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Le Roman expérimental de Zola

Publié le 24/11/2018

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Le Roman expérimental de Zola

 

Publié en 1880 — date à laquelle les Rougon-Macquart n’en sont qu’à leur neuvième épisode, avec Nana —, le Roman expérimental regroupe sept études publiées dans divers journaux entre 1878 et 1880. Entre l’article qui ouvre le recueil et lui donne son titre, constituant une véritable doctrine de « la science appliquée à la littérature », et l’analyse finale consacrée aux liens « du moment politique et de la littérature », l’unité, bien réelle, vient de ce style direct — « la fougue même de l’idée », reconnaît Zola dans un prière d’insérer — conçu pour combattre, expliquer ou défendre et, comme tel, « ayant trop de simplicité dans l’allure et trop de sécheresse dans le raisonnement ».

Manifeste pour une nouvelle littérature, le Roman expérimental est le quadruple acte de foi d’un homme qui, après avoir nié Dieu et vidé son ciel, sacrifie sur l’autel de la science. Acte de foi dans la littérature d’abord : car c’est bien de littérature qu’il s’agit ici, même si l’on a pu accuser l’auteur de R Assommoir de rabaisser « la » littérature en choisissant des sujets obscènes, méprisables, désespérants (Zola répond avec humour sur ce point en renversant les postulats : si on le juge obscène, c’est qu’aujourd’hui « le protestantisme nous envahit. On barde de fer les urinoirs, on crée des refuges blindés aux amours monstrueuses, lorsque nos pères innocemment se soulageaient en plein soleil » (De la critique).

A tous ses détracteurs, Zola lance au visage un cri de cœur : « la littérature est au sommet », qu’il corrige d’un cri de raison (à moins qu’il ne s’agisse du contraire) : « avec la science », ajoute-t-il (De la critique, « la Haine de la littérature »).

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« cérébraux de l'exaltation romantique» («Lettre», 1).

D'où l'appel aux jeunes générations qui doivent s'enga­ ger dans la voie de « la virilité du vrai » ...

au nom de la survie de la France : «car il faut le confesser très haut, c'est qu'en 1870 nous aurons été battus par l'esprit scientifique» (« Leure », v).

Cet esprit, il pense par exemple le trouver en Littré, qu'il oppose curieusement à Hugo.

L'opposition au romantisme se fonde donc sur une opposition politique et appelle ainsi un acte de foi dans la république : une république qui ne soit pas née de l'illusion ou de l'utopie ni de l'abstraction, mais qui procède «du résultat logique de certains faits», donc « une république de républicains scientifiques ou natura­ listes » ( « la République et la Littérature »).

Tout s'enchaîne ainsi logiquement : les jeunes, comme les républicains, forment dans l'esprit de Zola une barrière naturelle contre les errements romantiques tant en politique qu'en littérature.

Et l'on arrive ainsi au credo fondamental du Roman expérimental : « Le romancier expérimental n'est qu'un savant spécial qui emploie l'outil des autres savants, J'observation et l'ana­ lyse» (v).

D'où la démarche de Zola : pour affirmer la solidarité du littéraire et du scientifique, il s'appuie sur l'Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard (1865) qu'il paraphrase sans vergogne : «Le plus souvent il me suffira de remplacer le mot "médecin" par le mot "romancier", pour lui rendre ma pensée claire et lui apporter la rigueur d'une vérité scientifique » (Pré­ face).

Ainsi naît un texte composite, mélange de citations (à titre d'exemple, Je chapitre 1 comporte 92 lignes d'ex­ traits de Claude Bernard sur un total de 235 lignes), de commentaires et de diatribes.

Le plus curieux étant l'attitude de Zola qui, plus scientiste que Je savant, s'op­ pose à son modèle (v) lorsqu'il «refuse aux lettres l'en­ trée du domaine scientifique ».

Dans son désir de faire à tout prix de l'écrivain un savant, Zola oublie la spécifi­ cité du langage : il est vrai que Je problème stylistique ne l'embarrasse guère, en apparence et consciemment, et que le «sens du réel» sur lequel se fonde l'écriture naturaliste n'est qu'un nouvel avatar du« vrai» au nom duquel les écoles et les écrivains se sont toujours battus ...

Scientifique, le romancier naturaliste rêvé par Zola l'est dans la mesure où il entend se rendre «maître des éléments intellectuels et personnels pour pouvoir les diri­ ger » (111).

Or c'est précisément sur ce point fondamental que l'attitude de l'écrivain s'éloigne de celle du savant : ce dernier cherche à appréhender des signes inconnus alors que l'écrivain dispose les signes à sa guise, choisit les phénomènes et monte un mécanisme.

De ce point de vue, il se pourrait bien que toute la littérature ait fait du naturalisme sans le savoir et que la fatalité racinienne ne soit pas fondamentalement opposée à la logique et à la clarté de Zola! On a reproché à Zola sa naïveté, et il faut bien recon­ naître que le Roman expérimental nie par sa démarche même ce qu'il tente d'établir; exporter une méthode d'un champ expérimental à un autre champ d'application, c'est réduire singulièrement la portée et la validité de la méthode.

Mais il convient de reconnaître avec Michel Butor que l'intérêt de l'ouvrage réside moins, sans doute, dans sa spécificité théorique à engendrer une nouvelle littérature que dans l'effort d'unir tous les éléments de ce que Zola appelle le « circulus social » : « Pour Je roman, être expérimental, cela veut dire hâter, aider, faciliter, rendre moins sanglante la fondation inévitable, mais atrocement lente, de la société nouvelle ».

BIBLIOGRAPHIE Le Roman expérimental est facilement accessible dans la coll.

Garnier-Flammarion.

On le trouvera aussi dans l'édition des Œuvres complètes de Zola (Cercle du Livre précieux) où il est précédé d'une intéressante Préface de Michel Butor (t.

X, Œuvres critiques.

1, p.

1 145-1 171 ).. »

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