Devoir de Philosophie

IONESCO Eugène : sa vie et son oeuvre

Publié le 30/12/2018

Extrait du document

ionesco

IONESCO Eugène (né en 1909). Quoi qu'il arrive, Ionesco est sûr d’appartenir à l’histoire du théâtre et de la littérature : il a été « classé » de son vivant. Et cela dès ses débuts, dans les années 1950, où il fait partie de la trilogie Adamov-Ionesco-Beckett, premiers représentants de ce qu’on a appelé, d’après le titre d’un essai de Martin Esslin traduit en 1963, le « théâtre de l’absurde ». Le mot a fait fortune. Créées respectivement en 1950 et 1951, traduites à peu près dans toutes les langues, jouées par les plus grands acteurs, les deux premières pièces de Ionesco, la Cantatrice chauve et la Leçon, fondent à elles seules la gloire d’un écrivain dont le nom, banal en Roumanie, son pays d’origine, paraît être devenu synonyme d’un style, d’un art spécifiques, comme le furent les noms de Kafka ou de Picasso.

Du bon usage de l'Assimil

 

Sur l'origine de la Cantatrice chauve — écrite en 1948 —, Ionesco s’est suffisamment expliqué pour qu’on veuille bien être dupe de ses commentaires paradoxaux. Il a dit et écrit qu’il avait eu la révélation de l’absurdité du langage ou, plus exactement, de celle de nos échanges verbaux quotidiens en lisant la méthode Assimil d’anglais : « Dès la troisième leçon, deux personnages étaient mis en présence, dont je ne sais toujours pas s’ils étaient réels ou inventés : M. et Mme Smith, un couple d’Anglais. A mon grand émerveillement, Mme Smith faisait connaître à son mari qu’ils avaient plusieurs enfants, qu’ils habitaient dans les environs de Londres, que leur nom était Smith, etc. » (Notes et contre-notes).

L'absurde de Ionesco, ce n'était donc pas, au départ, l’absurde philosophique hérité de Kierkegaard, développé par Sartre et par Camus, c’était l’étonnement devant le quotidien, le lieu commun, la banalité anonyme des êtres — de préférence petits-bourgeois. De cette simplicité formelle de la pensée et de la syntaxe, Ionesco allait faire très vite un usage multiple. Si la Cantatrice chauve, « anti-pièce », pouvait passer pour un exercice comique, mais inquiétant à force de gratuité, sa pièce suivante, la Leçon, quoique fidèle à une logique absurde, utilisait les rapports sado-masochistes d'un professeur bizarre et de sa jeune élève, et l'acte sexuel était tout bonnement remplacé par le meurtre. Cette symbolique freudienne, volontairement caricaturale, allait servir de toile de fond ou de trame aux dialogues toujours aussi « banals » des pièces qui se suivirent à un rythme accéléré : Jacques ou la Soumission, Victimes du devoir et Amédée ou Comment s'en débarrasser. De la famille stupide de la Cantatrice chauve, Ionesco était passé à la description imitative d'autres formes d'abrutissement, contre lesquelles la simplicité de son langage théâtral portait de sournoises accusations. Entre le pauvre type de Victimes du devoir, qu'un pseudo-policier oblige à fouiller son passé, et le cadavre qui ne cesse de grandir dans Amédée ou Comment s'en débarrasser, c'est la même culpabilité imaginaire et congénitale que semble vouloir dénoncer Ionesco, comme avant lui Kafka, avec les moyens du récit.

 

Homme de théâtre, donc extraverti par nécessité esthétique, Ionesco prend soin de donner chaque fois au spectateur les preuves tangibles de sa logique absurde. La fiancée à trois nez de Jacques ou la Soumission, les centaines d’œufs qu'elle pond dans la pièce qui fait suite : L'avenir est dans les œufs, le cadavre et les champignons d'Amédée, les meubles qui étouffent le Nouveau Locataire, la multiplication des chaises dans les Chaises sont les signes concrets, visibles, d'une angoisse qui va nourrir ce théâtre, où la subjectivité — on y retrouvera sans cesse les personnages et les événements de la vie privée de l’auteur — le dispute à un malaise à la fois social, politique et métaphysique.

