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Senancour - Oberman: Imenström, 28 juin, neuvième année.

Publié le 04/03/2011

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Le roman de Senancour, Oberman est un roman épistolaire. Oberman, jeune homme désœuvré, dégoûté de tout, a quitté sa famille et erre dune résidence à Vautre, sans parvenir à se fixer. Ses lettres à un ami analysent cette situation d'errance et le mal de vivre dont il est accablé, sans qu'il puisse lui trouver un remède. Imenström, 28 juin, neuvième année. Je n'attendrai plus des jours meilleurs. Les mois changent, les années se succèdent : tout se renouvelle en vain; je reste le même. Au milieu de ce que j'ai désiré, tout me manque; je n'ai rien obtenu, je ne possède rien : l'ennui consume ma durée 5 dans un long silence. Soit que les vaines sollicitudes de la vie me fassent oublier les choses naturelles, soit que l'inutile besoin de jouir me ramène à leur ombre, le vide m'environne tous les jours, et chaque saison semble l'étendre davantage autour de moi. Nulle intimité n'a consolé mes ennuis dans les 10 longues brumes de l'hiver. Le printemps vint pour la nature, il ne vint pas pour moi. Les jours de vie réveillèrent tous les êtres : leur feu indomptable me fatigua sans me ranimer; je devins étranger dans le monde heureux. Et maintenant les fleurs sont tombées, le lis a passé lui-même; la chaleur 15 augmente, les jours sont plus longs, les nuits sont plus belles. Saison heureuse! Les beaux jours me sont inutiles, les douces nuits me sont amères. Paix des ombrages! brisement des vagues! silence! lune! oiseaux qui chantiez dans la nuit! sentiments des jeunes années, qu'êtes-vous devenus? 20 Les fantômes sont restés : ils paraissent devant moi; ils passent, repassent, s'éloignent, comme une nuée mobile sous cent formes pâles et gigantesques. Vainement je cherche à commencer avec tranquillité la nuit du tombeau ; mes yeux ne se ferment point. Ces fantômes de la vie se montrent sans 25 relâche, en se jouant silencieusement; ils approchent et fuient, s'abîment et reparaissent : je les vois tous, et je n'entends rien; c'est une fumée; je les cherche, ils ne sont plus. J'écoute, j'appelle, je n'entends pas ma voix elle-même, et je reste dans un vide intolérable, seul, perdu, incertain, pressé 30 d'inquiétude et d'étonnement, au milieu des ombres errantes, dans l'espace impalpable et muet. Oberman, Lettre LXXV  

 

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