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Le raisonnement par récurrence est un syllogisme hypothétique.

Publié le 11/05/2011

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Bref, quantitativement aussi bien que qualitativement, les nombres entiers forment des classes différentes, autrement dit, sont assez dissemblables pour qu'on ne puisse accepter une expression concernant un nombre entier indéterminé, avant d'avoir prouvé qu'elle se rapporte exclusivement à ce que tous les nombres entiers ont de commun entre eux. Or, ce qu'ils ont de commun entre eux, c'est, premièrement, qu'ils se composent d'unités et, en second lieu, qu'ils occupent chacun une place unique dans la série. Autrement dit, la propriété générique fondamentale des nombres entiers est le processus même de leur formation sous le double aspect d'une addition successive illimitée d'unités isolées et de loi d'ordre linéraire uniforme, qui engendre tous les nombres entiers à partir de 1, sans en omettre un seul. Aussi est-ce sur ce processus de formation que le raisonnement par récurrence a pour mission de prendre appui. En effet, quand on veut démontrer qu'une formule ou un théorème sont valables pour un nombre indéterminé m, on commence par établir que, s'ils sont vérifiés par un nombre déterminé quelconque n, ils se vérifient aussi pour le nombre suivant n 1 — majeure hypothétique qui rattache la formule ou le théorème en question à l'addition génératrice des nombres entiers. Mais il reste encore à prouver la vérité de la relation. Aussi le mathématicien va-t-il s'occuper maintenant d'établir qu'elle est vraie du nombre 1 (à moins que la proposition n'ait de sens que pour un nombre supérieur à 1. Dans ce cas, la mineure contiendra le nombre minimum auquel le théorème ou la formule sont applicables). Tout le détail technique de la démonstration (qui est chaque fois différente) se divise donc en deux phases, dont la première aboutit à la majeure hypothétique : Si la relation est vraie du nombre n, elle est vraie aussi de n + 1; et la deuxième, à la mineure catégorique : Or la relation est vraie du nombre 1. Quelle sera la conclusion ? Ce sera, semble-t-il, la proposition : Donc la relation est vraie du nombre 1 + 1. Ce n'est là cependant qu'une proposition applicable à un seul nombre, non la vérité générale qu'il s'agissait de démontrer. Aussi dit-on habituellement que cette démonstration suppose une suite infinie de syllogismes hypothético-catégoriques semblables à celui que nous venons de voir, tous composés de la même majeure et ayant pour mineure la conclusion du syllogisme précédent. Chaque conclusion reposerait donc, d'échelon en échelon, sur la première, et c'est bien pourquoi on a appelé cette méthode de démonstration le raisonnement par récurrence. Il s'ensuivrait encore que ce raisonnement impliquerait l'énumération de tous les cas possibles (de tous les nombres entiers), et c'est pourquoi on 1 appelle souvent aussi induction rigoureuse ou complète. Mais il y a là deux erreurs d'interprétation. Pour commencer par la dernière, il ne saurait y avoir d'énumération totale en cette matière, puisque la série des nombres entiers est infinie ; et surtout, au lieu de comporter une suite interminable de conclusions successives, le raisonnement par récurrence est, au contraire, une généralisation unique. En effet, comme nous l'avons fait observer, la formation des nombres entiers, étant progressive, régulière, uniforme, bref linéaire, constitue un processus de transition sans omission possible. Or c'est à ce processus que la première phase de la démonstration rattache le théorème ou la formule dont elle s'occupe, et c'est ce processus qui se chargera de l'extension indéfinie de la relation. Dès lors, notre majeure « si la relation est vraie de n, elle est vraie de n I « ne signifie pas qu'elle est vraie seulement de deux nombres consécutifs déterminés, mais exprime le caractère transitif de la relation et le sens de la transition (d'arrière en avant). Il faut donc entendre la majeure comme il suit : Si la relation est vraie d'un nombre entier déterminé n, la loi de formation des nombres entiers étend cette relation à tous les nombres suivants. Aussi la substitution d'une valeur déterminée à la variable n et l'affirmation catégorique de l'antécédent ainsi transformé : Or la relation est vraie du nombre minimum auquel elle est applicable, donnent-elles lieu à la conclusion catégorique générale : Donc la loi de formation des nombres entiers étend cette relation à tous les nombres suivants sans exception. ALBERT SPAIER.

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