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Agir avec les mots d'O. DUCROT

Publié le 10/01/2020

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À des textes originaux de Searle ou Austin, les philosophes britanniques qui ont « inventé » la théorie des actes de langage, nous préférons le commentaire qu'en propose le linguiste Oswald Ducrot qui présente l'avantage d'offrir en quelques lignes une excellente synthèse des principaux apports de cette théorie à la réflexion sur le langage.

En disant Je te promets de venir, je fais l’acte qui est mentionné dans l’énoncé, je promets. Il en va de même pour Je t'ordonne, Je te permets, etc. Un critère commode permet de détecter ces énoncés, c’est leur comportement particulier lorsqu’ils sont traduits du style direct dans le style indirect. La phrase II m'a dit « Je te promets un livre » peut se rendre, au style indirect comme II m’a promis un livre, alors que II m’a dit «Je t’apporte un livre » ne saurait avoir pour équivalent Il m'a apporté un livre. Quand nous disons que l’énonciation du performatif accomplit l’action décrite dans l’énoncé, il faut entendre par là que l’accomplissement de cette action est la fonction même de l’énonciation et non pas seulement une de ses conséquences indirectes. Ainsi l’énoncé Je te parle n’est pas un performatif, bien que son énonciation implique que l’on parle. Si en effet l’énonciation de Je te parle ne peut se faire sans parole, l’emploi de cette formule n’est pas destiné essentiellement à constituer une parole, mais à appeler l’attention d’un auditeur distrait ou récalcitrant. Le critère du discours indirect corrobore d’ailleurs les résultats de l’analyse intuitive : Il m’a parlé ne peut pas être en général considéré comme une traduction de II m’a dit «Je te parle ».

La découverte des performatifs (...) fournit l’exemple de conventions sociales qui déterminent la valeur — non plus seulement d’énoncés — mais d’actes d’énonciation. Car c’est bien une convention qui fait que l’emploi d’une certaine formule a pour effet de lier celui qui l’a prononcée, de créer pour lui une obligation. Et cet effet, c’est le point important, n’est pas une simple conséquence externe de l’acte d’énonciation, conséquence dont on pourrait faire abstraction, et conserver néanmoins la possibilité de décrire et de caractériser l’acte. La création d’une obligation a, avec l’acte de dire Je promets, un rapport infiniment plus étroit que celui qui lie par exemple une sanction et un acte considéré socialement comme criminel. Car un vol et un meurtre peuvent encore être décrits sans qu’on fasse allusion à la condamnation dont ils sont l’objet ; mais l’acte linguistique de promettre ne serait plus rien —juste un simulacre ou une plaisanterie — s’il n’engageait pas celui qui l’accomplit. Il cesse d’être lui-même dès qu’il n’inaugure plus une obligation. C’est la raison pour laquelle nous avons employé le mot valeur (nous aurions d’ailleurs pu dire sens ou signification' si nous ne préférions, provisoirement, réserver ces mots pour parler des énoncés) : la convention sociale qui attache l’obligation à l’acte de promettre est inséparable de la valeur même de cet acte.

Oswald Ducrot, De Saussure à la philosophie du langage, in J. R. Searle, Les Actes de langage, Hermann, 1972, pp. 11-12.

« quence dont on pourrait faire abstraction, et conserver néan ­ moins la possibilité de décrire et de caractériser l'acte.

La créa­ tion d'une obligation a, avec J'acte de dire Je promets, un rap­ port infiniment plus étroit que celui qui lie par exemp le une sanction et un acte considéré socialemen t comme criminel.

Car un vol et un meurt re peuvent encore être décrits sans qu'on fasse allusion à la condamnation dont ils sont l'objet; ma is l'acte linguistique de promettre ne serait plus rien - juste un simulacre ou une plaisanterie - s'il n'engageait pas celui qui l'accomplit.

Il cesse d'être lui-même dès qu'il n'inaugur e plus une obligation.

C'est la raison pour laquelle nous avons employé le mot valeur (nous aurio ns d'ailleu rs pu dire sens ou signifi­ cation, si nous ne préférions, provisoirement, réserver ces mots pour parler des énoncés): la conven tion soc iale qui attache l'obligation à l'acte de promettre est inséparab le de la valeur même de cet acte.

Oswa ld DuCROT, De Saussure à la philosophie du l1111gage, in J.

R.

Sear le, Les Actes de langage, Hermann, 1972, pp.

11-12.

POUR M IEUX COMPRENDRE LE TEXTE «Pa rler une langue, c'est accomp lir des actes conformé­ ment à des règles " (J.

R.

Searle, Les actes de langage, p.

76).

Te lle est l'hypothèse fonda trice de la théor ie des actes de langage* , qui examine les différents types de règles aux­ quelles obéissent les utilisateurs du langage, traité comme un ensemble d'actions comp lexes .

Ce texte montr e com ­ ment ces règles ne se limitent pas à celles qui font l'objet de la lingu istique .

« Je te promets de venir » est un énoncé. »

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