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Autrui est-il mon semblable ?

Publié le 12/09/2004

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Autrui ? Est-ce celui qui m'est identique, ou est-ce celui qui me ressemble? Spontanément, nous avons opté pour la première solution. Le travail du philosophe consiste à dépasser l'opinion spontanée, simple préjugé, pour atteindre le jugement fondé. Aussi nous faut-il examiner cette question: la reconnaissance du lien moral avec autrui peut-elle naître d'un constat de ressemblance ou d'identité? Mais qu'est-ce qui les différencie? Plus précisément, qu'est-ce que "ressembler"? Examinons ce concept de "ressemblance", et voyons comment il peut fonder une relation morale avec autrui. Si A ressemble à B, cela signifie que A n'est pas identique à B. Comprenons bien cet aspect de la signification du concept: je ressemble à mon père, je ne suis pas mon père. La ressemblance vient après la différence qui est première ou fondamentale.

POUR DÉMARRER    Le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas est-il similaire à moi, mon prochain, identique à moi-même et le même que moi ? Il y a en autrui un mixte de distance et de proximité, d'altérité et d'identité, qui nous conduit à traiter ce sujet, portant sur la manière dont l'Autre surgit dans ma propre conscience.    CONSEILS PRATIQUES    Réfléchissez sur la distance infinie qui s'introduit quand autrui surgit, à mille lieues de ma conscience, énigmatique, opaque et néanmoins identique à moi. La rencontre suppose étrangeté et identité. D'où l'affirmation d'une humanité possible, universelle à travers le particulier.  

  • I) Je peux dire qu'autrui est mon semblable.

a) Autrui est un autre moi. b) Je me retrouve en autrui. c) La condition humaine est universelle.

  • II) Je ne peux pas dire qu'autrui est mon semblable.

a) Chaque homme est singulier et différent des autres. b) Autrui, ce mal-aimé et ce mal-connu ! c) L'humanité est multiple.

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« c'est-à-dire ce qui vaut, comme subjectif et immanent.

Et en effet, la morale spinoziste est bâtie sur ce principe:autrui est une valeur en tant qu'il m'est le plus utile.

Et comment reconnaître le plus utile? Comment le reconnaîtresans sortir de l'immanence et de l'expérience? C'est celui qui me ressemble.Cependant, nous voyons ici le problème qui se pose et qui n'a pas échappé à Spinoza.

Celui qui me ressemble, àquoi en moi doit-il ressembler? Le drogué ressemble au drogué.

Lui est-il "le plus utile"? Celui qui me ressemble, cepeut-être celui qui partage mes croyances, mes haines, mes folies.

Et en effet, le critère de ressemblance désignele semblable.

Toutes les délimitations du domaine du "semblable" sont alors possibles.

Spinoza butte sur un écueil:en posant comme irréductible la singularité des individus, on ne peut donner de critère universel de reconnaissancedu "semblable" par comparaison empirique.

Le respect dû à l'autre n'excédera pas alors les frontières de la tribu, dela bande, de l'ethnie, de la race, de la croyance, etc.

C'est pourquoi Spinoza trahit l'hypothèse d'une singularitéfondamentale des individus pour poser une identité fondamentale: la nature humaine, que caractérise la raison.Ainsi, l'homme le plus utile, c'est l'homme rationnel.

Mais par là, ce n'est plus la différence qui est posée d'abord,c'est l'identité. Nous voyons donc la difficulté qu'il y a à fonder un lien moral avec autrui sur la ressemblance, c'est-à-dire, ladifférence prise comme fondement.

Spinoza dit lui-même que le semblable c'est l'individu "tout à fait de mêmenature".

Il y aurait donc une identité qui transcenderait les différences.

Est-ce là l'échec définitif du critère deressemblance? Reprenons le concept.

Nous avons vu que le ressemblant, par définition, n'est pas l'identique.

Le ressemblantrapproche des êtres irréductiblement singuliers.

Or le lien moral peut-il se fonder autrement que sur lareconnaissance de l'identité?La morale n'a de sens qu'universelle.

Jankélévitch nous le rappelle, soulignant que le relativisme moral, qui valorise ladifférence, s'appuie sur une exigence d'universalité, celle de la valeur de la différence: "dans toutes les négations dela morale s'affirme avec la même force le moralisme universel et obligatoire".

Le critère de ressemblance peut-ilconduire à autre chose qu'à une multiplicité de définitions du "semblable"? S'il n'y a que des individus singuliers, laressemblance sera toujours relative à un aspect arbitrairement sélectionné.On peut sortir de cette difficulté en renonçant à l'hypothèse selon laquelle la différence constituerait un fondement.On la remplacera par cette autre hypothèse: l'identité est le fondement de l'humanité.

Les humains ne sont plusalors considérés comme des singularités irréductibles partageant certains traits, mais comme une identitéfondamentale que masquent les particularités qui nous différencient.

Mon semblable ne m'apparaît plus en tant qu'ilme ressemble (il y a moi, il y a lui, et des points communs) mais en tant que toute différence disparaît ) son contact(il n'y a plus ni moi, ni lui, mais un être identique et anonyme: l'humain).

Comme le souligne Spinoza, le contactrationnel avec autrui dévoile cette identité anonyme.

La raison est identique, universelle et anonyme.

Ce n'est pas"moi" qui raisonne, ni "lui", c'est la raison elle-même.

Dans la raison, la singularité s'évanouit, la différence disparaît,le "moi" s'efface, ainsi que "l'autre".L'identité ne peut pas se conclure par comparaison: elle met en évidence les points communs mais sur un fondd'irréductible différence.

Montrer comme le fait le biologiste, que nous avons une structure biologique comparable,ne nous montre pas que l'autre est identique à moi, pas plus qu'un jumeau ne se confondra avec son frère parceque leurs images sont quasiment indiscernables.

L'identité ne peut pas se voir dans la ressemblance, et c'estpourquoi le message du biologiste ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus.

Les "non convaincus" auront alorsbeau jeu de dénoncer là un "humanitairement bêlant", c'est-à-dire un conformisme idéologique.Le problème de la reconnaissance du semblable comme l'identique est très ancien.

La tradition biblique apporte sasolution: autrui est reconnu comme notre semblable grâce à la révélation.

Que nous dit-elle? "Dieu créa l'homme àson image" (Genèse 1-27).

Le semblable, c'est celui qui est, identiquement à moi, image de Dieu.

Je reconnais autruicomme mon semblable, non parce qu'il me ressemble, mais parce qu'il m'est fondamentalement identique.

Ainsi,même la créature la plus dissemblable (l'handicapé lourd) nécessitera mon respect en tant qu'image de Dieu.

Biensûr, un tel fondement est fragile, comme l'histoire de la religion biblique l'a montré.

Comment en effet savoir quipossède cette identité qu'aucune apparence ne dévoile? Le visage le plus "ressemblant" peut cacher le démon.

Quiest homme, et qui ne l'est pas? La reconnaissance d'autrui comme semblable à Dieu court le risque de tous les. »

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