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Est-il possible de tirer une nouveauté des choses anciennes ?

Publié le 16/01/2010

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Tradition et innovation. Enracinement et déculturation. On peut voir dans cet article un écho remis au goût du jour d'une très ancienne querelle, qui a nourri la problématique idéologique et politique du xix' siècle : lorsqu'on voyait, par exemple, Gide et Maurras s'affronter, dans une forme académique mais avec une perfidie bien réelle, autour du roman de Barrès Les Déracinés.  Dans une époque de crise, cependant, de mutation technologique, sociale, morale, accélérée, avec l'instabilité et l'inquiétude qui en résultent, elle revêt une acuité et une urgence accrues — qui devraient exclure le schématisme, le manichéisme intéressés. On s'efforcera donc d'examiner, à partir d'une gamme variée d'exemples, les apports et les limites de la tradition, pour se demander si les mécanismes de la continuité et du renouvellement n'obéissent pas à des procédures plus complexes et entremêlées qu'il ne paraît de prime abord.   

« en somme, un nouveau totalitarisme : « La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre nonénoncé.

Chacun, en Italie, ressent l'anxiété, dégradante, d'être comme les autres dans l'acte de consommer, d'êtreheureux, d'être libre, parce que tel est l'ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il « doit » obéir s'il sesent différent.

Jamais la différence n'a été une faute aussi effrayante qu'en cette période de tolérance.

L'égalité n'aen effet, pas été conquise, mais est, au contraire, une « fausse » égalité reçue en cadeau.

»3.

Progrès et respect du passé.Au contraire, « les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé »,disait Renan dans L'Avenir de la Science, dès 1848 ! Il n'y a pas opposition entre le passé et le futur, mais le secondse nourrit du premier.

« Ignorer l'Histoire, disait Michelet, c'est rester à jamais enfant.

» a) Si l'on cherche à examiner comment l'histoire ne cesse d'être présente et active dans tout développement d'unesociété, on pourrait prendre comme exemple le rôle de levain joué, depuis près de deux siècles, par la révolutionfrançaise de 1789.

Comment elle apparaît en filigrane derrière les mouvements d'émancipation des peuples, depuisles luttes d'indépendance nationale en Europe ou en Amérique latine au xix' siècle jusqu'à la décolonisation ;comment on retrouve telle ou telle de ses inspirations dans la commune ou la Résistance ; comment sa périodisationmême a pu servir de modèle, parfois néfaste, à la Révolution russe ou au mouvement ouvrier contemporain (leschéma du développement par éliminations successives ; la nécessité de la terreur ; celle du centralisme...). b) Dans un autre ordre d'idées, on sait comment le « progrès » en art n'est pas autre chose que la transmission degénérations en générations d'acquis susceptibles de réinterprétations infinies.

On pourrait, par exemple, étudier ceque deviennent les lois de la perspective linéaire, de ses promoteurs florentins du Quattrocento (Uccello ou Pierodella Francesca) à Dali et à Magritte, en passant par les champs de blé de Van Gogh, les montagnes Sainte-Victoirede Cézanne ou le bar des Folies-Bergères de Manet.

Dans les Interviews imaginaires, André Gide a mis en scène leprocessus en opposant à l'affirmation iconoclaste d'un jeune romancier (plus de « concurrence à l'état civil » ; plusde référence obligatoire aux lois de la réalité ; plus de personnages) sa propre compréhension des nécessitésnovatrices...

et l'identification de telle prémonition ou de tel précurseur.

Et il conclut : « Cessez de croire, entrenous, à des abîmes.

Si vous avancez plus loin (j'entends : votre génération) que nous n'avons su faire, tant mieux !mais croyez bien que c'est sur la même route ; où mes voeux et mes espoirs vous suivront, si même ils ne vous ontpas précédé.

» II.

Les limites de la tradition. 1.

L 'épuisement . a) Il arrive cependant qu'un genre artistique après avoir connu un prodigieux éclat, connaisse un véritabledépérissement, et son remplacement par un autre mieux adapté aux conditions nouvelles de création et deconsommation culturelle.C'est le cas de l'opéra seria au XVIIIe siècle.

Du vivant même de ses plus brillants représentants, Vivaldi ou Haendel,on le voit s'étioler, tout en produisant encore des oeuvres individuellement somptueuses.

Dans les conditionsparticulières de l'Angleterre, il est vrai, et bien peu d'années après Jules César, Alcina ou Orlando, le second, dès1741, abandonnera un genre où il a composé une quarantaine d'ouvrages et où il est reconnu comme un maître,pour « inventer » l'oratorio dramatique en langue vernaculaire et sur des sujets bibliques.

Et il est vrai que descauses externes hâtent cette disparition : les caprices et les excès de ces vedettes du show-businesscontemporain que sont les castrats et les prime donne — on se souvient du pugilat sur scène de deux « dive »rivales, la Cuzzoni et la Bordoni, devant la Princesse de Galles soi-même.

Mais, plus fondamentalement, c'est l'écartentre la froideur du contenu, la convention des livrets, la rigidité de la structure musicale, envers et rançon de lavirtuosité vocale, et les exigences intellectuelles des Lumières, qui porte le genre à consomption et met fin à cepremier âge d'or du bel canto.

Ce qui ne doit pas nous empêcher, d'ailleurs, de le revisiter, à travers le recul del'histoire, avec délices et humour.

Ainsi, cette année, un jeune metteur en scène anglais montant Jules César àl'opéra de Paris, à l'aide d'un jeu de clins d'oeil à la comédie musicale et à Lawrence d'Arabie, superpose notre propreattitude de « visiteurs » à celle des spectateurs du XVIIIe siècle, revisitant eux-aussi une antiquité orientalisante etromanesque, en quête de rêve et de fantasmes de séduction et de domination...• On pourrait aussi s'interroger sur les dernières floraisons du gothique international, au xv' siècle, à Sienne, aumoment d'être supplanté par la nouvelle conception de l'espace qu'élaborent à Florence, à cinquante kilomètres delà, les initiateurs de la Renaissance.

Pierre Francastel a montré ce caractère encore créateur du gothique chez unSassetta et un Giovanni di Paolo.

Parler de l'infériorité des Fiançailles de saint François avec la pauvretés ou de laVierge de l'humilité2 par rapport aux Batailles de San Romano3 ou à L'histoire de la Vraie Croix4 n'a aucun sens.«C'est une forme de vie et de pensée en pleine force qui est supplantée, dans le courant du Quattrocento, par uneforme de vie nouvelle.

» Mais une tradition expressive, si vivace soit-elle, doit s'effacer alors devant un universmental plus porteur d'avenir. b) On pourrait encore examiner les conditions de disparition de certains phénomènes culturels liés à des structureséconomiques et sociales en déclin : comme le mélodrame ou le carnaval, au début de notre siècle, en liaison avecles mutations des sensibilités et des formes de vie populaires urbaines ; ou les fêtes paysannes à l'arrivée desbatteurs et à la vendange, vouées à la régression par la mécanisation de la production agricole ; ou les avatars dela chanson folklorique dans les sociétés industrialisées.

Ces disparitions laissent des vides dans la mémoirecollective, et elles ne vont pas sans appauvrissement.

Mais toute tentative de « regonflage » ne peut être quenostalgique et artificielle.c) Au niveau de la « grande » histoire, il y a Ehrenbourg qui, dans son roman La Chute de Paris, montre d'une façon. »

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