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A-t-on le droit de se venger ?

Publié le 03/04/2005

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droit
(« Des lois », livre II).Cette loi transcendante est la seule et unique source de légitimité. Mais si elle oblige absolument, elle ne contraint pas pour autant matériellement, ce qui signifie que les hommes peuvent aussi agir sans tenir compte de la raison et de ses prescriptions. D'où la nécessité des lois positives et de la contraintes qui en assure la validité. Pour être justes, ces lois doivent être conformes à la loi naturelle.F) La raison seule peut assumer la tâche de fonder le droit.A partir des stoïciens, l'idée de droit naturel repose surtout sur l'affirmation que l'homme est, par nature, un être doué de raison. Mais cette raison a elle-même besoin d'être fondée. D'où la référence à Dieu. Celle-ci, présente chez Cicéron, se retrouve dans le thomisme.
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« 1.

La vengeance, croit-on, définirait la situation de l'homme, antérieurement àson entrée en société.

Mais aussi bien, dans l'état de nature, l'homme neconnaît pas le désir de vengeance, car il lui manque ce qui en est la conditionessentielle, l'amour propre.

Conformément à la terminologie de Rousseau, il nefaut pas confondre l'amour de soi «qui porte tout animal à veiller à sa propreconservation», et l'amour propre «qui porte chaque individu à faire plus decas de soi,que de tout autre» (Discours sur l'origine de l'inégalité).L'amour propre se nourrit de la comparaison que les hommes opèrent entreeux.

Chacun en se préférant aux autres cherche à être préféré à ces autres.De là, naît le besoin d'être reconnu, et la possibilité de l'offense, qui fonde ledésir de vengeance.

Il ne suffit pas en effet, pour vouloir se venger, d'avoirsubi un préjudice.

Il faut encore avoir le sentiment d'être visé dans sapersonne propre.Rousseau conçoit que l'homme naturel, livré au seul sentiment de l'amour desoi, ne se sentira pas offensé de la peine éventuelle qu'on lui infligera.

Vol ouviolence, et celle-ci peut atteindre des degrés extrêmes, ils ne laisserontaucune trace, car «l'orgueil ne se mêle pas du combat ».

Il y aura un échangede coups, et celui qui en sortira vaincu ne souffrira que du mal qu'on lui a fait.Il sera d'ailleurs aussi vite oublié, que le malpourra être réparé aisément, en poursuivant par exemple une autre proie, enremplacement de celle qui aura été volée.

Il n'y a dans tout cela aucun mal moral.La vengeance se nourrit du souvenir.

Or l'homme naturel vit dans l'immédiateté de l'amour de soi.

La vengeance seprépare et se rumine.

Elle peut être d'autant plus impitoyable qu'elle se donne le temps de la réflexion.

Il n'y a rienen elle de nécessairement aveugle.

La réponse instinctive et spontanée de la violence à la violence n'emprunte rienà la vengeance qui est plutôt calculatrice.Quelle est alors la finalité de la vengeance? Lorsque Edmond Dantes, qui plus tard deviendra le comte de Monte-Cristo, décide de se venger, il espère compenser le tort qu'il a subi, en punissant les agents de son malheur.

Maisdans la vengeance, le châtiment ne restaure pas une situation antérieure.

Le mal commis ne peut être aboli.

Et rienjamais n'annulera les années passées par Edmond Dantes en prison.

Aucun châtiment ne restitue ce qui a été perdu.Mais si le châtiment ne guérit pas du mal physique, il peut apporter une consolation morale; la consolation d'avoirpuni celui qui a eu l'intention de nous nuire.

On ne désire pas tant se venger de qui nous a fait du mal, mais de quis'est appliqué à nous faire du mal.Or cela demande des lumières que l'homme naturel n'a pas, ni du côté de celui qui produit le préjudice, car il nepense pas en réalité s'en prendre à une personne propre, ni du côté de celui qui le subit, puisqu'il ne se sent pasvisé personnellement.

Voilà pourquoi les hommes, dans l'état de nature, peuvent s'infliger mutuellement beaucoup deviolence sans pourtant s'offenser, et inversement les hommes, dans l'état de société, s'offenser pour presque rien -c'est l'histoire du Cid de Corneille. 2.

La justice se distingue d'abord de la vengeance par ceci qu'elle tente de la contenir.

Bien sûr, la vengeance necessera jamais de s'exercer, mais du moins la justice s'emploie à en limiter les effets.

La vengeance engendre lavengeance en une chaîne infinie.

C'est un mécanisme itératif que rien ne semble pouvoir freiner.

On se venge d'uncrime de sang en faisant couler à nouveau le sang.

Mais le châtiment infligé apparaît comme un préjudice pour celuiqui en est la victime, il n'est pas vécu par elle, comme la juste compensation d'un dommage.

Ce qui rouvre le conflit,loin d'y mettre un terme.

On est ainsi pris dans un enchaînement inéluctable de la violence.De crimes en représailles, la vengeance contamine tout le corps social, et le menace d'éclatement.

Cette réactionen chaîne n'a pas d'origine précisément assignable ; le crime que la vengeance punit est lui-même conçu comme lavengeance d'un crime plus originel.

Rien dans la vengeance donc ne semble pouvoir en arrêter les effets. 3.

La justice a pour fonction première de se substituer à la vengeance.

Une peine est toujours infligée, toutefois cen'est plus un particulier qui en décide, mais la loi.

Et cela change tout.

Lorsqu'il y a vengeance, le choix de la peineest fixé par la personne lésée, ou par l'un de ses proches, qui par contagion s'estime blessé.

Ainsi on ne voit pasqu'il y ait un vrai principe de justice, puisque la sanction est prononcée par quelqu'un qui est juge et partie.

Lajustice s'exerce d'une façon bien plus impersonnelle et anonyme.

Le juge ne prend pas parti, il décide en touteimpartialité, il n'est selon la fameuse formule de Montesquieu que la «bouche qui prononce les paroles de la loi».Extérieur au conflit, on peut attendre du juge qu'il n'écoute que la voix de sa raison, et qu'il ne cède pas aux sirènesde la passion et du sentiment.L'acte de la justice s'effectue par un tiers, qui surplombe les deux parties en présence, la personne lésée et lecriminel.

(Dans le cas de la vengeance au contraire, le tiers est exclu.) En conséquence de quoi, la sanctionprononcée par le juge stoppe le mécanisme de la vengeance.

Auprès de qui le justiciable pourrait-il se plaindre dusort qui lui est fait, puisque le juge ne se veut que l'écho de la loi? On ne peut s'attaquer à une entité abstraite telleque la justice.Quant au plaignant, deux situations peuvent se présenter à lui.

S'il estime que la peine retenue par la justicecorrespond à ce qu'il attendait, la vengeance devient inutile.

Le sentiment d'avoir été vengé s'éprouve au travers duverdict de la justice.

Sans être une vengeance, la justice assouvit dans ce cas un désirde vengeance.

Mais à parler rigoureusement, le criminel n'est pas vengé, il subit le châtiment de la justice.

Si, aucontraire, le plaignant n'obtient pas la sentence escomptée, la puissance de la justice le dissuade suffisamment dese venger.. »

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