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L'EXACTITUDE

Publié le 22/02/2012

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1. Lecture - L'exactitude d'un maître. A défaut d'autre vertu, j'avais celle de l'exactitude. Si dormeur que j'aie toujours été, la crainte d'arriver en retard me servait de réveille-matin. Je me levais résolument et sans feu, n'ayant d'autre ressource, pour dégourdir mes doigt: :out crevés d'engelures, que de souffler dessus... Là ne se bornait pas ma misère. Il faisait nuit noire quand je partais, une nuit souvent redoublée par le brouillard que les réverbères ne parvenaient pas à percer. Si la neige était tombée la veille et que le froid ait repris vers le matin, c'était pis encore. Les rues s'étaient changées en miroirs glissants. Je me souviens des difficultés que j'avais à remonter la pente raide de la rue Saint-Gilles. Un matin, n'y pouvant parvenir avec mes souliers tout constellés, à la semelle, de clous plats, selon la mode du temps, je fus obligé de les retirer et de faire toute la longueur de la rue à peu près pieds nus. Et néanmoins, j'étais exact... J'ai su depuis, de mes élèves, qui pourtant m'aimaient beaucoup, que mon exactitude les désolait : « C'était si dur, me disaient-ils, de quitter un bon lit bien chaud, pour descendre dans une salle d'étude glacée. » Ils espéraient toujours, dans ces matinées sibériennes, qu'on allait leur dire : « Dormez une heure de plus, M. Michelet n'est pas venu. » Ils ne se doutaient pas que cette petite fête de paresse qu'ils convoitaient pour eux, m'eût été aussi bien douce. D'après MICHELET - Ma Jeunesse.

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