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Personnages et vision du monde

Publié le 23/02/2014

Extrait du document

Itinéraire : Personnages et visions du monde (lycée Machiavelli-Capponi) Groupement de textes sur trois personnages du Père Goriot, de Balzac : Madame Vauquer, Eugène de Rastignac, Vautrin. Rappel : il s’agit d’un groupement de textes pour le cours et non d’un exemple de corpus pour l’essai bref. Problématique : Comment Balzac, à travers ses personnages, nous offre-t-il une peinture de la nature humaine, d’un milieu, d’un monde à l’autre ? Citations :  « Ah ! Sachez-le : ce drame n’est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est si véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son cœur peut-être. « Balzac, Le Père Goriot. « Balzac a  saisi la vérité parce qu’il a saisi des ensembles. Son œuvre est le plus grand magasin de documents que nous ayons sur la nature humaine. « Taine. Objectifs : -        Comment créer un personnage littéraire : éléments de narratologie ; l’art du portrait -        Les liens entre les personnages ; le personnage et la peinture d’une société -        Mettre en lien la quête du personnage et le ressort romanesque -         Lire le personnage comme reflet de l’homme. Objectifs  méthodologiques : -        Lire de façon analytique les textes d’un corpus -        Les mettre en réseau et en les utilisant comme éléments de réponse à une problématique (EsaBac).   Intertextualité : un personnage de la littérature italienne : Corpus : Extrait 1 : Le roman de Balzac s’ouvre sur la description de la pension Vauquer, dans laquelle logent une bonne partie des personnages du livre, et dont voici la propriétaire… « Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension explique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Agée d’environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l’œil vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l’entendant geindre et tousser comme eux. Qu’avait été monsieur Vauquer ? Elle ne s’expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune ? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s’était mal conduit avec elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il est possible de souffrir. En entendant sa maîtresse, la grosse Sylvie, la cuisinière, s’empressait de servir le déjeuner des pensionnaires internes. Balzac, Le Père Goriot, édition Folio (pages 28 – 29) Extrait 2 : Eugène de Rastignac vient, par maladresse sociale, de se fermer les portes de chez Madame de Restaud. Il se rend alors chez sa cousine Madame de Beauséant, qui vient, elle, d’être trahie par son amant, le marquis d’Ajuda Pinto. -        Eh bien ! monsieur de Rastignac, traitez ce monde comme il mérite de l’être. Vous voulez parvenir, je vous aiderai. Vous sonderez combien est profonde la corruption féminine, vous toiserez la largeur de la misérable vanité des hommes. Quoique j’aie bien lu dans ce livre du monde, il y avait des pages qui cependant m’étaient inconnues. Maintenant je sais tout. Plus froidement vous calculerez, plus avant vous irez. Frappez sans pitié, vous serez craint. N’acceptez les hommes et les femmes que comme chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais, vous arriverez ainsi au faîte de vos désire. Voyez-vous, vous ne serez rien ici si vous n’avez pas une femme qui s’intéresse à vous. Il vous la faut jeune, riche, élégante. Mais si vous avez un sentiment vrai, cachez-le comme trésor ; ne le laissez jamais soupçonner, vous seriez perdu. Vous ne seriez plus le bourreau, vous deviendriez la victime. Si jamais vous aimiez, gardez bien votre secret ! ne le livrez pas avent d’avoir bien su à qui vous ouvrirez votre cœur. Pour préserver par avance cet amour qui n’existe pas encore, apprenez à vous méfier de ce monde-ci. Ecoutez-moi, Miguel… (Elle se trompait naïvement de nom sans s’en apercevoir). Il existe quelque chose de plus épouvantable que ne l’est l’abandon du père par ses deux filles, qui le voudraient mort. C’est la rivalité des deux sœurs entre elles. Restaud a de la naissance mais sa femme a été adoptée, elle a été présentée ; sa riche sœur, la belle madame Delphine de Nucingen, femme d’un homme d’argent, meurt de chagrin ; la jalousie la dévore, elle est à cent lieues de sa sœur ; sa sœur n’est plus sa sœur ; ces deux femmes se renient entre elles comme elles renient leur père. Aussi, madame de Nucingen laperait-elle toute la boue qu’il y a entre la rue saint-Lazare et le rue de Grenelle pour entrer dans mon salon. Elle a cru que de Marsay la ferait arriver à son but, et elle s’est faite l’esclave de de Marsay, elle assomme de Marsay. De Marsay se soucie fort peu d’elle. Si vous me la présentez, vous serez son Benjamin, elle vous adorera. Aimez-la si vous pouvez après, sinon servez-vous d’elle. Je la verrai une ou deux fois, en grande soirée, quand il y aura cohue ; mais je ne la recevrai jamais le matin. Je la saluerai, cela suffira. Vous vous êtes fermé la porte de la comtesse pour avoir prononcé le nom du père Goriot. Oui, mon cher, vous iriez vingt fois chez madame de Restaud, vingt fois vous la trouveriez absente. Vous avez été consigné. Eh bien ! que le père Goriot vous introduise près de madame Delphine de Nucingen. La belle madame de Nucingen sera pour vous une enseigne. Soyez l’homme qu’elle distingue, les femmes raffoleront de vous. Ses rivales, ses amies, ses meilleures amies, voudront vous enlever à elle. Il y a des femmes qui aiment l’homme déjà choisi par une autre, comme il y a de pauvres bourgeoises qui en prenant nos chapeaux, espèrent avoir nos manières. Vous aurez des succès. A Paris, le succès est tout, c’est la clé du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l’esprit, du talent, les hommes le croiront, si vous ne les détrompez pas. Vous pourrez alors