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Sophocle: ANTIGONE

Publié le 22/02/2012

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sophocle
[…] CRÉON Tu me l'amènes, mais tu l'as prise où et comment ? LE GARDE Elle ensevelissait le corps, tu sais tout. CRÉON Comprends-tu ce que tu dis et dis-tu vrai ? LE GARDE Je l'ai vue en train d'ensevelir le cadavre que tu as interdit. Suis-je clair et sensé ? CRÉON Et comment l'a-t-on vue et prise sur le fait ? LE GARDE Voici ce qui s'est passé : nous retournons là-bas tout abasourdis de tes terribles menaces, nous balayons la poussière qui recouvrait le mort, nettoyons bien le corps qui se putréfiait et nous asseyons en haut des roches, au vent, hors de l'odeur pour n'en pas être atteints, nous stimulant l'un l'autre à renfort de gros mots si l'un de nous défaillait dans sa veille. Ainsi en fut-il jusqu'à l'heure où le disque solaire parvint resplendissant au zénith et l'embrasa de son feu. Alors un brusque orage, fléau du ciel, soulève un tourbillon de terre, envahit la plaine, arrache leur crinière aux arbres de la plaine et remplit l'air immense. Nous subissons, les yeux fermés, ce mal céleste. Quand après bien du temps il se fut éloigné on vit cette enfant pousser les cris aigus de l'oiseau désolé qui trouve son nid vide, privé de ses petits. Oui, dès qu'elle vit le cadavre à nu elle poussa ses plaintes, proféra d'affreuses malédictions contre les auteurs de cet acte. Aussitôt dans ses mains elle apporte de la poussière sèche et avec une aiguière en bronze martelé elle verse sur le mort la triple libation sacrée. Nous à cette vue nous accourons et aussitôt la capturons sans qu'elle s'en émeuve. Nous l'interrogeons sur ce qu'elle faisait et sur ce qu'elle avait fait auparavant : elle ne nie rien. J'en suis heureux et peiné à la fois. Si on est tout heureux d'échapper au malheur il est pourtant pénible d'y livrer ses amis. Mais telle est ma nature qu'à tout le reste je préfère mon propre salut. CRÉON, à Antigone. Et toi qui baisses la tête vers le sol, dis, avoues-tu nous avoir fait cela ? ANTIGONE J'avoue l'avoir fait, je ne le nierai pas. CRÉON, au garde. Toi tu peux t'en aller où il te plaît, absous d'une lourde charge. (À Antigone.) Quant à toi, dis-moi d'un mot, sans phrases, savais-tu la défense que j'avais proclamée ? ANTIGONE Oui, comment l'ignorer ? elle était publique. CRÉON Et ainsi tu as osé passer outre à mes lois ? ANTIGONE Oui car ce n'est pas Zeus qui les a proclamées ni la Justice qui habite avec les dieux d'en bas ; ni lui ni elle ne les ont établies chez les hommes. Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts pour que toi, mortel, tu puisses passer outre aux lois non écrites et immuables des dieux. Elles n'existent d'aujourd'hui ni d'hier mais de toujours ; personne ne sait quand elles sont apparues. Je ne devais pas par crainte des volontés d'un homme risquer que les dieux me châtient. Je savais bien que je mourrai, n'est-ce pas ? même sans ta proclamation. Et si je meurs avant le temps, je dis, moi, que ce m'est un gain. Quand on vit comme moi parmi tant de malheurs, comment ne pas trouver qu'on gagne à mourir ? Subir ce sort n'est pas pour moi une souffrance mais c'en serait une d'avoir laissé sans sépulture après sa mort le fils de ma mère ; j'en aurais souffert, mais à présent je ne souffre pas. Et si je te semble avoir agi en folle, peut-être suis-je accusée de folie par un fou. LE CORYPHÉE Cette rude fille se montre l'enfant de son rude père, elle n'a pas appris à céder aux malheurs. […]

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