennel et les compliments ampoules des vraies cere- monies de ce genre y sont respectes.

Ce qui est certain, c'est que le latin macaronique y a bien de l'esprit.

On trouve de tout dans ce Malade imagi- naire, qui ne rentre dans aucune classification, et, a coup slur, est beaucoup plus et mieux qu'une farce. III.

- Le style.

- Si Moliere semble meriter un eloge, c'est celui d'ecrire simplement.

Or it existe, observe Sainte-Beuve, un accord strange des critiques pour lui refuser le naturel, la correction meme.

« Il n'a manqué a Moliere, dit La Bruyere, que d'eviter le jargon, le barbarisme et d'ecrire purement ).

« II lui echappait fort souvent des barbarismes ), dira aussi Bayle, et Fenelon parle de ses phrases forcees, de son « gali- matias n qu'il oppose, comme La Bruyere, a la finesse et a la purete du style de Terence.

Vauvenargues rencherit sur la severite de ces jugements : On trouve dans Moliere tant de negligences, d'expressions incorrectes et impropres qu'il y a peu de poetes, si j'ose le dire, moins corrects et moins purs que lui. Si Pon ecarte Bayle, qui a vecu a l'etranger, on remarque que les trois premiers critiques sont trois delicats qu'effarouchaient les hardiesses d'un ecrivain gaulois et qui comprenaient mal une langue plus forte que nuancee. Elle ne devait pas, cette langue, paraitre assez spirituelle a La Bruyere, car Moliere ne cherche pas le trait, been que souvent it le trouve, et ne s'ap- plique pas a le detacher en relief.

Son comique reside non pas dans les mots groupes avec art ou heurtes les uns contre les autres (le comique des mots, si frequent chez Regnard, est presque absent du theatre de Moliere), mais dans le mouvement rapide et vif de la pensee, dont l'expression n'est que le vetement aise.

Fenelon se faisait une idee trop exclusive de la sim- plicite pour bien comprendre cette simplicite large et robuste, cette fran- chise qui lui semblait parfois grossierete.

Contre le marquis de Vauve- nargues, ame ingenue et noble, mais critique au goat etroit, Voltaire etait contraint de defendre Corneille aussi Bien que Moliere.

« C'est Men, dit Sainte-Beuve, le cossu du style de Moliere qui deplaisait a ces elegants esprits.

C'est devenu un lieu commun de le dire :it y a eu, au xviie siècle, deux langues :l'une franche, pittoresque, abondante, primesautiere, celle de Pascal, de Corneille, de Moliere, de Bossuet, de La Fontaine, de Mme de Se- vigne; l'autre, plus fine et plus nuancee, plus reguliere, plus savante, fille de l'hotel de Rambouillet, de l'Academie, de la Cour, de Racine, de Fenelon. On sait, par les Precieuses et par les Femmes savantes, quelle fut l'attitude pour ainsi dire, anoblie.

Eh bien 1 il ·y aura pour les uns des comédies qui se rapprocheront des farces; pour les autres, de hautes comédies.

Bien plus, les mêmes J>ièces pourront reunir ces deux genres de comique, de façon à plaire aux deux publics.

.

Il.

- Les (arces.

- Si l'on en croyait Boileau et· les vers fameux du chant III de l Art poétique sur « le sac ridicule :.

où Scapin enveloppe le vieux Géronte, les farces ne seraient qu'une bouffonnerie indigne de ~olière.

Voltaire justifie Molière par des arguments compromettants : « On pourrait répondre, dit-il, que Molière n'a point allié Térence avec Tabarin dans ses vraies comédies, où il surpasse Térence; que, s'il a déféré au tJOÛt du peuple, c'est dans ses farces, dont le seul titre annonce du bas comique, et que ce bas comique était nécessaire pour soutenir sa troupe.

» Molière ne pensait pas que les Fourberies de Scapin valussent l'Avare, le Misanthrope, le Tartufe, les Femmes savantes, ou fussent du même genre.

