Le théâtre a-t-il pour fonction de tout dire, de tout expliquer au spectateur de la crise que vivent les personnages? - Par quels moyens et quelles fonctions Juste la Fin du monde est une pièce qui nous retrace la crise de cette famille?

« Sujet: Le théâtre a-t-il pour fonction de tout dire, de tout expliquer au spectateur de la crise que vivent les personnages? Problématique: Par quels moyens et quelles fonctions Juste la Fin du monde est une pièce qui nous retrace la crise de cette famille? Plan: I.Des personnages en crise a. La crise personnelle de Louis b. Une crise familiale II. a. b. La place importante de la fonction de la parole, tout dire ou ne rien dire? Une parole poétique à la recherche du mot parfait Une langue révélatrice de solitude, secret, non-dits III.

Des révélations passant un message “aux autres, et à eux, tout précisément, toi, vous, elle, ceux-là que je ne connais pas encore” par de nombreuses fonctions a. La fonction et la volonté de Jean-Luc Lagarce, personnage caché, de nous toucher même par le silence b. La fonction de transmettre une visée moralisatrice universelle par la mise en scène et ses suppositions Dissertation "Juste la Fin du Monde" Le théâtre est un art apparu dans l’Antiquité mais qui connaîtra son âge d'or seulement au 17e siècle avec l’apparition du Classicisme.

De nos jours, Jean-Luc Lagarce est un des dramaturges les plus joués en France.

On pourrait le situer dans le mouvement dramatique. Atteint d’un sida, il en mourra en 1995, seulement 5 ans après la publication de son œuvre Juste la Fin du Monde.

Cette pièce tragique retrace la crise personnelle de Louis et celle de sa famille.

En effet, Louis est atteint d’une maladie incurable et décide de faire l’aveu de sa mort prochaine et précoce à sa famille en “revenant sur ses pas” après une longue absence.

On y retrouve ainsi la volonté de Louis de faire son adieu à sa famille mais également celle de Jean-Luc Lagarce à son public.

L’échec de l’aveu de Louis amplifie l’idée de tragédie, d’échec et de crise.

Nous savons que le théâtre a de nombreuses fonctions comme celle de tout dévoiler, tout dire ou encore tout expliquer.

On se demandera ainsi par quels moyens et quelles fonctions Juste la Fin du monde est une pièce qui nous retrace la crise de cette famille? Pour cela, nous verrons premièrement que nous sommes face à des personnages en crise.

Pour continuer dans notre développement, nous verrons la place importante de la parole avec comme question: tout dire ou ne rien dire? Finalement, nous nous pencherons sur la présence de révélations passant un message “aux autres, et à eux, tout précisément, toi, vous, elle, ceux-là que je ne connais pas encore” par de nombreuses fonctions. Tout d’abord, la crise peut désigner des moments très difficiles, une rupture d’équilibre, un questionnement de soi-même ou de manière très large; un mal-être.

Dans cette tragédie, nous rentrons au fil et à mesure de notre lecture dans la crise personnelle de Louis.

Louis étant le personnage principal de cette pièce de théâtre et y possèdant de nombreux rôles: celui du prologue, du messager ou encore celui du héros tragique.

Il est l’un des fils de la famille et décide de retourner dans son foyer familial après une très longue absence d’une dizaine d'années.

Cette décision survient par la volonté de faire l’aveu de sa mort prochaine qui s’oppose à son jeune âge qui nous est annoncé dès le prologue par: Louis - “(...) j’ai près de trente-quatre ans maintenant”.

En effet, cette mort précoce et cette idée obsédante de mort certaine, qui est d’autant plus “sans espoir” (Prologue), nous plonge dans une première crise propre à Louis.

Cette idée nous est déjà présentée dans le titre “Juste la Fin du Monde” qui, implicitement, nous explique que le protagoniste est condamné.

Condamné par cette immobilisation, cette impuissance.

Cette condamnation se retrouve dans de nombreuses œuvres comme dans Antigone d’Anouilh: “Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi elle aurait bien aimé vivre.

Mais il n’y a rien à faire”.

Pour revenir à Juste la Fin du Monde, le retour de Louis n’est pas anodin d’autant plus que l’on se rend compte que Louis est devenu étranger à sa famille et sa famille étrangère à Louis.

Il est désormais seulement reconnu pour “ce don [...] cette qualité” (Scène 3, Partie 1) de l’écriture.

Pourtant son utilisation n’est pas réellement présente ou du moins pas pour sa famille à qui il écrit des “lettres elliptiques”.

Fidèle à ses lettres, Louis ne parle pas, ne s’exprime pas et sa parole se noie dans celle des autres.

Il se confie rarement ou le fait seulement par des apartés, des adresses au public, aux spectateurs où il démontre ses sentiments, ses ressentis, etc.

Sa crise est donc d’autant plus présente qu’il n'arrive pas à s’exprimer avec les siens ce qui entraînera de nombreux reproches à son égard ajoutés à ceux concernant son départ, son abandon. Personne ne connaît réellement Louis et cela crée un fossé entre le “tu” désignant Louis et le “nous” désignant le reste de la famille.

Cette distance le replie sur lui-même et le plonge dans une solitude mais cette dernière ne le dérange pas: Louis - “(...) je n’aime personne et je suis solitaire” (Scène 10, Partie 1).

Cette crise personnelle s’appuie donc sur la mort certaine et l’impossibilité de faire son aveu qui partait pourtant d’une démarche sincère avec comme but “en être l’unique messager” (Prologue).