 

A cet égard, et pour s’en tenir à cette première période du théâtre de Ionesco, le vieux couple des Chaises est certainement le plus pathétique que nous ait donné, avec les deux clochards de Beckett, le théâtre contemporain. On dirait que, parti de la comédie et même de la farce, Ionesco en est arrivé très vite au drame, sinon à la tragédie. Dans les Chaises, le gâtisme de ces deux vieillards cernés par un déluge qui a englouti Paris (« Allons, mon chou, ferme la fenêtre, ça sent mauvais l'eau qui croupit et puis il entre des moustiques ») a beau s'exprimer de façon comique et parodique, comme en un lointain souvenir des petits-bourgeois de Labiche ou de Henri Mon-nier, on a beau rire à l’évocation de ces ambitions, toutes médiocres et jamais réalisées, une vérité plus profonde : le drame de la vieillesse et de la solitude, s'exprime là dans sa réalité dérisoire. Si nombre de pièces de Ionesco traitent du couple, de la vie à deux et de son échec, c’est avec les Chaises que, dans ce registre, il aura donné sa note la plus haute. Anouilh ne s'y est pas trompé qui, par un article retentissant paru dans le Figaro (1954), consacrait le talent de Ionesco et. dès lors, le signalait à un public plus vaste que celui des petits théâtres de la rive gauche, où ses premières pièces avaient été créées.

ionesco

« L'absurde de Ionesco, ce n'était donc pas, au départ, l'absurde philosophique hérité de Kierkegaard, déve­ loppé par Sartre et par Camus, c'était l'étonnement devant le quotidien, le lieu commun, la banalité anonyme des êtres -de préférence petits-bourgeois.

De cette sim­ plicité formelle de la pensée et de la syntaxe, Ionesco allait faire très vite un usage multiple.

Si la Canrmrice chauve, >, pouvait passer pour un exercice comique, mais inquiétant à force de gratuité, sa pièce sui vante, la Leçon, quoique fidèle à une logique absurde, utilisait les rapports sado-masochistes d'un professeur bizarre et de sa jeune élève.

et J'acte sexuel était tout bonnement remplacé par le meurtre.

Cette symbolique freudienne, volontairement caricaturale.

allait servir de toile de fond ou de trame aux dialogues 10ujours aussi « banals» des pièces qui se suivirent à un rythme accé­ léré : Jacques ou la Soumission.

Victimes du devoir et Amédée ou Comment s'en débarrasser.

De la famille stupide de la Cantarrice chauve, Ionesco était passé à la description imitative d'autres formes d'abrutissement.

contre lesquelles la simplicité de son langage théâtral portait de sournoises accusations.

Entre le pauvre type de Vicrimes du devoir, qu'un pseudo-policier oblige à fouiller son passé.

et le cadavre qui ne cesse de grandir dans Amédée ou Comme/li s'en débarrasser.

c'est la même culpabilité imaginaire et congénitale que semble vouloir dénoncer Ionesco, comme avant lui Kafka, avec les moyens du récit.

Homme de théâtre, donc extraverti par nécessité esthétique, Ionesco prend soin de donner chaque fois au spectateur les preuves tangibles de sa logique absurde.

La fiancée à trois nez de Jacques ou la Soumission, les centaines d'œufs qu'elle pond dans la pièce qui fait suite :L'avenir est dans les œufs, le cadavre et les cham­ pignons d'Amédée.

les meubles qui étouffent le Nouveau Locataire.

la multiplication des chaises dans les Chaises sont les signes concrets.

visibles.

d'une angoisse qui va nourrir ce théâtre, où la subjectivité -on y retrouvera sans cesse les personnages et les événements de la vie privée de l'auteur -Je dispute à un malaise à la fois social, politique et métaphysique.

A cet égard, et pour s'en tenir à cette première période du théâtre de Ionesco, le vieux couple des Chaises est certainement Je plus pathétique que nous ait donné, avec les deux clochards de Beckett, le théâtre contemporain.

On dirait que, parti de la comédie et même de la farce, Ionesco en est arrivé très vite au drame.

sinon à la tragé­ die.

Dans les Chaises, le gâtisme de ces deux vieillards cernés par un déluge qui a englouti Paris ( « Allons, mon chou.

ferme la fenêtre.

ça sent mauvais J'eau qui croupit et puis il entre des moustiques>>) a beau s ·exprimer de façon comique et parodique, comme en un lointain sou­ venir des petits-bourgeois de Labiche ou de Henri Mon­ nier, on a beau rire à l'évocation de ces ambitions, toutes médiocres et jamais réalisées, une vérité plus profonde : le drame de la vieillesse et de la solitude.

s'exprime là dans sa réalité déri oire.

Si nombre de pièces de Ionesco traitent du couple.

de la vie à deux et de .on échec, c'e t avec les Chaises que.

dans ce registre.

il aura donné sa note la plus haute.

