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HAÏTI (littér.)

Publié le 18/01/2019

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HAÏTI (littér.). La littérature de langue française à Saint-Domingue est, au xviiie s., l'œuvre de colons qui se font éditer en France. Elle comprend surtout des études descriptives ou politiques, en particulier celles de Hilliard d'Auberteuil et surtout de Moreau de Saint-Méry. La littérature d'Haïti proprement dite commence après l'indépendance : dès 1804, Fligneau fait jouer sa pièce l'Haïtien expatrié. Mais les premiers écrivains sont surtout des polémistes, qui luttent contre un retour à la colonisation ; Dupré crée un théâtre d'actualité. En 1827, Milscent fonde une première revue littéraire, l'Abeille haytienne.

 

Le romantisme apparaît avec le groupe du Républicain et de l'Union, en 1836 ; il a pour chefs de file les frères Nau ; il compte des poètes (Ignace Nau, Coriolan Ardouin), des auteurs dramatiques, un romancier (Émeric Bergeaud), mais surtout trois historiens importants Madiou, Beaubrun Ardouin, Saint-Rémy. La génération suivante est celle du Parnasse, que domine Oswald Durand ; la même inspiration, légère et galante chez lui, se teinte de patriotisme avec Tertullien Guilbaud et Massillon Coicou, Amédée Brun s'essaie au roman psychologique ; Démesvar Delorme s'attarde dans le genre historique et byronien. Louis Joseph Janvier, Hanni-bal Price, Benito Sylvain, Anténor Fir-min multiplient les ouvrages à la gloire de leur pays et de leur race.

 

En 1898 se fonde la Ronde, revue qui donne son nom à une école qui tend à s'ouvrir davantage sur le monde. En poésie, elle comprend, notamment, Charles Moravia, qui met en français Y Intermezzo de Henri Heine, Damoclès Vieux (l'Âme captive, 1913), Etzer Vilaire ; Georges Sylvain préconise une littérature nationale et met en dialecte créole les fables de La Fontaine (Cric-Crac, 1901) ; c'est aussi la tendance de Duraciné Vaval {Stances haïtiennes, 1912). Le début du xxe s. voit apparaître aussi un groupe de trois romanciers humoristiques : Frédéric Marcelin, Justin Lhérisson, Fernand Hibbert, tandis qu'Antoine Innocent publie Mimola (1906), premier roman folklorique.

 

L'occupation américaine, de 1915 à 1934, pose plus nettement la question de l'appartenance culturelle. Les continuateurs de l'école de la Ronde restent fidèles à une orientation française : ils ont comme porte-parole Dantès Belle-garde et comptent d'excellents poètes, comme Ida Faubert, Dominique Hippo-lyte, Frédéric Burr-Reynaud, Luc Gri-mard ; subtils, un peu maniérés, Constantin Mayard, Émile Roumer, Léon Laleau polissent leurs vers à la manière de P.-J. Toulet et de Tristan Derème. Un autre groupe, dont l'animateur est l'eth

 

nologue Price-Mars (Ainsi parla l'oncle, 1928), veut s'inspirer de la tradition africaine ; un troisième, avec Jacques Roumain, recherche l'engagement prolétarien. La poésie se libère de la prosodie traditionnelle et devient militante, avec Cari Brouard, Roussan Camille, René Bélance, René Dépestre, Jean Brierre ; elle s'imprègne de surréalisme. Le roman choisit ses sujets dans la vie populaire, peinte de couleurs sombres : après l'indigénisme encore bourgeois de Stephen Alexis (le Nègre masqué, 1933), ce sont les romans paysans de Jean-Baptiste Cinéas, ceux des frères Philippe Thoby Marcelin et Pierre Marcelin (Canapé vert, 1944) et de Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée, 1944) ; le même réalisme pathétique se retrouve chez Maurice Casséus, Félix Morisseau-Leroy, Anthony Lespès, Jacques Stephen Alexis. La Revue indigène, puis les Griots servent de support à ce nouveau courant.

 

L'histoire est représentée par Pauléus Sannon, par le général Nemours, le Dr Dalencourt, Timoléon Brutus, Roger Gaillard, plus récemment par l'érudit Maurice Lubin et surtout Jean Fou-chard ; des sociologues scrutent, après Price-Mars, les composantes de l'âme nationale (Haïti a été la première « république nègre »), et interprètent à cette lumière, avec Hénoch Trouillot, la littérature de leur pays, qui trouve ses historiens avec Pradel Pompilus, le frère Raphaël Berrou ou Ghislain Gouraige. Par ses chocs d'idées, la littérature haïtienne reste une des plus suggestives et des plus vivantes des littératures francophones.

 

L'exode de nombreux intellectuels, hostiles au régime Duvalier, a eu cependant pour effet la différenciation de deux littératures. Celle du dehors, militante, avec Jacques Stephen Alexis mort tragiquement en 1961, Frank Fouché, Anthony Phelps, s'élargit chez Jean-François Brierre (Sculptures de proue, 1983) et chez René Depestre, qui, sans abandonner la poésie, passe au conte et au roman (Bonjour et Adieu à la négritude, 1980) ; elle reflète le séjour africain de Roger Dorsinville (Kimby, 1973 ; Mourir pour Haïti, 1980) et voit poindre des talents originaux comme celui de Jean Métellus {Au pipirite chantant, 1978 ; Soleil de toute liberté, 1983). Celle du dedans continue à pratiquer le roman historique (Alix Mathon, Adeline Moravia) ou populiste et social (Marie-Thérèse Colimon, Paulette Poujol-Oriol) et voit se succéder des écoles poétiques à un rythme accéléré : après le surréalisme de Magloire Saint-Aude (1912-1971), le groupe Samba où figure Davertige, le groupe Hounguenikon de Gérard Camp-fort, le spiralisme de René Philoctète et Frank Étienne, le pluréalisme de Gérard Dougé, le groupe de la revue le Petit Samedi soir de Dieudonné Fardin. Plusieurs, au théâtre et dans le roman, s'efforcent de promouvoir la langue créole, signe de reconnaissance pour les immigrés à New York ou à Montréal, encouragée d'autre part par l'idéologie du régime et par la recherche d'une authenticité à l'exemple des Africains.

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