Cet unique messager est l’identité rêvée de Louis mais cette identité est déjà trop cachée par l’étiquette (thème important dans les tragédies) que sa famille et surtout sa Mère lui ont attribué au fil des années.

Cette étiquette va amener Louis à se remettre plusieurs fois en question sur qui il est et va donc ainsi aggraver la crise.

On peut donc bien dire que son retour va créer un bouleversement comme dans Incendies de Mouawad après la lecture du testament de la mère.

D’autant plus, Louis affirme qu’il a toujours été mal aimé avec: “Tu me persuadais, j’étais convaincu que tu manquais d’amour” où l’on sent donc bien ici cette idée de mal-être intérieur. Dès les premières scènes de Juste la Fin du Monde, les spectateurs sont plongés dans la vie intime d’une famille déchirée où chaque personne la composant est elle aussi atteinte de sa crise personnelle.

Nous sommes donc face à une famille qui paraît être sans amour, sans affinité et cela d’autant plus avec l’arrivée de Louis par laquelle nous constatons clairement que les regrets et les reproches ont pris le pas sur l’amour et l’admiration.

La famille est devenue étrangère à Louis et le terme “La Mère” avec une majuscule montre une généralisation des mères, ça aurait pu être n’importe qui.

Jean-Luc Lagarce nous montre les ruptures de cette famille en nous retraçant précisément dans la scène 4 le délitement de cette dernière et cela d’autant plus avec l’utilisation, dans la majorité de la pièce, du passé composé ou du futur ramenant des souvenirs ou une anticipation.

Dans cette scène, on nous retrace l’âge d’or qu’a vécu cette famille.

L’époque où les parents travaillaient, avaient une voiture, une routine et où “le dimanche” était synonyme de repos, paix et harmonie.

C’était le quotidien d’une famille banale mais heureuse et tranquille avant la mort du père et le départ de Louis.

Depuis, tout s’est dégradé et les caractères et mauvais côtés intimes des personnages ont pris le dessus et se sont révélés.

En effet, Suzanne, la sœur, ne peut point partir par peur d’abandonner, comme Louis, sa famille: “Je ne pars pas, je reste”.

Antoine assume depuis la mort de son père les responsabilités de la famille et se compare à son frère qui pour lui a réussi sa vie même s' il ne lui dira jamais mais lui reprochera par jalousie.

Cette jalousie et ce duel entre frères est un grand thème tragique comme dans le mythe antique de “Romulus et Rémus” ou encore dans la fameuse pièce de théâtre d' Anouilh Antigone où les deux frères mais également les deux sœurs sont en duel constant.

Ce drame intime explique cette violence et cette brutalité que l’on retrouve chez Antoine que se soit envers sa mère, sa soeur ou encore sa femme, Catherine.

En parlant de la Mère, cette dernière est également atteinte d’une crise, celle de la nostalgie et du fait d’avoir tout perdu: La Mère - “est-ce qu’on peut savoir comment tout disparaît?" (Scène 4, Première Partie).

Il y a également le fait du temps qui passe avec: “Pour moi aussi cela fait trente-quatre ans [...] Je ne me rends pas compte [...] c’est beaucoup de temps?”. Ces tragédies intérieures créent des relations houleuses comme on le constate dans la scène 9 avec: Antoine - Suzanne, ils font comme ils veulent” [...] Suzanne - Mais merde, toi, à la fin!” Cette scène montre ces réels conflits permanents et qui apparaissent pour pas grand chose. On a donc pu voir la crise personnelle de Louis mais également la crise familiale de sa famille. On pourrait alors se demander par quelle fonction le théâtre nous les dépeint-il? La parole est, tout d’abord, la principale fonction utilisée ici et la question est donc: tout dire ou ne rien dire? En effet, selon son utilisation ou non, cela donne une toute autre vision des choses, des événements, etc.

Il est bon de relever la parole et l’écriture spéciales et originales de Jean-Luc Lagarce.

En effet, dans Juste la Fin du Monde, on retrouve une écriture qui ressemble à celle d’un poème: une écriture poétique.

On est comme face à un poème avec un nombre de syllabe irrégulier synonyme de vers libre.

Les nombreux retours à la ligne créent des versets et donnent une forme peu commune à notre texte de théâtre.

Pourtant il y a un contraste.

En effet, les paroles, elles, utilisent le registre familier.

On a donc une écriture à la fois pauvre, complexe et sophistiquée.

Dans ces paroles, les membres familiaux sont dans l’incapacité de trouver la formulation exacte.

Cela explique l’utilisation démesurée de l’épanorthose, une figure de style consistant à reformuler un propos en ajoutant une expression plus forte ou seulement de la précision comme nous pouvons, par exemple, le voir ici: Suzanne - (...) “Ce ne doit pas, ça n’a pas dû, ce ne doit pas être bien" (Scène 3, Première Partie).

Les répétitions, les corrections, les précisions et par dessus cela, l’utilisation des parenthèses pour montrer la phrase aboutie, nous montre cette hésitation.

La parole, quand elle est présente, n’est pas spontanée avec par exemple dans le prologue: “pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision” qui montre le fait que Louis prépare comment il va parler, à quelle vitesse, etc.

Tout cela montre la recherche des personnages de la perfection de la parole et du “mot juste” malgré le fait que ce dernier n’existe pas.

Cette idée de répétition est fortement présente dans la scène.... »