Anouilh ne s'y e t pas trompé qui, par un article retentissant paru dans le Figaro ( 1954), consacrait Je talent de Ionesco et, dès lors, le signalait à un public plus vaste que celui des petits théâtres de la rive gauche, où ses premières pièces avaient été créées.

La peur des rhinocéros Auteur typique d'avant-garde.

Ionesco s ·était heurté, à ses débuts, à la critique conservatrice.

En multipliant les provocations inhérentes à son style de théâtre et aux explications faussement naïves qu'il en donnait, il s'ex­ posait à un certain isolement qu'allait accentuer bientôt J'évolution du théâtre parisien.

L'engagement politique des hommes de théâtre, qui devait profondément troubler Adamov, la venue de théoriciens comme Bernard Dort ou Roland Barthes, autant de circonstances qui allaient obliger Ionesco à se défendre sur sa gauche, après avoir été vilipendé sur sa droite.

Des attaques dont il a été l'objet, et qui devaient trouver bizarrement leur prolon­ gement dans les journaux anglais, après un fameux arti­ cle du critique Kenneth Tynan dans The Observer (juin 1958), on trouvera la savoureuse illustration théâtrale dans 1'/mprompru de l'Alma.

Sur un mode moliéresque, un auteur nommé Ionesco se trouve en butte aux conseils et interdictions de docteurs en théâtrologie.

tous nommés Banholomeus.

Cette atmosphère polémique a certainement contribué à faire évoluer le théâtre de Ionesco vers une significa­ tion plus nette de ses intentions et de ses buts.

Si, au début, il expliquait volontiers qu'il ne voulait que tra­ duire le vide et la vacuité, au point de faire apparaître, à la fin des Chaises, un orateur muet, incapable de délivrer Je « message>> qu ·on attend de lui.

Ionesco.

avec Tueur sans gages ( 1 954 ), défend une morale de l'in di vi du contre une forme de société qui veut le supprimer.

C'est dans cette pièce qu'apparaît pour la première fois le personnage de Bérenger, alter ego de J'auteur, person­ nage naïf et courageux, fort de son innocence, qui s'op­ pose ici à un tueur ricanant et monstrueux.

Passant de J'individuel au politique, Ionesco donne tout de suite après.

sur la grande scène de l'Odéon­ Théâtre de France.

alors dirigé par Jean-Louis Barrault, Rhinocéros ( 1960).

œuvre plus ambitieuse que toutes celles qui ont précédé.

Dans une contrée imaginaire, où la vie est simple et heureuse, on signale soudain la présence d'un, puis de plusieurs rhinocéros, qu'on croit un moment échappés d'un cirque.

De fait, ce sont les habitants de la petite ville, les collègues de bureau de Bérenger, qui se transforment peu à peu en fauves.

Une corne leur pousse.

leur corps se couvre d ·une carapace.

ils détruisent tout ce qui ne leur ressemble pas.

Bérenger, lui, est le seul à lutter contre cet effrayant mimétisme : « Contre tout le monde, je me défendrai, contre tout le monde, je me défendrai! Je suis le dernier homme, je le resterai jus­ qu'au bout! Je ne capitule pas!» Avec raison, on a aussitôt vu dans Rhinocéros une critique des régimes totalitaires : montée du fascisme pour les uns, monde étouffant du communisme pour les autres.

Et si Ionesco se référait effectivement à ce qu'il avait connu en Roumanie des « Gardes de Fer» de Codreanu, assimilables à des rhinocéros, l'actualité le conduisait aussi sûrement à condamner les régimes com­ munistes, comme le confirment de nombreux articles et interviews où il s'est exprimé sans ambiguïté.

En fait, c'est toute expérience politique que Ionesco tournera désormais en dérision, qu'il s'agisse des puis­ sants.

comme dans l'excellente parodie inspirée de Sha­ kespeare qu'est Macbeu.

ou des peuples contaminés par les fascismes, comme dans Rhinocéros.

ou encore des velléités de révolte populaire, comme dans Ce formida­ ble bordel, où l'on peut lire des répliques de ce genre : «LE PATRON.

-( ...

) C'est parce que cc ne sont pas des révolutionnaires, ce sont des réactionnaires.

-LA SERVEt.;SE.

-Et leurs adversaires?- LE PATRON.

-Cc sont aussi des réactionnaires.

Les un sont payés par les Lapons, les autres sont payés par les Turcs.

-LA SERVEUSE.

-Vous avez bien vu les gueules d'Ottomans qu'ils avaient.

-LE PATRON.

-Ah, ne soyez pas raciste! -LA SERVEUSE.

-Si, je suis raciste.

Parce que moi, je suis pour toutes les races, je ne suis pas antiraciste >>.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles