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Autrui peut-il être autre chose qu'un obstacle ou un moyen ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

• Le sujet pose d'abord qu'autrui peut être un obstacle pour moi. Je peux par exemple m'imaginer que je serais plus libre si je n'avais pas à tenir compte des autres, si j'étais seul.  Remarque. Compter avec autrui signifie en tenir compte, le prendre en considération parce qu'il a de l'importance ; mais autrui peut d'abord me paraître important en tant qu'il est pour moi un importun potentiel, toujours capable de contrarier mes projets. C'est en ce sens qu'il faudrait en un premier sens compter avec lui : comme un obstacle possible.  • Prendre conscience qu'une telle approche est simpliste conduit à souligner qu'autrui est aussi un auxiliaire pour moi, un moyen de me réaliser.  Remarque. Compter sur autrui, c'est le considérer comme un être grâce auquel (ou : au moyen auquel) je parviendrai à mes fins.  • Mais l'analyse ne peut en rester là, puisqu'il est précisément question de savoir si autrui n'est que cela : obstacle ou moyen.  

« C'est la formule textuelle par laquelle Sartre, dans L'Être et le Néant (3epartie, ch.

I, I), pose que la présence d'autrui est essentielle à la prise deconscience de soi.

Il en fait la démonstration par l'analyse de la honte.

J'aihonte de moi tel que j'apparais à autrui, par exemple si je suis surpris à faireun geste maladroit ou vulgaire.

La honte dans sa structure première est hontedevant quelqu'un.

Elle est immédiate, non réflexive.

La honte est un frissonimmédiat qui me parcourt de la tête aux pieds sans préparation discursive.L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-mêmecomme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, parnature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

Lahonte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sont inséparables.Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suispas.

La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-direl'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'estl'autre.

Le fait premier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous laforme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui etautrui n'est pas moi.

C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autrecomme l'autre est ce qui m'exclut en étant soi.Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui,comme nous l'avons dit', font preuve.

La même analyse pourrait être faite,comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaîttributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoirpour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de laformule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de laconnaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement. d) TransitionLes notions d'obstacle et de moyen, nous l'avons vu, ont en commun d'être relatives à une fin qui leur estextérieure.

On comprend alors dans quelle direction doit s'orienter la recherche, lorsqu'on demande si autrui peutêtre pour moi autre chose qu'un obstacle ou un moyen.

Dans la relation que j'entretiens avec lui, autrui peut-il êtreautre qu'un être relatif à une fin autre que lui ? Autre qu'un être dont la rencontre concerne mon être ? Autre querelatif à moi ; c'est-à-dire une sorte de fin en soi ? Autre que relatif; autrement dit, d'une certaine façon, absolu ? Remarques.

De ce qui précède, on peut d'abord conclure qu'autrui doit être considéré à la fois comme celui sur qui ilfaut compter, et comme celui avec qui il faut compter (comme on tient compte d'un obstacle possible).

Ce qui a unsens serait moins la distinction des expressions que leur complémentarité.

Mais compter sur autrui, n'est-ce pas déjàcompter avec lui : non seulement en tenir compte, mais reconnaître son importance, jusque dans la constitution demon être? Alors, la distinction posée par le sujet paraît très contestable.Qu'il faille compter avec autrui, c'est ce que montrent sur d'autres plans les analyses qui suivent (4e partie). 3) l'amitié est-elle égoïste ? a) Vouloir le bien de son ami• II semble qu'avec un ami, nous puissions aller au-delà des relations sociales dans lesquelles autrui joue le rôled'allié ou de concurrent.

Un ami n'est pas n'importe quel autrui, mais celui pour lequel nous éprouvons affection,sympathie.

Aristote écrit : « On définit comme ami celui qui fait du bien - ou au moins ce qu'il croit tel - dans le seulintérêt de la personne aimée ; ou encore qui souhaite, pour le seul afnbur de son ami, que l'ami vive et se conserve»(Ethique à Nicomaque, IX, 4, 1166 a).• Si l'on veut du bien à son ami « uniquement pour lui-même » (VII, 2), si en effet pour lui on « sacrifie richesses,honneur, et tous les biens qu'on se dispute d'ordinaire», allant parfois jusqu'à mourir pour lui (IX, 8), ne quitte-t-onpas la définition d'autrui comme moyen pour accéder à celle où il est essentiellement une fin ? b) S'aimer en autrui• Dans l'amitié la plus désintéressée, cependant, on peut toujours imaginer quelque ressort égoïste, quelque amourde soi déguisé.

Mon altruisme serait égoïste : n'est-on pas renvoyé à l'intérieur de la problématique qu'on voulaitdépasser ?• Aristote écrit qu'en effet un certain égoïsme est présent dans l'amitié la plus droite.

Bien plus, cet égoïsme estbon.

« L'homme vertueux doit être égoïste, car en faisant de belles actions il en tirera lui-même profit, et enprocurera aux autres» (Ibid.

IX, 8).

Qui sacrifie jusqu'à sa vie pourautrui «préfère la pleine joie d'un court moment à une durable tranquillité (...), une seule action belle et grande àune multitude d'actions petites (...).

L'homme vertueux prend pour lui la part la plus grande de beauté ; c'est en cesens que l'amour de soi est un devoir» (IX, 8, 1169, a-b).• En ce sens, autrui ne cesse pas d'être un moyen pour moi, lorsque je vise son bien parce qu'il est mon ami.

Mais ilne faudrait pas confondre cet égoïsme vertueux et l'égoïsme vulgaire, qui asservit toute relation à autrui aux seulesvisées de mon désir, sans altruisme aucun. 4) mon devoir : traiter autrui comme une fin. »

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