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Flaubert, "Ce fut comme une apparition"

Publié le 17/01/2014

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Suggestion de commentaire de texte : « Ce fut comme une apparition » (Flaubert, L'éducation sentimentale) 1S2 C'est probablement en s'inspirant de ses propres amours que Flaubert publie en 1861 le roman L'éducation sentimentale, qui retrace le parcours initiatique d'un jeune homme, avec, en arrière-fond politique, le Second Empire et la Restauration. Récit d'une expérience individuelle, l'oeuvre se veut aussi, dans sa dimension sociale, le témoignage d'une génération romantique nourrie par un idéal et déçue par une implacable réalité. La scène que nous allons étudier se situe au tout début du texte. Elle évoque la rencontre entre Frédéric Moreau et Marie Arnoux sur le mode d'un enchantement hélas rompu par l'arrivée du mari, qui représente symboliquement l'obstacle. L'extrait que nous allons analyser décline a priori tous les invariants de la rencontre amoureuse. Cependant, il en subvertit les codes par une ironie visant l'un et l'autre protagoniste. Nous le montrerons en abordant tout d'abord la dimension picturale de ce texte, qui fige Mme Arnoux dans une sorte de cliché esthétique. Puis, nous évoquerons le personnage de Frédéric, dont l'idolâtrie aveugle pervertit le regard. Le motif pictural se cristallise dans l'attitude de Frédéric qui est celle d'un peintre : observant son modèle, il exécute une série de mouvements illustrés par des verbes d'action - « fléchit » (l.3), « se fut mis » (l.4), « se planta » (l.11). Face à lui, Madame Arnoux se détache en figure totalement esthétisée : l'accum...
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« vie,   son   passé   ?   »   (l.15)   ­   et   nous   ouvre   un   chemin   vers   les   plus   intimes   pens ées   du   personnage.

  On   ne   saurait circonscrire l'attirance de Fr édéric   à  un simple d ésir physique .  Si celui­ci existe, comme nous l'indique   le   texte,   il   est   cependant   d épass é  par   un   sentiment   beaucoup   plus   confus,   aussi   myst érieu x   et   transcendantal que peut l' être madame Arnoux, aussi paradoxal qu'un attrait   condamn é à la souffrance, ce   que d émontre l'oxymore ­   «   curiosit é douloureuse   » (l.17/18)­. Les bornes de ce d ésir n' étant pas d éfinies, il   est normal qu'une hyperbole en valide le constat ­   «   qui n'avait pas de limites   » (l.18) ­. Domin é par l' hybris, le regard de Frédéric agit de façon déformante.

Il fonctionne de manière intrusive, tentant de percer à jour le mystère de Madame Arnoux.

L'accumulation de la l.16 - « les meubles de sa chambre, toutes les robes qu'elle avait portées, les gens qu'elle fréquentait »- montre que la passion confine à la pulsion, anticipant les futurs désastres du protagoniste.

Cette démesure du personnage le condamne au fantasme d'une femme totalement idéalisée, perçue sur le mode très baudelairien de l'exotisme, du voyage, comme le prouve le champ lexical de la ligne 24, avec les mots « andalouse », « créole », « îles ».

L'acmé de cette fascination se trouve être la fétichisation d'un objet, en l'occurrence un châle, qui excite l'imagination de Frédéric.

La rêverie du jeune homme incarne une série de postures féminines - « envelopper sa taille » (l.27), « s'en couvrir les pieds » (l.28), « dormir dedans » (l.28) – à partir de la simple représentation mentale d'une étoffe.

Il faudra qu'un premier événement advienne pour que le personnage, jusque-là passif et voyeur, s'incarne en figure agissante : « fit un bond » (l.29), le passé simple créant un effet de rupture.

A partir de là, le regard du jeune homme s'unira à celui de Mme Arnoux - l'expression « leurs yeux se rencontrèrent »(l.31) indiquant, par sa forme pronominale, une réciprocité du sentiment contrariée par un obstacle de taille : M.

Arnoux, le mari (on notera que la modalité interrogative - « Ma femme, es-tu prête ? » joue sur une indétermination sémantique de l'adjectif qualificatif : « prête à quitter son couple » ?, « prête à rejoindre son mari » ?). Le texte de Flaubert ne se départit jamais d'une certaine ironie vis-à-vis de personnages, que la démesure réduit à des clichés : Mme Arnoux incarne une femme totalement mystifiée par le regard amoureux et Frédéric semble un jeune homme transi, totalement mû par ses désirs.

De ce point de vue, l'arrivée du mari consacre la fin de l'enchantement et annonce les difficultés à venir.

Au-delà du fantasme, les deux protagonistes devront s'accommoder du réel et de l'inflexion qu'ils lui donnent par le simple fait de s'aimer.

Cette ironie qui affleure à la surface des mots constitue un e caractéristique de l'écriture flaubertienne, traversant quelques célèbres passages de Madame Bovary, visant unilatéralement Emma, Charles ou Homais, pour ne citer que les personnages les plus connus de cette œuvre.. »

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