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Les mains de maman

Publié le 22/02/2012

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Un jour, pour la première fois peut-être, Jacques « regarda » maman. Elle était penchée sur sa machine à coudre, s'interrompant de temps à autre pour changer les pièces qu'elle cousait. Jacques remarqua des choses qu'il n'avait jamais vues. Il gardait le souvenir de la maman jeune et alerte, et voilà qu'il discernait dans les cheveux sombres des fils d'argent. Les yeux tendres restaient aussi tendres quand ils regardaient Jacques, mais ils s'enfonçaient dans les orbites, et l'on voyait qu'ils avaient beaucoup pleuré. Les mains de maman apparaissaient en pleine lumière. Jacques les vit pour la première fois. C'étaient de pauvres mains ridées, abîmées par les travaux du ménage et par les soins de la grande maison, plissées et durcies par la lessive, piquées par les travaux d'aiguille. Et ces mains parlèrent à Jacques et lui dirent : Autrefois, nous étions fraîches et sans rides. Tu as senti jadis notre douceur quand nous voltigions autour de ton berceau, comme des esprits bienfaisants et agiles. Maintenant, nous sommes rudes et fanées. Mais c'est pour toi que nous avons souffert. Chacun des bienfaits modestes que tu reçois chaque jour est marqué par une piqûre, une ride minuscule, un point plus noir au bout d'un doigt. Nous sommes devenues de tristes mains déformées pour que tu gardes les mains blanches et que la vie te soit légère. » Jacques, d'un regard, enveloppa sa mère, et il la vit telle qu'elle était, simple et bonne, douce et brave, tout entière penchée sur le devoir quotidien, qui se résumait pour elle en un seul nom : « Jacques ». Alors, d'une voix changée, il dit « Maman... — Qu'y a-t-il, mon chéri ? demanda maman en arrêtant sa machine à coudre. — Maman, reprit Jacques, donne-moi tes mains. » Il s'agenouilla devant elle, comme il faisait si souvent autrefois, à l'heure où commence la veillée. Et, pieusement, il baisa les pauvres mains ridées, tandis que des larmes lui montaient aux yeux. « Ne les embrasse pas, dit maman, en retirant ses mains Elles sont trop laides... » Mais Jacques les couvrit de baisers. Maman attira son fils contre elle, et, silencieusement, elle le serra contre son coeur. Ch. AB DER HALDEN - Hors du Nid. Bourrelier

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