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Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions

Publié le 19/03/2014

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« Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse, que, sans elle, il ne supporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle. Oui, cela est vrai de l'homme à qui vous avez instillé dès l'enfance le doux — ou doux et amer — poison. Mais de l'autre, qui a été élevé dans la sobriété ? Peut-être celui qui ne souffre d'au¬cune névrose n'a-t-il pas besoin d'ivresse pour étourdir celle-ci. Sans aucun doute l'homme alors se trouvera dans une situation difficile ; il sera contraint de s'avouer toute sa détresse, sa petitesse dans l'ensemble de l'univers ; il ne sera plus le centre de la créa¬tion, l'objet des tendres soins d'une Providence bénévole. Il se trouvera dans la même situation qu'un enfant qui a quitté la mai¬son paternelle, où il se sentait si bien et où il avait chaud. Mais le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé ? L'homme ne peut pas éternellement demeurer un enfant, il lui faut enfin s'aventurer dans l'univers hostile. On peut appeler cela « l'éducation en vue de la réalité « ; ai-je besoin de vous dire que mon unique dessein, en écrivant cette étude, est d'attirer l'atten¬tion sur la nécessité qui s'impose de réaliser ce progrès ? «

Freud, L'Avenir d'une illusion (1927), coll. «Quadrige «, PUF, 1996.

La religion est un doux poison

Ce que Freud met en cause, dans cet extrait de L'Avenir d'une illusion, est la thèse exprimée par un contradicteur : l'homme ne saurait se passer de la consolation qu'apporte l'illusion religieuse. Celle-ci est bien le moyen pour l'homme civilisé de supporter « le poids de la vie «, de com¬penser « la réalité cruelle «. 

« 1 Une éducation en vue de la réalité est possible Il faut imaginer une telle situation avec sa part d'incerti­ tude, tout entière décrite dans le futur.

Cependant, contrai­ rement à une pente habituelle qui consiste à enjoliver les rêveries qui concernent l'avenir, Freud ne se prive pas ici de peindre en sombre la «situation » de l'homme : détresse de l'homme, source possible d'une angoisse prête à l 'étreindre; petitesse de l'homme dans l'immensité de l'uni­ vers.

Par rapport à l'éducation qui a eu cours jusqu'à pré­ sent, il s'agit d'une révolution comparable à la révolution copernicienne, l'héliocentrisme se substituant au géocen­ trisme : l'homme n'est plus « le centre de la création » (divine ).

L'hypothèse d'une Providence au bon vouloir, pourvoyant au bien-être de l'homme, n'est plus nécessaire .

Même si cette Providence était comparable à une tendre mère sensible aux prières de son enfant .

Cela, c'était du passé.

C'est encore le présent .

Ce ne saurait être le futur.

1 Il faut bien que l'ho~e se dépouille de lenfance Il faut bien que le devenir de l'histoire s'accomplisse : quel enfant n'a-t-il pas fini par quitter le foyer, source de chaleur et lieu de protection face aux atteintes du monde réel? Analogie entre l'histoire individuelle et l'histoire sociale : c'est l'humanité tout entière qui doit faire son apprentissage.

Ce développement impose un éloignement.

Si la demeure (le foyer) était le centre, il faudra se lancer «à l'aventure », hors du domaine protégé.

L'incertitude, la menace, les périls (la mort peut-être) sont le lot de cette incursion dans «l'univers hostile », mais en contrepartie, il y a aussi l'idée de conquête et d'accomplissement.

L'homme n'est vraiment homme qu'en se dépouillant de l'enfance (et de ses terreurs), dans l'affrontement et du même coup la conquête de soi.

Que cette « éducation en vue de la réalité » voit le jour n'est cependant pas assuré .

Mais Freud met son autorité morale dans le poids de la balance.

Car rien ne se réalisera de soi.

Il faut pour cette révolution une réforme de l'éducation qui est possible aujourd'hui même.

Par ce biais, l'homme peut assurer son sevrage .

Telle est la thèse de Freud qui aspire, pour l'humanité tout entière, au progrès que constitue toute libération • 89. »

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