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En quoi le soi est-il soi ?

Publié le 25/04/2011

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Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau–Ponty s'engage sur le chemin d'une généalogie du sujet pensant. Pour lui, la conception cartésienne du sujet, qui est une détermination purement réflexive du cogito, est trompeuse cas la notion de sujet implique un être impliqué dans le monde, alors que Descartes le sépare de son corps et de son rapport au monde. La première étape du mouvement archéologique qu'il entreprend remonte donc du cogito cartésien à la figure du cogito préréflexif, qui est ouverture non-réflexive du sujet sur sa propre existence. Le soi est, pour Merleau–Ponty, qui hérite de la tradition de la notion d'être-au-monde d'Heidegger, ou Dasein, tout d'abord ouverture sur le monde avant que d'être conscience de soi. Le sujet est comme jeté dans le monde et n'est que dans le monde. C'est d'ailleurs cette dimension extatique, cette ouverture au monde et ces mouvements qui définissent en propre l'être-au-monde chez Heidegger ; Merleau–Ponty lui-même considère que ce qu'il y a de plus irréductible à homme, de plus propre, c'est cette ouverture, cette tendance vers le dehors. Mais de ca fait, un problème se pose : comment peut-on penser la réflexion et les rapports à soi d'un être qui sort de soi, a une existence mais pas d'ego, qui n'est pas une substance douée de déterminations nécessaires ? Le soi, alors même qu'il sort de soi, peut-il être encore soi ?Un être qui « s'éclate dans le monde « peut-il être approprié à lui-même ? 

« sous le cogito cartésien une structure d'être plus fondamentale, auquel il est inhérent de se rapporter au monde,ces rapports au monde précédent l'apparition de tout étant – y compris de soi – à soi-même.

Au lieu de resterauprès de soi, ce soi plus originaire et primitif devient le repère d'une intentionnalité, qui va vers ce qui n'est passoi, mais au delà de soi et auprès des choses.De ce fait, la conception d'un soi qui est sans cesse hors de soi et projeté dans le monde pose problème ; il paraîtne pas y avoir adéquation entre cette figure à la dimension extatique et une figure appropriée à elle-même, qui aune intériorité et une conscience ; on peut se demander comment tout en étant hors d'elle-même, la figure ducogito préréflexif ou de l'être-au-monde (les deux n'étant pas synonymes mais se recouvrant quant à leur dimensionextatique) est aussi la figure d'un soi. En effet, le Dasein est hors de lui sans avoir été en soi, car il est originairement tourné vers le monde et en dehorsde lui-même ; mais il ne l'est que par rapport à un soi possible ; or, celui-ci se manifeste précisément comme l'être-au-monde, dans la structure unitaire d'un être qui, tout en étant auprès des choses et donc hors de soi, se tientdéjà dans la compréhension de son être dans le monde.

Dans son ouverture à l'être, le Dasein est en rapport à sonêtre ; en comprenant le monde, en étant dans le monde, il se comprend et effectue un retour sur soi.

Il se projettedans le monde et de ce fait se voit dans le monde, s'expérience dans le monde.

Il est ouverture, mais ouverturecomprise comme ouverture soumise au monde mais aussi ouverture à soi.

Le monde est quelque chose que le sujetprojette au dehors de lui-même ; et, inversement, le Dasein se comprend de prime abord et le plus souvent à partirdes choses auxquelles il a affaire.

Il en est de même pour le cogito préréflexif qui se projette dans le monde et seconnaît dans ce monde, car il accède à partir du monde et des choses auxquelles il a affaire à lui-même : c'est unêtre qui ne se connaît que dans le monde, puisqu'il est toujours sorti dans le monde.

C'est un sujet creux que lemonde et l'expérience vont remplir ; sans monde, il est un sujet vide et aveugle, c'est le monde même qui lui donnecette consistance de sujet puisque c'est dans ce monde qu'il est.

C'est donc le monde qui remplit le soi, et il y a dece fait une sorte d'indistinction entre le soi et le monde : le sujet est tout au dehors de lui, et le monde est tout audedans du sujet.

