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Christianisme et philosophie

Publié le 22/02/2012

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philosophie
Nous avons voulu grouper sous ce titre diverses philosophies qui n'ont de commun que d'être nées en milieu chrétien. C'est que la confrontation avec le christianisme est une des épreuves où la philosophie révèle le mieux son essence.    Non qu'il y ait, d'un côté, le christianisme unanime, et de l'autre, la philosophie unanime. Au contraire, ce qui était frappant dans la discussion fameuse qui eut lieu sur ce sujet en 1931, c'est qu'on y devinait, derrière le différend sur la notion de philosophie chrétienne ou sur l'existence de philosophies chrétiennes, un autre débat plus profond sur la nature de la philosophie, et qu'ici les chrétiens n'étaient pas tous du même côté, ni les non-chrétiens.   Gilson et Maritain disaient que la philosophie n'est pas chrétienne dans son essence, qu'elle l'est seulement dans son état, par le mélange dans un même temps et finalement dans un même homme de la pensée et de la vie religieuse, et en ce sens, ils n'étaient pas si loin de Bréhier, qui séparait la philosophie comme système rigoureux de notions et le christianisme comme révélation d'une histoire surnaturelle de l'homme, et concluait, pour sa part, qu'aucune philosophie comme philosophie ne peut être chrétienne. Par contre, quand Brunschvicg, pensant à Pascal et à Malebranche, réservait la possibilité d'une philosophie qui constate la discordance de l'existence et de l'idée, et donc sa propre insuffisance, et introduise par là au christianisme comme interprétation de l'homme et du monde existants, il n'était pas si loin de Maurice Blondel, pour qui la philosophie était la pensée s'apercevant qu'elle ne peut " boucler ", repérant et palpant en nous et hors de nous une réalité dont la conscience philosophique n'est pas la source. Passé un certain point de maturité d'expérience ou de critique, ce qui sépare ou réunit les hommes n'est pas tant la lettre ou la formule finale de leurs convictions, mais plutôt, chrétiens ou non, la manière dont ils traitent leur propre dualité et organisent en eux-mêmes les rapports du notionnel et du réel.

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« Nous avons voulu grouper sous ce titre diverses philosophies qui n'ont de commun que d'être nées en milieuchrétien.

C'est que la confrontation avec le christianisme est une des épreuves où la philosophie révèle le mieux sonessence.

Non qu'il y ait, d'un côté, le christianisme unanime, et de l'autre, la philosophie unanime.

Au contraire, ce qui étaitfrappant dans la discussion fameuse qui eut lieu sur ce sujet en 1931, c'est qu'on y devinait, derrière le différend surla notion de philosophie chrétienne ou sur l'existence de philosophies chrétiennes, un autre débat plus profond sur lanature de la philosophie, et qu'ici les chrétiens n'étaient pas tous du même côté, ni les non-chrétiens.

Gilson et Maritain disaient que la philosophie n'est pas chrétienne dans son essence , qu'elle l'est seulement dans son état, par le mélange dans un même temps et finalement dans un même homme de la pensée et de la vie religieuse, et en ce sens, ils n'étaient pas si loin de Bréhier, qui séparait laphilosophie comme système rigoureux de notions et le christianisme comme révélation d'une histoire surnaturelle de l'homme, et concluait, pour sapart, qu'aucune philosophie comme philosophie ne peut être chrétienne.

Par contre, quand Brunschvicg , pensant à Pascal et à Malebranche , réservait la possibilité d'une philosophie qui constate la discordance de l'existence et de l'idée, et donc sa propre insuffisance, et introduise par làau christianisme comme interprétation de l'homme et du monde existants, il n'était pas si loin de Maurice Blondel , pour qui la philosophie était la pensée s'apercevant qu'elle ne peut " boucler ", repérant et palpant en nous et hors de nous une réalité dont la conscience philosophique n'estpas la source.

Passé un certain point de maturité d'expérience ou de critique, ce qui sépare ou réunit les hommes n'est pas tant la lettre ou laformule finale de leurs convictions, mais plutôt, chrétiens ou non, la manière dont ils traitent leur propre dualité et organisent en eux-mêmes lesrapports du notionnel et du réel. La vraie question, qui est au fond du débat sur la philosophie chrétienne, est celle du rapport de l'essence et del'existence.

Admettrons-nous une essence de la philosophie, un savoir philosophique qui est compromis dans l'hommeavec la vie (ici la vie religieuse), mais reste cependant ce qu'il est, strictement et directement communicable, verbeéternel qui éclaire tout homme venant en ce monde, ou bien dirons-nous, au contraire, que la philosophie estradicale justement parce qu'elle creuse, sous ce qui paraît être immédiatement communicable, sous les penséesdisponibles et la connaissance par idées, et révèle entre les hommes, comme entre les hommes et le monde, un lienqui est antérieur à l'idéalisé, et qui la fonde ? Que cette question commande celle de la philosophie chrétienne, on le vérifierait en suivant dans ses détours ladiscussion de 1931.

