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Chacun est-il à lui-même l'être le plus lointain ?

Publié le 16/12/2009

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La distinction entre moi social et moi profond montre bien que le premier est représentation, alors que le second est perception par intuition. Le moi social est représentation car c’est l’image de nous même qui est soumise à la perception et au jugement d’autrui. La notion de honte est à ce titre particulièrement éloquente. La honte ne s’éprouve pas seul, mais par rapport à quelqu’un. Dans le cas d’une action que nous n’aurions pas forcément jugée condamnable étant seul, le regard de l’autre peut transformer cet acte – bénin pour notre moi profond – en faute pour notre moi social, sanctionnée immédiatement par le sentiment de honte. Il n’y a visiblement pas d’adéquation entre moi profond et moi social. Or, c’est ce dernier que nous offrons en pâture aux autres. Si une dimension aussi importante de notre être peut échapper à autrui, comment peut-il nous connaître mieux que nous-même ?

« moi profond est infiniment plus intime ; Bergson explique que : « Il y a une réalité au moins que nous saisissons tousdu dedans, par intuition et non par simple analyse.

C'est notre propre personne dans son écoulement à travers letemps.

C'est notre moi qui dure » [5]. La distinction entre moi social et moi profond montre bien que le premier est représentation, alors que le second estperception par intuition.

Le moi social est représentation car c'est l'image de nous même qui est soumise à laperception et au jugement d'autrui.

La notion de honte est à ce titre particulièrement éloquente.

La honte nes'éprouve pas seul, mais par rapport à quelqu'un.

Dans le cas d'une action que nous n'aurions pas forcément jugéecondamnable étant seul, le regard de l'autre peut transformer cet acte – bénin pour notre moi profond – en fautepour notre moi social, sanctionnée immédiatement par le sentiment de honte.

Il n'y a visiblement pas d'adéquationentre moi profond et moi social.

Or, c'est ce dernier que nous offrons en pâture aux autres.

Si une dimension aussiimportante de notre être peut échapper à autrui, comment peut-il nous connaître mieux que nous-même ? Le moisocial a une certaine dimension factice.

S'il est lié, il n'est pourtant pas le moi profond.

Et cette partie de mon êtreest, au même titre que la vie intérieure, un espace dont le privilège de l'accès semble m'être réservé.Nous sommes les premiers spectateurs de notre vie intérieure.

Cette dernière fait partie intégrante de nous, elle estconstitutive de notre être.

Bien au contraire du moi social, elle demeure difficilement accessible pour autrui, àl'instar de notre moi profond.

Elle est aussi particulière car elle n'est pas l'objet d'une réelle prise de conscience.

Elleest en nous, « subconsciente » comme le dit Bergson : « Or, je crois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase uniqueentamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par despoints.

Et je crois par conséquent aussi que notre passé tout entier est là, subconscient - je veux direprésent à nous de telle manière que notre conscience, pour en avoir la révélation, n'ait pas besoin desortir d'elle-même ni de rien s'adjoindre d'étranger : elle n'a, pour apercevoir distinctement tout cequ'elle renferme ou plutôt tout ce qu'elle est, qu'à écarter un obstacle, à soulever un voile » [6]. Notre vie intérieure est donc là, nous la sentons plus que nous la connaissons.

Et cette expérience sensible denotre vie intérieure est unique.

Autrui, quand bien même le voudrait-il, ne pourrait avoir qu'un rapport deconnaissance avec ma vie intérieure ; là, où j'ai un rapport sensible, par définition irremplaçable.

La révélation dece que cette vie intérieure est, est le fruit d'une certaine quête, éminemment personnelle – et donc difficilementaccessible à autrui – que les tenants du romantisme ont cherché à poussé au plus loin : l'osmose avec son moiprofond.Les romantiques ont cherché à découvrir qui ils étaient par la recherche de cette vie intérieure et parl'établissement d'une certaine symbiose avec leur vie intérieure.

Ce voeu a de multiples exemples dans la littératureromantique.

Lamartine est très emblématique lorsque dans la préface des Premières méditations poétiques , il écrit : « L'homme se plaît à remonter à sa source; le fleuve n'y remonte pas.

C'est que l'homme est uneintelligence et que le fleuve est un élément.

Le passé, le présent, l'avenir, ne sont qu'un pour Dieu.L'homme est Dieu par la pensée.

Il voit, il sent, il vit à tous les points de son existence à la fois.

Il secontemple lui-même, il se comprend, il se possède, il se ressuscite et il se juge dans les années qu'il adéjà vécu.

[…] C'est [la poésie] l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le coeur » [7]. Mais Lamartine n'est pas isolé.

Certes Rousseau n'est pas véritablement un romantique – on le considèrepréromantique – mais c'est pourtant bien un même dessein qui l'anime lorsqu'il entreprend de rédiger sesConfessions .

Alors en proie à de violentes attaques (notamment celle de Voltaire dans sa brochure Le sentiment des citoyens ), il justifie la rédaction de son autobiographie par le fait qu'il est celui qui se connaît le mieux et que lui seul détient la vérité sur son être.

C'est tout le sens de la formule qu'il utilise dans l'incipit du livre I : « Moi,seul.

Je sens mon coeur » [8].

C'est donc seulement en l'écoutant que l'on pourra le juger équitablement.

Cette recherche est, en elle-même, un aveu : je suis le seul qui puisse m'explorer jusqu'à découvrir ce trait constitutif demon être : ma vie intérieure.

C'est aussi confesser qu'autrui ne peut pas avoir un regard équivalent au mien en cequi me concerne.Chacun a donc une connaissance de soi tout à fait irremplaçable et particulière.

D'abord, parce qu'autrui est unmystère qu'il est bien difficile de percer ; ensuite, parce que le visage que l'on offre aux autres est essentiellementfactice ; enfin, parce que, tout comme notre moi profond, notre vie intérieure est relativement absconse pourautrui.

Mais cela ne veut pas dire qu'autrui ne peut pas savoir qui nous sommes, mais seulement que son point devue ne peut être le même que le nôtre.

Cela ne veut pas dire non plus que nous ayons forcément une perceptionplus juste de ce que nous sommes : si notre vision est irremplaçable, particulière et unique, elle n'est pasforcément plus vraie. Le manque de distance est un obstacle de poids.

L'intimité que nous avons avec nous-même empêche une pleine objectivité.

Dans l'Allégorie de la caverne [9], c'est la proximité qui empêche les prisonniers de prendre. »

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