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DIDEROT ET LE MILIEU LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE DE SON EPOQUE

Publié le 16/06/2011

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Il n'y a pas, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, de révolution littéraire. On n'y trouve rien qui ressemble à la bataille de la Pléiade contre la tradition du Moyen Age, de Malherbe contre la Pléiade, des romantiques contre les classiques, etc... Nul n'est sommé de ne pas servir deux maîtres. Le même écrivain pourra publier un ouvrage dans le ton de Voltaire et un autre ouvrage dans le ton de Rousseau. Mais dans cette moitié du siècle on voit sourdre ou grossir irrésistiblement toutes sortes de courants qui viennent se joindre au courant classique. Le grand fleuve de la littérature n'est plus cette eau limpide et claire, coulant entre des rives régulières auquel le P. Bouhours comparait la langue parfaite. On voit se joindre à lui, d'abord sans mêler leurs eaux, des flots impétueux et colorés ; on le voit serpenter en méandres, se diviser en bras capricieux, rouler de cascade en cascade ; on aime qu'il vous emporte vers le hasard et l'aventure. Ou plutôt les uns continueront à préférer les promenades plus sûres sur les biefs tranquilles, le long des rives unies. D'autres veulent s'égarer dans les méandres, s'emplir les yeux et les oreilles de la lumière et du fracas des cascades. Ou ce sont les mêmes qui, selon l'inspiration et l'humeur, préfèrent tantôt les sécurités de la tradition, tantôt les hasards et les frémissements de l'aventure. J'ai fait par ailleurs, on a fait l'histoire non pas de cette bataille mais des polémiques ou plus simplement des curiosités hardies et capricieuses qui, dans tous les domaines, ont compliqué et diversifié l'idéal littéraire.

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« systématiquement réaliste tend encore à diminuer en nombre et en qualité.Par contre, le succès des très courts romans, des contes, est ininterrompu à travers tout le xviiie siècle.

Il semanifeste et par le nombre considérable de ces oeuvres et par la vogue continue de toutes sortes de publications,Recueils, Pots-pourris, Soirées, Bibliothèques, qui assemblent en un, dix ou cent volumes toutes sortes d'extraits,d'abrégés, de récits rapides.

Parmi tous ces contes, les contes satiriques et philosophiques s'accroissent sans cesseen nombre, aux dépens, plus ou moins, des contes de fées ou des contes galants.

Ils prennent, d'ailleurs, les formesles plus diverses.

La satire des moeurs et la philosophie se sont d'abord, plus ou moins profondément, masquéessous les allégories, les costumes exotiques, des fantaisies alertes ou laborieuses.

Puis l'habitude est prise ; ellecontinue à agir plus que la prudence.

Il semble que les lecteurs ne prennent plus de plaisir à "penser" qu'à lacondition de se divertir.

On connaît du reste les contes philosophiques de Voltaire où il utilise tour à tour lesvoyages imaginaires, la fiction orientale, les aventures à travers le monde, de la Westphalie à la Turquie, en passantpar l'Eldorado, le conte de fées, etc...

Mais que d'imaginations analogues où l'on s'efforce sans cesse de varier et derenouveler les surprises du lecteur et le travestissement des idées : l'Ile Taciturne et l' Ile enjouée de l'abbé Coyer,ses Bagatelles morales avec son Année merveilleuse, sa Découverte de la pierre philosophale, sa Découverte de l'Ilefrivole, son Chinki, histoire cochinchinoise ; le Zelinga, histoire chinoise de Palissot ; le Livre d'airain, histoireindienne de La Dixmerie ; l'Ecu de six francs de Caraccioli le Colporteur de Chevrier ; les Lettres d'Affi à Zurac de J.-V.

Delacroix ; les Aventures philosophiques de Dubois-Fontanelle ; Trapue, reine des Topinambous de Jullien-Desboulmiers ; les Songes d'un hermite de Sébastien Mercier ; les Mille et une folies de Nougaret ; et cent autresbalivernes qui &efforcent à nous donner le ragoût des choses graves soue des apparences de balivernes.Le théâtre n'est pas moins divers, même avant les drames de Diderot.

Il a d'ailleurs toujours été beaucoup plusdivers qu'on ne le croit, même à l'époque où l'esprit classique semble imposer le plus fortement ses exigences.

J'aimontré qu'entre 1660 et 1700 sur deux représentationsauxquelles assistaient les contemporains de Boileau, de Racine et de Bossuet, une était celle d'une pièce quimanquait délibérément aux règles essentielles du théâtre classique.

