D'où vient la force de la loi ?
Publié le 28/01/2004
Extrait du document
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Il y a deux types de loi : la loi naturelle et la loi sociale.
La loi naturelle est l'expression d'un rapport constant entreles phénomènes de la nature, la loi sociale est l'énoncé des interdits, obligations, autorisations et sanctions quiordonnent une société et lui donnent son sens.
La loi naturelle est universelle et nécessaire ; la loi sociale estparticulière (relative à la société en question et changeante avec le temps), et peut être transgressée.
Le problèmeposé ne concerne que la loi sociale.
Comme celle-ci n'est pas, à la différence de la loi naturelle, l'expression d'unenécessité objective, il lui reste celle de se faire obéir — ce qui suppose un certain type de contraintes.
Il n'y a pasde loi sans pouvoir et pas de pouvoir sans force.
D'où vient cette force ? C'est ce à quoi nous allons répondre.
I.
Solution métaphysique : la force divine de la loiDans toutes les sociétés — primitives et anciennes —, la loi est censée émaner d'une puissance supérieure :dieu(x), ancêtres, etc.
Le juridique, l'éthique et le religieux ne forment pas encore, comme dans les sociétésmodernes, trois sphères autonomes.
Cette conception traditionnelle de l'Eglise depuis le Moyen Age s'est surtout développée au XVII- siècle avec despenseurs comme Suarez (« De Legibus »), ou Bossuet (« Politique tirée des paroles de l'Ecriture sainte »). Elle affirme que le pouvoir civil, loin d'être arbitraire, a bien un fondement, une source qui le légitime: Dieu.
Lathéorie du droit divin reprend et commente la parole de saint Paul : « il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu » (« Epître aux Romains », XIII).
Comment comprendre cela ? Il ne s'agit évidemment pas de dire que Dieu désigne directement les gouvernants.
Mais, de même que les évêques tirentde Dieu leur autorité pastorale bien qu'ils soient désignés par le pape, de même les souverains peuvent bien êtredésignés selon des voies humaines mais tenir de Dieu, et non des hommes, leur autorité.
La théorie du droit divinn'est pas une conception « magique » de l'Etat.
Dieu y définit un droit politique, un fondement à l'exercice dupouvoir, et n'intervient pas dans le mode de formation de l'Etat.
De là plusieurs remarques :
1 - Le droit divin a une portée universelle .
Il faut prendre à la lettre la formule de Paul : s'il n'y a point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, il est donc également possible de parler de république de droit divin.
Le droit divin estdans son principe compatible avec toutes les formes d'Etat et de gouvernement.
2 - En fondant l'Etat en Dieu, le droit divin prétend le fonder en raison .
Il n'y a là nul paradoxe.
D'une part, le pouvoir a un fondement, et sort donc de l'arbitraire; il a une raison de s'exercer autre que ces causes sans raisonque sont le hasard des fortunes, l'accoutumance due à la durée ou l'art des gouvernants.
D'autre part, Dieu n'estpas un malin génie qui s'amuse à bouleverser à sa guise l'ordre du monde.
Il est au contraire le garant de laraisonnabilité de l'univers politique, comme il est le garant de la rationalité de l'univers physique.
Les théoriciens dedroit divin du XIX siècle ( J.
de Maistre , L.
de Bonald ) ont particulièrement insisté sur l'idée d'une providence divine conçue comme un ordre universel et rationnel et qui seule peut fournir au politique un fondement acceptable.Bossuet écrivait déjà en 1670 que « l'autorité royale est soumise à la raison » ; le «Prince », Dieu sur la terre, ne peut, par cette raison même, y faire n'importe quoi.
3 - La théorie du droit divin aboutit à une conception absolutiste de l'Etat, conséquence elle aussi tirée des Ecritures Saintes .
S'il n'y a en effet pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, alors « celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu » (« Ep.
aux Rom .
», XIII).
L'obéissance au souverain doit se faire sans réserve et il ne saurait exister dans l'Etat aucune instance qui puisse de droit contester ses décisions.
Nous verrons au chapitre suivant qu'il serait hâtif de se fonder sur ces thèses pour identifier l'absolutisme étatiqueau despotisme et ne voir dans le droit divin qu'une ruse pour l'arbitraire de la volonté des tyrans.
Il faut néanmoinsnoter que la théorie du droit divin implique, avec ses conséquences absolutistes, une double négation.
Premièrementla négation du droit de résistance qui sera inscrit dans la déclaration de 1789 comme un des quatre droits naturelset imprescriptibles de l'humanité.
Deuxièmement la négation de la théorie de la souveraineté du peuple: certes, ledroit divin n'est pas en principe incompatible avec l'existence d'une république ou d'une démocratie, puisque saformulation le fait valoir universellement ; mais il est clair que, si la souveraineté a sa source en Dieu, elle ne sauraitl'avoir dans le peuple.
C'est à partir de ces deux points, souveraineté du peuple et droit de résistance, que, contemporaine à la théoriedu droit divin et contre elle, la théorie du contrat social va proposer un autre modèle de légitimité au pouvoirpolitique et permettre de poser en des termes renouvelés, et modernes, le problème de l'absolutisme étatique.
Si Dieu dit la loi, la force de celle-ci sera le reflet de la puissance de celui-là.
Ainsi, au-delà de la sanction humaine,existe une sorte de sanction transcendante (si le criminel peut, par exemple, échapper à la société des hommes, ilne pourra pas échapper au jugement de Dieu).
II.
Solution philosophique : la force naturelle de la loiLe siècle des Lumières a connu la laïcisation de la société civile en Europe — la transcendance divine étaitremplacée par l'immanence de la nature.
Y triomphe l'idée de droit naturel.
Le concept de loi permettait d'embrassersous une même unité loi de nature et loi de société (conçue elle-même comme naturelle) ; en témoigne la définitionque donne Montesquieu au début de L'Esprit des lois : lorsqu'il écrit « rapport nécessaire entre les choses », c'estbien aux lois de la société qu'il pense.
Or, quoi de plus fort que la nature ? Si l'homme en effet est libre par nature,.
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