Les uns, ayant posé, dans l'ordre des principes, des notions et du possible, l'autonomie de laphilosophie et celle de la religion, admettent, quand ils se tournent vers les faits ou vers l'histoire, un apportreligieux en philosophie (que ce soit l'idée de création, celle de subjectivité infinie, ou celle de développement etd'histoire).

Il y a donc, malgré les essences, échange entre la religion et la raison, ce qui repose en entier laquestion, puisque enfin, si ce qui est de foi peut donner à penser (à moins que la foi ne soit ici que l'occasion d'uneprise de conscience possible sans elle), il faut avouer que la foi dévoile certains côtés de l'être que la pensée, quiles ignore, ne " boucle " pas, et que les " choses non vues " de la foi et les évidences de la raison ne se laissent pasdélimiter comme deux domaines .

Si, au contraire, avec Bréhier, on va droit à l'histoire pour montrer qu'il n'y a pas eu de philosophie qui fût chrétienne, on n'y arrive qu'en rejetant comme étrangères à la philosophie les notions d'originechrétienne qui font obstacle, ou en leur cherchant à tout prix des antécédents hors du christianisme, ce qui prouveassez qu'on se réfère ici à une histoire préparée et clivée selon l'idée de l'immanence philosophique.

Ainsi, ou bien onpose une question de fait, mais, sur le terrain de l'histoire " pure ", la philosophie chrétienne ne peut être affirmée ouniée que d'une manière toute nominale, et le prétendu jugement de fait ne sera catégorique que s'il enveloppe uneconception de la philosophie.

Ou bien on pose ouvertement la question en termes d'essences, et alors tout est àrecommencer quand on passe de là à l'ordre des mixtes et des philosophies existantes.

Dans les deux cas, onmanque le problème, qui n'existe que pour une pensée historico-systématique, capable de creuser au-dessous desessences, de faire le va-et-vient entre elles et les faits, de contester les essences par les faits et les " faits " parles essences, et, en particulier, de mettre en question sa propre immanence.

Pour cette pensée " ouverte ", en un sens, la question, aussitôt que posée, est résolue.

Puisqu'elle ne tient pas ses" essences " telles quelles pour la mesure de toutes choses, puisqu'elle ne croit pas tant à des essences qu'à desnoeuds de significations qui seront défaits et refaits autrement dans un nouveau réseau du savoir et de l'expérienceet ne subsisteront que comme son passé, on ne voit pas au nom de quoi cette pensée en porte-à-faux refuserait lenom de philosophie à des modes d'expression indirects ou imaginatifs, et le réserverait aux doctrines du Verbeintemporel et immanent, elles-mêmes mises au-dessus de toute histoire.

Il y a donc assurément une philosophiechrétienne, comme il y a une philosophie romantique ou une philosophie française, et incomparablement plusétendue, puisqu'elle contient, outre ces deux là, tout ce qui s'est pensé en Occident depuis vingt siècles.

Commentôter au christianisme, pour les attribuer à une raison " universelle " et sans lieu natal, des idées telles que cellesd'histoire, de subjectivité, d'incarnation, de finitude positive.

? Ce qui n'est pas décidé par là et fait le vrai problème de la philosophie chrétienne c'est le rapport de ce christianisme institué, horizon mental oumatrice de culture, avec le christianisme effectivement vécu et pratiqué dans une foi positive.

C'est autre chose de trouver un sens et un méritehistorique immense au christianisme et de l'assumer à titre personnel.

Dire oui au christianisme comme fait de culture ou de civilisation, c'est direoui à saint Thomas H050 , mais aussi à saint Augustin H003 , et à Pascal H037 et à Malebranche H032 , et cet assentiment ne nous coûte pas une once de la peine que chacun d'eux a dû prendre pour être sans défaillance lui-même.

Les luttes qu'ils ont soutenues, quelquefois dans la solitude etjusqu'à la mort, la conscience philosophique et historique les transmue dans l'univers bienveillant de la culture.

Mais justement parce qu'il lescomprend tous, le philosophe ou l'historien n'est pas l'un d'eux.

L'historien donne d'ailleurs la même attention et les mêmes égards infinis à untesson de poterie, à des rêveries informes, à des rituels absurdes.

Il ne s'agit pour lui que de savoir de quoi le monde est fait et de quoi l'homme est. »

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