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Dans quelle mesure deux personnes parlant la même langue se comprennent-elles ?

Publié le 05/03/2023

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« Dans quelle mesure deux personnes parlant la même langue se comprennent-elles ? Dans la scène 5 de l’acte I du Malade imaginaire de Molière, un quiproquo a lieu au sujet du futur époux d’Angélique.

En effet, Argan parle de Thomas Diafoirus lorsqu’il lui annonce son projet de mariage alors qu’Angélique pense à Cléante.

Finalement, celle-ci reconnaît avoir été victime d’un quiproquo « vous avez parlé d’une personne et que j’ai entendu une autre », soulignant alors que, même si Argan et Angélique parle dans la même langue d’un même sujet, ils ne se comprennent pas forcément.

Nous pourrons donc questionner le rapport entre la langue et la compréhension, et nous demander dans quelle mesure deux personnes parlant la même langue se comprennent.

Dans un premier temps, nous verrons l’utilité de la langue dans la communication.

Dans un second temps, nous remarquerons la plurivocité de la langue.

Dans un dernier temps, nous déduirons que toute communication par la langue n’est pas comprise absolument. En premier lieu, notre communication est comprise car la langue est commune et constitue l’origine des communautés et le reflet de leur culture, en même temps qu’elle repose sur des signes et règles collectives. D’abord, la langue est la condition sinequanon à l’établissement de communautés, c’est par la langue que les groupes d’Hommes s’organisent.

Dans chaque communauté, une langue est commune et comprise par l’ensemble de ses membres.

Par exemple, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, François Ier oblige à prononcer, enregistrer et délivrer tous les actes officiels et de justice «en langage maternel françois et non autrement».

Ainsi la langue administrative officielle n'est plus le latin -connue des seules élites et des ecclésiastiques- mais le français.

L'objectif est de permettre une meilleure compréhension, des jugements de justice notamment.

C'est un premier pas décisif, qui contribue à la diffusion du français en France, et donc à l’unification du peuple français grâce à la langue commune car « le langage se présente comme un système autonome qui reflète l'unification sociale.

», Sartre. Ensuite, puisque la langue est la pierre angulaire de chaque communauté, elle reflète ses us et coutumes et sa culture.

Comme l’écrit Aristote dans la Politique : « nous avons de plus, sinon la connaissance développée, au moins tout le sentiment obscur du bien et du mal, de l'utile et du nuisible, du juste et de l'injuste, objets pour la manifestation desquels nous a été principalement accordé l'organe de la parole.

», la langue donne l’impression du bien et du mal, qui sont différents selon les communautés.

Donc, ce que nous considérons comme mélioratif ou péjoratif dépend avant tout de la langue dans laquelle nous nous exprimons.

Aussi, « La langue est une manifestation de l’identité culturelle, et tous les apprenants, par la langue qu’ils parlent, portent en eux les éléments visibles et invisibles d’une culture donnée.

» (Aline Gohard-Radenkovic).

La langue parlée représente les traits de la culture d’origine du locuteur, elle est donc le porteur culturel qui permet aux citoyens de se reconnaître entre eux. Par conséquent, la langue commune repose sur des signes et règles collectives qui permettent une communication compréhensible, car la langue est un système de signes particulier utilisé par un groupe humain.

Il existe donc des conventions linguistiques puisque « Tout ce qui est commun doit avoir des exercices communs » (Aristote, Politique) : la langue étant commune, sa pratique doit l’être aussi grâce à des signes communs.

De plus, « Ce qui est arbitraire, c'est que tel signe, et non tel autre, soit appliqué à tel élément de la réalité, et non à tel autre.

» (Benveniste) : les signes ne s’imposent pas naturellement mais sont choisis arbitrairement et mis en commun afin d’obtenir une meilleure compréhension dans une communauté, basée avant tout sur les besoins : « la société a découpé le réel selon ses besoins.

», Bergson. L’association signifiant / signifié n'est pas naturelle, mais instituée.

En ce sens, les langues sont des institutions sociales. En deuxième lieu, la langue est souvent polysémique car elle simplifie le réel, et reste propre à celui qui la parle, selon son interprétation. D’abord, la langue est une simplification du réel car les mots « ne note[nt] de[s] chose[s] que [leur] fonction la plus commune et [leur] aspect le plus banal » (Bergson, Le Rire).

En effet, les signes désignent un concept et non une chose dans toute sa singularité.

Nous voyons des objets de perception sensible et intellectuelle et non la réalité singulière.

Par exemple, dire « Je vois une grue » équivaut à dire « Après synthèse des stimuli, je reconnais le concept de la grue » et non « Je vois la singularité de la réalité de la grue ».

De plus, l’homme est un fabricant, un « homo faber », son langage est donc utilitaire et lié au besoin : les signes doivent être utiles et sont donc volontairement restreints, le réel est réduit à l’usage qu’on en fait, ce qui donne lieu à une tendance à l’essentialisation, comme l’explique Aristote : « les noms sont en nombre limité, ainsi que la pluralité des définitions, tandis que les choses sont infinies en nombre.

Il est, par suite, inévitable que plusieurs choses soient signifiées et par une même définition et par un seul et même nom.

» En outre, le langage courant s’appauvrit progressivement : « Nous taillons le langage jusqu’à l’os », Orwell, Le meilleur des mondes ; la langue est déjà trop générale, elle le devient encore plus par la suppression de mots. Ensuite, le reste, la singularité.... »

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