C'est à peu J>rès ainsi que Bayle avait plaidé la cause de l'auteur-acteur qui devait se préoccuper d'amuser le parterre.

Il est permis d'être moins mo­ deste pour Molière.

Cependant, sans viser à la profondeur du Misanthrope, les Fourberies ont leur sel et leur valew·.

Le genre une fois admis, on ne voit plus ce que les tours de Scapin ont de trop grossier.

Il y a un fond autrement sérieux et une observation beaucoup plus J?er­ sonnelle dans le Malade imaginaire, où Voltaire a raison de reconnaltre « beaucoup de scènes dignes de la haute comédie ».

A vrai dire, où est la part de la farce dans cette comédie? La verra-t-on dans la cérémonie? Mais, sans aller J"usqu'à soutenir, comme on l'a fait, que cet intermède est lié à la pièce e la façon la plus naturelle et la plus liabile, on peut juger qu'il n'en est pas distinct et qu'il est moins démesurément grotesque que la cérémonie qui termine le Bourgeois gentilhomme.

On nous affirme que tous les détails, l'appareil solennel et les compliments ampoulés des vraies céré­ monies de ce genre y sont resl?ectés.

Ce qui est certain, c'est que le latin macaronique y a bien de l'esprit.

On trouve de tout dans ce Malade imagi­ naire, qui ne rentre dans aucune classification, et, à coup sûr, est beaucoup plus et mieux qu'une farce.

III.

- Le style.

- Si Molière semble mériter un éloge, c'est celui d'écrire simplement.

Or il existe, observe Sainte-Beuve, un accord étrange des critiques pour lui refuser le ·naturel, la correction même.

« Il n'a manqué à Molière, dit La Bruyère, que d'éviter le jargon, le barbarisme et d'écrire purement :..

« Il lUI échappait fort souvent des barbarismes », dira aussi Bayle, et Fénelon parle de ses phrases forcées, de son c gali­ matias » qu'il oppose, comme La Bruyère, à la finesse et à la pureté du style de Térence.

Vauvenargues renchérit sur la sévérité de ces jugements : « On trouve dans Molière tant de négligences, d'expressions incorrectes et impropres qu'il y a peu de poètes, si j'ose le dire, moins corrects et moins purs ~e lui.

» Si 1 on écarte Bayle, qui a vécu à l'étranger, on remarque que les trois :premiers critiques sont trois délicats qu'effarouchaient les hardiesses d'un ecrivain gaulois et qui comprenaient mal une langue plus forte que nuancée.

Elle ne devait pas, cette langue, paraitre assez spirituelle à La Bruyère, car Molière ne cherche pas le trait, bien que souvent il le trouve, et ne s'ap­ plique pas à le détacher en relief.

Son comique réside non pas dans les mots groupés avec art ou heurtés les uns contre les autres (le comique des mots, si fréquent chez Regnard, est J?resque absent du théâtre de Molière), :mais dans le mouvement rapide et VIf de la pensée, dont l'expression n'est que le vêtement aisé.

Fénelon se faisait une Idée trop exclusive de la sim­ plicité pour bien comprendre cette simplicité large et robuste, cette fran­ chise qui lui semblait parfois grossièreté.

Contre le marquis de Vauve­ nargues, âme ingénue et noble, mais critique au goût étrroit, Voltaire était contraint de défendre Corneille aussi bien que Molière.

« C'est bien, dit Sainte-Beuve, le cossu du style de Molière qui déplaisait à ces élégants esJ>ri ts.

» C'est devenu un lieu commun de le dire : il y a eu, au xvu• siècle, deux langues : l'une franche, pittoresque, abondante, primesautière, celle de Pascal, de Corneille, de Molière, de Bossuet, de La Fontaine, de Mme de Sé­ vigné; l'autre, plus fine et plus nuancée, plus régulière, plus savante, fille de l'hôtel de Rambouillet, de l'Académie; de la Cour, ·de Racine, de Fénelon.

On sait, par les Précieuses et par les Femmes savantes, quelle fut l'attitude. »

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