Puisque le sujet se révèle dans le monde, il est approprié à lui-même du fait qu'il se constitue dansle monde, il se comprend dans le monde, car il existe dans le monde et expérimente dans le monde.

Le monde faitpartie du sujet qui se jette dans le monde.

Le rapport à soi est implicite, puisque le sujet n'est pas tournéoriginairement vers lui-même, mais par la médiation du monde, le sujet a un rapport à soi ; il effectue un retour à luimédiatement, par le monde.La pensée se retrouve dans les choses parce que elle y a déjà mis quelque chose d'elle-même, sinon elle serait sansprise sur les choses : si le soi pense le monde et peut penser le monde c'est que sa pensée se trouve déjà dans lemonde, tout comme on ne trouve quelque chose que parce qu'on le cherchait.

Ainsi, « toute pensée de quelquechose est en même temps conscience de soi, faute de quoi elle ne pourrait avoir d'objet » ; il y a bien un sujet à labase de toute expérience, un sujet qui est en contact direct avec l'idée de lui-même, du fait qu'il pense.C'est de même parce que s'il se donne au monde que le soi se réfléchit sur les choses auxquelles il a affaire :l'intentionnalité du Dasein embrasse en même temps la compréhension de l'être auquel il se rapporte, c'est-à-dire lemonde, et la compréhension de soi.

Ainsi, le cordonnier n'est pas ses chaussures, mais se comprend dans sonactivité de cordonnier ; de même à propos de la tristesse : elle résulte à la fois de l'ouverture à un monde triste etde la découverte du moi comme jeté dans ce monde triste ; la tristesse est donc mienne et du monde, je suis tristeparce que j'appartiens à un monde coloré par la tristesse.

Le soi ne se trouve nulle part ailleurs que dans les choseselles-mêmes, notamment celles qui l'entourent quotidiennement, parce que le monde dans lequel il est jeté lui estfamilier ; de ce fait, pour accéder au soi, il faut être, puisque l'on est dans le monde dans lequel nous sommes jetés.Cependant, cette manière de se constituer, de se former comme soi consistant ne se fait pas de façon évidente etdonnée ; c'est dans les gestes que le soi se constitue. Le soi se constitue dans des actes et dans des geste ; de même la conscience de soi se constitue notamment àtravers l'usage de la parole, notamment de la parole parlante, qui s'écarte des significations pré-établies du langage,le système de significations donné.

C'est ainsi que la parole coopère à l'éveil réflexif de la conscience tacite oupréréflexive, puisque le sujet, tout en restant dans le système de significations donné, s'en écarte, à un indicepersonnel ; le sujet se constitue comme soi, différent des autres, mais se projette hors de lui dans l'expression deses vécus et expériences ; le soi commence donc à se réfléchir dès lors qu'il ressent ce besoin de s'exprimer.

C'estaussi dans la parole que le sujet se constitue et se connaît puisqu'elle permet au soi de se révéler ; l'amoureux, parexemple, peut découvrir son amour dans sa parole.

La parole, en effet, ne se borne pas à communiquer des penséespréexistantes, mais elle en est la seule effectuation possible.

La parole est donc une médiatrice indispensable à laformation de soi et de la pensée.De fait, cette parole parlante, cette expression est considérée comme un geste, un acte, puisqu'elle réalise le sujetet lui permet de devenir conscience de soi.

Elle est un geste puisqu'elle porte par son expression son sens commeun geste contient le sien.

Elle est aussi la « pointe extrême d'une intentionnalité », elle est un mouvement comme legeste créateur du peintre, au cours duquel le corps fait preuve de signification.

Elle est un geste qui débouche surune signification et montre un chemin sur lequel le sujet peut se développer et devenir conscience de lui-même.Sans le monde, sans cette ouverture sur le monde comme nous l'avons dit qui est aussi ouverture intentionnelle aumonde, le sujet ne serait rien, ou ne serait pas.La définition du soi se passe donc dans la praxis, dans un je fais qui s'appuie sur un je peux pour former du sens ;. »

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