De quoi parle-t-on quand on parle de soi ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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désirs.
Le discours révèle indirectement ses propres fondements et parle donc, toujours du locuteur en tant qu'êtrede désir.
Transition: A chaque fois que nous prenons la parole, nous parlons de nous, au sens où tout discours en sous-tendu par le désirde son locuteur.
Alors, puisque je peux parler de moi sans que ce « moi » soit l'objet explicite de mon discours, iln'est plus évident que j'ai une quelconque conscience de ce « moi » avant de prendre la parole.
Le discours estpeut-être ce par quoi je prends conscience de moi-même, voire ce à travers quoi je construis mon identité.
III) Il n'existe pas de «soi » dont nous aurions intégralement conscience avant de prendre la parole et surlequel nous pourrions discourir.
Le discours sur soi n'est pas ce par quoi j'exprime mon identité, mais cepar quoi je la réalise (au deux sens de comprendre et construire).
On ne parle pas de soi, mais à partir desoi, et cette parole est ce par quoi se réalise le « soi ».
- Nous parlons de nous dans tous nos discours, en tant que tout discours révèle en même temps le désir qui est sasource.
Cependant, rien ne permet d'affirmer que celui qui prend la parole est conscient de ce désir.
Par exemple, jepeux décider au milieu d'un dîner de couper court à la conversation actuelle et d'entreprendre un long discours sur l'importance littéraire de l'œuvre de Proust.
Je n'ai pas d'abord conscience du désir qui me pousse à ce geste, maismoi ou un observateur particulièrement perspicace pourrons nous rendre compte à travers mon discours que laconversation précédente prenait un tour trop intime qui m'a gêné et que j'ai préférer me réfugier derrière un thèmeplus impersonnel.- C'est d'ailleurs ce principe qu'exploite la psychanalyse: le patient parle de ce qu'il veut, selon le principe del'association libre et l'analyste tente de cerner quel désir se loge derrière ces mots.
Ce désir, caché sous le discours,peut parfois ressortir de manière particulièrement net: il est alors la source d'un lapsus.
En effet, selon Freud dans laTroisième leçon de psychanalyse , le lapsus est la production d'un désir refoulé qui fait irruption au sein de la parole consciente, révélant ainsi tout ce que ce que celle-ci masquait.
Ainsi en parlant, non seulement je parle de moi,mais je prends conscience d'une part de moi-même (certains désirs) qui jusque là m'étaient inconnus.
Le « soi » sedéfinissant comme une identité dont j'ai conscience, nous pouvons bien affirmer que ce « soi » se construit àtravers la parole.- Quand je parle, je met donc à jour certains désirs qui adviennent ainsi à la conscience et entre dans mon identitécomme ensemble de traits de caractère et d'évènements vécus que je sais être miens.
Encore plus qu'une fonctionde mise à jour, le langage à aussi une fonction de construction du « moi ».
En effet, une identité suppose unecertaine cohérence.
Avoir une identité implique donc de faire un effort de mise en ordre et d'analyse du temps quej'ai vécu.
Or c'est à travers le récit, écrit ou oral, que se construit cette identité.
C'est à travers la structure dulangage que je parviens à structurer mon vécu et à lui trouver la cohérence nécessaire à la formation de monidentité.
Cf.
Ricoeur, Temps et récit , tome I.
L'exemple de Proust est révélateur à cette égard: l'écriture de la Recherche du temps perdu peut être interprétée comme une entreprise de mise au langage de tout un vécu, dont le sens n'est trouvé qu'à la fin du discours..
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