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Baruch SPINOZA ET LA FINALITE

Publié le 11/04/2005

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spinoza
Pour montrer [...] que la Nature n'a aucune fin à elle prescrite et que toutes les causes finales ne sont rien que des fictions des hommes, il ne sera pas besoin de longs discours. Je crois en effet l'avoir déjà suffisamment établi [...] par tout ce que j'ai dit qui prouve que tout dans la nature se produit avec une nécessité éternelle et une perfection suprême. J'ajouterai cependant ceci : que cette doctrine finaliste renverse totalement la Nature. Car elle considère comme effet ce qui, en réalité, est cause, et vice versa. [...] Et il ne faut pas oublier ici que les sectateurs de cette doctrine, qui ont voulu faire montre de leur talent en assignant les fins des choses, ont, pour soutenir leur doctrine, introduit une nouvelle façon d'argumenter : la réduction non à l'impossible, mais à l'ignorance [...]. Si, par exemple, une pierre est tombée d'un toit sur la tête de quelqu'un et l'a tué, ils démontreront [...] que la pierre est tombée pour tuer cet homme [...]. Peut-être, direz-vous, cela est-il arrivé parce que le vent soufflait et que l'homme passait par là. Mais, insisteront-ils, pourquoi le vent soufflait-il à ce moment ? Pourquoi l'homme passait-il par là à ce même instant ? Si vous répondez alors : le vent s'est levé parce que la mer, le jour avant, par un temps encore calme, avait commencé à s'agiter ; l'homme avait été invité par un ami ; ils insisteront de nouveau, car ils n'en finissent pas de poser des questions : pourquoi la mer était-elle agitée ? pourquoi l'homme a-t-il été invité pour tel moment ? Et ils continueront ainsi à vous interroger sans relâche sur les causes des événements, jusqu'à ce que vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance [...]. Et ainsi arrive-t-il que quiconque cherche les vraies causes des prodiges et s'applique à connaître en savant les choses de la nature, au lieu de s'en émerveiller comme un sot, est souvent tenu pour hérétique et impie, et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme des interprètes de la Nature et des dieux. Ils savent bien que détruire l'ignorance, c'est détruire l'étonnement imbécile, c'est-à-dire leur unique moyen de raisonner et de sauvegarder leur autorité. Baruch SPINOZA
spinoza

« invariables.

Ce faisant, elle renverse l'ordre de la nature, puisqu'elle explique un fait naturel par son but (« causefinale ») au lieu de le considérer comme la conséquence d'une ou plusieurs séries de causes antérieures.

En somme,le finaliste use mal de la question « pourquoi ? » : elle signifie à ses yeux « pour quoi ? », c'est-à-dire « en vue dequoi ? ».

C'est ainsi qu'il dira que la pierre est tombée pour tuer, au lieu de penser qu'elle est tombée parce que levent soufflait.

C'est donc parce que le finalisme ne pose pas à la nature la bonne question qu'il se trompe dans sesréponses.

Apparaît alors le trait caractéristique de l'explication finaliste : elle comprend les faits naturels comme s'ils'agissait d'hommes disposant d'une volonté et fixant intentionnellement des fins à leurs actions : elle estanthropomorphiste.b.

D'où le deuxième argument contre le finalisme : il réduit l'homme à l'ignorance.

Car en considérant que les faitsnaturels sont régis par des ,intentions, l'explication finaliste remontera de « pourquoi ? » en « pourquoi ? » jusqu'à lavolonté de Dieu.

Or, celle-ci est un « asile de l'ignorance » car elle permet de masquer l'ignorance dans laquelle onse trouve de la cause réelle — et naturelle — d'un fait.

L'attitude finaliste est l'inverse de l'attitude scientifique, ence que la première n'admet pas de ne pas savoir.

Quand le savant cherche avec patience l'ordre des faits, lefinaliste possède déjà la réponse : la volonté divine. 2 – Le finalisme n'est pas seulement une erreur théorique.

