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Balthus

Publié le 26/02/2010

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L'enfance et la jeunesse de Balthus se sont formées dans un milieu familial et amical particulièrement exquis, et comme il en existait encore dans l'Europe et dans le Paris d'avant la dernière guerre. Des poètes, des artistes, des philosophes, des causeurs, parmi les meilleurs de ce temps, des esprits dignes de composer ce qu'on pouvait appeler autrefois la compagnie des esprits ont conspiré à l'entretenir, dès le principe, dans le goût et la familiarité des choses de leur domaine. Tout ceci, au contraire de ce que l'on pourrait croire, ne devait point composer un esthétisme, ni amener le jeune Balthus à un esthétisme. Car cette société charmante avait de l'authenticité, c'est-à-dire qu'à l'intelligent et exclusif souci de perfection qui s'y manifestait, se joignait beaucoup de naturel, de naïveté. Tel est le double caractère, sans doute paradoxal, qu'on doit reconnaître à ces groupes, à ces heureuses rencontres, à ces climats restreints qui se produisent à certaines époques riches en talents, en recherches, en effervescences spirituelles, en dialogues. Ce naturel, cette naïveté, et pour le dire d'un autre mot, cette vie, ainsi préservés dans une région de haute altitude qui ne semble capable que des plus subtiles et précieuses volontés de l'intellect, qu'est-ce que cela ? De quoi sont faits ce naturel, cette naïveté, cette vie ? Comment les qualifier, les définir ? Un seul mot y suffit : enfance. Je le répète : se former dans une atmosphère d'art et de poésie, parmi des êtres qui ne sont que figures singulières, déjà légendaires, cela risque de conduire à l'esthétisme. Mais en ces dangereuses conjonctures, le naturel, la naïveté, la vie peuvent être préservés, c'est-à-dire l'enfance. Et contre l'enfance les portes de l'enfer ne sauraient prévaloir. L'enfance, chez quelques privilégiés, comme celui dont nous parlons ici, demeure imperturbable, et elle se prolonge avec toutes ses armes défensives qui sont celles, si fortes, de l'innocence. Et avec toutes ses armes offensives, également fortes, qui sont les prestiges, les sortilèges, les charmes de la perversité. L'enfance, sous sa double face, c'est là ce qui a été durablement préservé en Balthus et qui constitue son art.

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