Les titres que prennent ces pièces sontcomédie-ballet, comédie à machines, tragédie à machines, tragédie lyrique, pastorale lyrique, etc...

Parmi les plusgrands succès dramatiques de la seconde moitié du siècle, il faut compter des pièces telles que la Circé, de de Viséet de Thomas Corneille qui conviendrait assez bien, aujourd'hui, à la scène du Châtelet ; l'Inconnu, de ThomasCorneille, qui est une comédie d'intrigue, un opéra, un ballet ; la Devineresse, de Thomas Corneille et de Visé, quiest une comédie d'actualité et une pièce de fantasmagorie, etc...

Cette sorte de dispersion du théâtre est encoreplus marquée dans la première moitié du xviiie siècle.

Non pas que le prestige de la tragédie noble à la façon deCorneille ou de Racine et de la comédie de caractère aient en apparence diminué.

Ces sortes de pièces académiquesont toujours la faveur du public, des doctes et des gens de goût.

Elles restent l'oeuvre glorieuse qui fait de vous unacadémicien et un écrivain digne de ce nom.

Mais, déjà, on le sait, toutes sortes de tentatives cherchent àassouplir, élargir la tradition sans la renier, Dans le seul théâtre de Voltaire se succèdent les tragédieschevaleresque, péruvienne, chinoise, etc..

Des essais de pittoresque, de timide vérité se multiplient dans le décor,dans le costume, facilitées par la mesure qui, sur l'initiative du comte de Lauraguais, débarrasse la scène des bancsoù s'asseyaient les gens du bel air.

La plus artificielle des conventions tragiques tend à disparaître : celle quiimposait aux acteurs une diction ampoulée et grandiloquente.

Diderot, Rousseau ne sont pas les seuls à protesterdans les Bijoux indiscrets (puis dans le Paradoxe), la Nouvelle Héloïse.

Le comédien Riccoboni s'étonne d'entendre lesacteurs parler "avec des tons si extraordinaires et si éloignés de la vérité".

Raymond de Sainte-Albine reconnaît quecette question de la déclamation tragique est l'une de celles sur lesquelles "on est le moins d'accord"; mais il pencheplutôt pour le naturel ; et le désaccord même prouve que la convention est pour le moins menacée.

Et Dorat, dansson Essai sur la déclamation (1758), met la protestation en vers: N'allez pas, oubliant le ton de la nature,Appuyer sur vos vers, en marquer la mesureLe sentiment sans voix nous arrache des larmes ;Par son silence même il sait bien s'exprimer.De vos gestes songez à réprimer l'emphase. Baron, la Clairon, la Lecouvreur doivent d'ailleurs une partie de leur succès à la simplicité (au moins relative) de leurjeu et de leur déclamation.Surtout les genres dramatiques à la mode se sont encore multipliés.

L'opéra brille toujours du même éclat, avivé parles triomphes de Rameau et par les contestations mêmes de la véhémente querelle des Bouffons.

Les théâtres de laFoire, les divertissements burlesques où sans cesse la tragédie est accablée de quolibets, attirent des foulestoujours accrues.

Il n'y a pas de pièce sérieuse et qui ait quelque succès qui ne suscite une parodie.

De 1735 à1750 la comédie larmoyante de Nivelle de la Chaussée, malgré la platitude et la gaucherie désolantes de son style,malgré les protestations de Voltaire, rompt avec éclat l'ordre classique qui n'admettait pas le mélange du sérieux etdu comique, des larmes et du rire.

A partir de 1740 et surtout de 1750, le talent de Favart et de Sedaine consacreces comédies pastorales mêlées de musique, ces opéras-comiques qui s'efforcent d'unir les grâces de l'idylle, les"naïvetés" de la vie rustique et les finesses de l'esprit, Daphnis et Chloé, Blaise et Babet et Marivaux.

La Chercheused'esprit, Ninette à la cour, Annette et Lubin, Blaise le Savetier, Rose et Colas connaissent de plus durables succèsque n'importe quelle tragédie ou comédie régulières (le Roi et le Fermier de Sedaine a plus de deux centsreprésentations consécutives).Les drames bourgeois de Diderot n'apportent donc rien au théâtre qui soit pleinement inattendu.

Tout aussi bien sacritique d'art, si elle avait été connue et non pas réservée aux rares lecteurs de la Correspondance de Grimm,n'aurait-elle surpris personne.

Il est bien certain que Diderot n'a pas fondé, comme on l'a dit, la critique d'art, pour. »

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