Le recours qu'il fait à la volonté de Dieu a un senspolitique : cultiver « l'étonnement imbécile », afin de permettre à un clergé dont le pouvoir repose sur l'ignorance dupeuple de sauvegarder son autorité.

En concluant ainsi, Spinoza annonce un thème majeur de la philosophie desLumières du siècle suivant (voir chap.

15).• Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texte1 – L'idée du déterminisme naturel.

En affirmant que « tout dans la nature se produit avec une nécessité éternelle »,Spinoza est représentatif du rationalisme scientifique qui s'exprime au xviie siècle.

Celui-ci refuse la personnificationde la nature héritée de la Renaissance (« Dame Nature »).

Connaître la nature, ce n'est pas déchiffrer ses "intentions », c'est découvrir les lois nécessaires qui la régissent.

Le finalisme est donc dénoncé comme unereprésentation préscientifique du monde ; le déterminisme apparaît en revanche comme un postulat fondamental dela pensée scientifique. 2 — Si tout, dans la nature, est déterminé, quelle part faut-il faire à la liberté humaine ? L'homme est-il uneexception, un « empire dans un empire », donc un foyer possible de ferté ? Ou bien est-il un être naturel, soumiscomme les autres au déterminisme des causes et des effets ? Telle est la position de Spinoza.

Le sentiment qu'al'homme de sa liberté ne serait alors qu'une illusion, née de la conscience qu'il a d'agir jointe à l'ignorance des causesqui le déterminent à agir. 3 — En liant le finalisme à une attitude religieuse (le recours à la volonté de Dieu), en même temps qu'il le dénoncecomme antiscientifique, le texte permet-il d'opposer science et religion ? Spinoza veut-il nous dire ici qu'une attitudescientifique est nécessairement antireligieuse parce qu'elle est antifinaliste ? La croyance religieuse est-elle en elle-même obscurantiste ? Distinguer deux notions : déterminisme et fatalité Il faut distinguer la notion de déterminisme naturel (voir ci-dessus le texte de Spinoza) et l'idée de fatalité ou dedestin (fatum).

Celle-ci est une idée religieuse.

Elle suppose que tout, dans l'univers, est gouverné en fonction d'unplan inscrit à l'avance (le « livre du destin »), qui échappe à la conscience et à la volonté humaines : par définition,on ne peut rien contre la fatalité.Le déterminisme, quant à lui, affirme l'existence dans la nature de l'enchaînement nécessaire des causes et deseffets.

Cette affirmation est doublement opposée à tout fatalisme : premièrement, on peut connaître cetenchaînement (c'est le rôle de la science) ; deuxièmes, cette connaissance permet d'agir sur les causes, donc deprévoir les effets, bref de maîtriser la nature. SPINOZA (Baruch). Né à Amsterdam en 1632, mort à La Haye en 1677. Il apprit l'hébreu, le latin, le français dans les écoles juives et latines, et travailla dans la maison de commercefamiliale.

Accusé d' « effroyables hérésies », Spinoza échappa de peu à un assassinat en 1656, et fut excommuniéde la synagogue la même année.

Il apprit la taille des instruments d'optique, vendit des verres télescopes pourvivre, et s'initia à la philosophie de Descartes.

Il constitua un cercle d'études près de Leyde, travailla intensémentde 1663 à 1670, et acquit une réputation considérable.

En 1670, il s'installa à La Haye, partageant sa vie entre laméditation philosophique et la taille des verres pour microscopes.

Il fut chargé en 1673 d'une mission secrète auprèsdu prince de Condé et du maréchal de Luxembourg.

Sa position devint ensuite de plus en plus difficile.

Il se rendit àAmsterdam, mais renonça à s'y établir.

En 1676, il reçut de nombreuses visites de Leibniz, qui niera plus tard l'avoirrencontré.

Malade, il mit de l'ordre dans ses manuscrits, en brûla peut-être.

Il mourut paisiblement et fut enterré. »

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