tout vouloir, vous aurez le pied partout. Vous saurez alors ce qu’est le monde, une réunion de dupes et de fripons. Ne soyez ni parmi les  uns, ni parmi les autres. Je vous donne mon nom comme un fil d’Ariane pour entrer dans ce labyrinthe. Ne le compromettez pas, dit-elle en recourbant son cou et jetant un regard de reine à l’étudiant. Rendez-le-moi blanc. Allez, laissez-moi. Nous autres femmes, nous avons aussi nos batailles à livrer. Balzac, Le Père Goriot Extrait 3 : La situation d’Eugène reste difficile. Autre pensionnaire de madame Vauquer, Vautrin, personnage suspect et qui lui déplaît fort fait entrevoir au jeune homme la possibilité de parvenir à la condition… de devenir criminel. -        Quelle horreur ! dit Eugène. Vous voulez plaisanter, monsieur Vautrin ? -        Là, là, là, du calme, reprit cet homme. Ne faites pas l’enfant : cependant, si cela peut vous amuser, courroucez-vous ! emportez-vous ! Dites que je suis un infâme, un scélérat, un coquin, un bandit, mais ne m’appelez ni escroc, ni espion ! Allez, dites, lâchez votre bordée ! Je vous pardonne, c’est si naturel à votre âge ! J’ai été comme ça, moi ! Seulement, réfléchissez. Vous ferez pis quelque jour. Vous irez coqueter chez quelque jolie femme et vous recevrez de l’argent. Vous y avez pensé ! dit Vautrin ; car, commet réussirez-vous si vous n’escomptez pas votre amour ? La vertu, mon cher étudiant, ne se scinde pas : elle est ou n’est pas. On nous parle de faire pénitence de nos fautes. Encore un joli système que celui en vertu duquel on est quitte d’un crime avec un acte de contrition ! Séduire une femme pour arriver à vous poser sur tel bâton de l’échelle sociale, jeter la zizanie entre les enfants d’une famille, enfin toutes les infamies qui se pratiquent sous le manteau d’une cheminée ou autrement dans un but de plaisir ou d’intérêt personnel, croyez-vous que ce soient des actes de foi, d’espérance et de charité ? Pourquoi deux mois de  prison au dandy qui ; dans u ne nuit, ôte à un enfant la moitié de sa fortune, et pourquoi le bagne au pauvre diable qui vole un billet de mille francs avec les circonstances aggravantes ? Voilà vos lois. Il  n’y a  pas un article qui arrive à l’absurde. L’homme en gants et à paroles jaunes a commis des assassinats où l’on ne verse pas de sang, mais où l’on en donne ; l’assassin a ouvert une porte avec un monseigneur : deux choses nocturnes ! Entre ce que je vous propose et ce que vous ferez un jour, il n’y a que le sang de moins. Vous croyez à quelque chose de fixe dans ce monde-là ! Méprisez donc les hommes, et voyez les mailles par où l’on peut passer à travers le réseau du Code. Le secret des grandes fortunes sans cause apparente est un crime oublié, parce qu’il a été proprement fait. Balzac, Le Père Goriot   Lectures complémentaires : -        Excipit du Père Goriot (140-141, (Magnard 1ère) -        Avant propos de la comédie humaine -        Extrait des Illusions perdues (Pages 116-117, Magnard 1ère) -        Extrait de Splendeurs et Misères des courtisanes -        Extrait de Madame Bovary -        Extrait de Raymond Queneau (466, Nathan) -        Incipit de Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline (p. 40 soleil d’encre 1ère) -        Extrait de Zola, préparation au personnage de Lantier, p.170 Hatier seconde -        D. Sénécal, « Des personnages qui se mettent à écrire «, Lire p172           Giovanni Boldini, Comte Robert de Montesquiou   Questions : Quels points communs et quelles différences pouvez-vous observer dans chacun de ces quatre extraits ? Quelles caractérisations pouvez-vous en proposer ? Comment chacun des personnages est-il présenté et construit ? Quels rapports semble-t-il entretenir avec le monde ? Comment s’exprime et s’explique l’importance donnée à l’habit ? En passant du « dandy « au « lion «, Félicien Marceau explique : « le lion de Balzac n’est pas seulement un gandin. Il est aussi lion au sens propre du mot : animal carnassier aux détentes redoutables, cherchant sans cesse qui dévorer. « (in Balzac et son monde, Gallimard, « Tel «, p.39). Les textes du corpus vous permettent-ils de confirmer ce jugement ?

«   Intertextualité : un personnage de la littérature italienne : Corpus : Extrait 1 : Le roman de Balzac s'ouvre sur la description de la pension Vauquer, dans laquelle logent une bonne partie des personnages du livre, et dont voici la propriétaire... « Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d'assiettes, et fait entendre son rourou matinal.

Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées.

Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s'est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l'air chaudement fétide sans être écoeurée.

Sa figure fraîche comme une première gelée d'automne, ses yeux ridés, dont l'expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l'amer renfrognement de l'escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension explique sa personne.

Le bagne ne va pas sans l'argousin, vous n'imagineriez pas l'un sans l'autre.

L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital.

Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s'échappe par les fentes de l'étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires.

Quand elle est là, ce spectacle est complet.

Agée d'environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs.

Elle a l'oeil vitreux, l'air innocent d'une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d'ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer.

Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l'entendant geindre et tousser comme eux.

Qu'avait été monsieur Vauquer ? Elle ne s'expliquait jamais sur le défunt.

Comment avait-il perdu sa fortune ? Dans les malheurs, répondait-elle.

Il s'était. »

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