Devoir de Philosophie

Faut-il se méfier de l'évidence ?

Publié le 03/01/2004

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C'est le point de vue de Spinoza (« Ethique », II, 43). « La vérité est à elle son propre signe » (« verum index sui »). « Celui qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a cette idée et ne peut douter... Quelle règle de vérité trouvera-t-on plus claire et plus certaine qu'une idée vraie ? De même que la lumière se montre soi-même et montre avec soi les ténèbres, ainsi la vérité est à elle-même son critérium et elle est aussi celui de l'erreur. »  Pour Descartes, comme pour Spinoza, une idée claire & distincte qui apparaît évidente est une idée vraie et il n'y a point à chercher au-delà. « Les idées qui sont claires & distinctes ne peuvent jamais être fausses » dit Spinoza. Descartes écrit de son côté : « Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions étaient incapables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie.... Après cela je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine, car puisque je venais d'en trouver une que je savais être telle, je pensais que je devais aussi savoir en quoi consiste cette certitude. Et ayant remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci : je pense donc je suis, qui m'assure que je dis la vérité sinon que je vois très clairement que pour penser il faut être : je jugeais que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies.

• Est-il possible et légitime d'accorder sa confiance à l'évidence, c'est-à-dire, stricto sensu, à ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'il n'est besoin d'aucune autre preuve pour accéder à la vérité ? Évidence vient du latin videre, voir, et désigne ce qui se manifeste avec une telle transparence que nous le voyons littéralement. • Peut-on accorder sa confiance à ce qui entraîne immédiatement l'assentiment de l'esprit ? L'évidence ne peut-elle être trompeuse dans la mesure où elle apparaît comme un critère bien subjectif de vérité ? L'évidence, c'est une présence, certes, mais de quoi exactement ? Si elle signifie le clair et le distinct, ces derniers sont-ils réellement marques de vérité ? Tel est l'un des problèmes essentiels. Et si le clair et le distinct étaient trompeurs, et ce en raison de leur dimension subjective ? • L'enjeu de la question, ce qu'elle enveloppe pour nous de décisif, nous apparaît manifeste : la confiance en l'évidence peut nous conduire à commettre des fautes graves et à marcher contre la vérité. L'acte de reconnaître l'évidence n'est-il pas gros de périls multiples ? Évidence et vérité finissent-elles vraiment par se confondre ? Selon la réponse apportée, notre méthode pour chercher le vrai sera de style bien différent.

« « L'appel aux idées n'est pas toujours sans danger, et beaucoup d'auteurs abusent du prestige de ce terme pour donner du poids à certaines de leurs imaginations ; car nous ne possédons pas l'idée d'une chose du fait que nous avons conscience d'y penser, comme je l'aimontré plus haut par l'exemple de la plus grande des vitesses.

Je vois aussi que de nos jours les hommes n'abusent pas moins de ceprincipe si souvent vanté : « tout ce que je conçois clairement et distinctement d'une chose est vrai et peut être affirmé de cette chose ».

Carsouvent les hommes, jugeant à la légère, trouvent clair et distinct ce qui est obscur et confus.

Cet axiome est donc inutile si l'on n'y ajoutepas les CRITÈRES du clair et du distinct [...] , et si la vérité des idées n'est pas préalablement établies.

D'ailleurs, les règles de la LOGIQUEVULGAIRE, desquelles se servent aussi les géomètres, constituent des critères nullement méprisables de la vérité des assertions, à savoir qu'ilne faut rien admettre o certain qui n'ait été prouvé par une expérience exacte ou une démonstration solide.

Or une démonstration est solidelorsqu'elle respecte la forme prescrite par la logique ; non cependant qu'il soit toujours besoin de syllogismes disposés selon l'ordre classique[...] mais il faut du moins que la conclusion soit obtenue en vertu de la forme.

D'une telle argumentation conçue en bonne et due forme, toutcalcul fait selon les règles fournit un bon exemple.

Ainsi, il ne faut omettre aucune prémisse nécessaire, et toutes les prémisses doivent oubien être démontrées préalablement, ou bien n'être admises que comme hypothèses, et dans ce cas la conclusion aussi n'estqu'hypothétique.

Ceux qui suivront ces règles avec soin se garderont facilement des idées trompeuses.

» Leibniz. L'évidence est un critère de vérité insuffisant, parce que subjectif.

Il repose sur une inspection de l'esprit (la conscience que nous avons de penser à quelque chose).

Il manque donc à la règle cartésienne des idées claires et distinctes un critère objectif, qui nous permette de savoir à quoi reconnaître le clair et le distinct, autrement que par l'attentionque nous y portons. L'évidence peut être trompeuse.

Où trouver alors les critères objectifs du clair et du distinct, et donc de la certitude ? Dans les règles de la logique, c'est-à-dire dans le respect de la forme logique du raisonnement, dont la non-contradiction est la principe le plus universel.

Le syllogisme des Anciens en fournit l'exemple.

Les mathématiques aussi, maisLeibniz retient d'elles moins, comme Descartes , la clarté des intuitions que la rigueur du formalisme. Le calcul, manipulation réglée de signes, telle que la conclusion est nécessaire et immanquable, devient la règle suprême de la vérité : règle machinale, mais par conséquent plus sûre et plus objective que l'appel à l'évidence. On peut qualifier la conception cartésienne d'intuitionnisme et lui opposer le formalisme de Leibniz . Conclusion: Toutefois, et aussi loin que l'on pousse ce travail de réduction des éléments par application du principe d'identité, n'est-il pas inévitable de parvenir à un terme pour lequel on jugera que l'évidence intrinsèque du rapport ou du défini est, en fin de compte, et au moins pour nous, plus claire que la démonstration que l'on pourrait en tenter ? Et quel que soit par ailleursle degré de formalisation des règles, ne faut-il pas toujours juger qu'elles sont correctement appliquées ? Ainsi force nous est de constater que le débat entre intuitionnisme et formalisme ne saurait se clore au bénéfice unique de l'un des deux termes, ce qui est probablement le signe qu'ilsconstituent non pas deux éléments strictement antithétiques, mais plutôt deux pôles irréductibles de la connaissance humaine.

Ce que Descartes affirme, contre les critiques du formalisme, « tout critérium qu'on voudra substituer à l'évidence ramènera à l'évidence » CITATIONS: « L'évidence est le caractère (ou signe ou critérium) d'une vérité clairement et distinctement conçue qui s'impose à l'esprit.

» Lagneau, Célèbres Leçons et Fragments, 1950 (posth.) « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence.

» Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique, 1934. Préjugé : « Ce qui est jugé d'avance, c'est-à-dire avant qu'on se soit instruit.

Le préjugé fait qu'on s'instruit mal.

» Alain, Définitions, 1953 (posth.) « Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs [...], il est presque impossible quenos jugements soient si purs ni si solides qu'ils auraient été si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance.

» Descartes, Discours de la méthode, 1637. « Qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a une idée vraie, et ne peut douter de la vérité de la chose.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « Nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement.

» Descartes, Principes de la philosophie, 1644.

« Descartes n'ayant point mis d'enseigne à l'hôtel de l'évidence, chacun se croit en droit d'y loger son opinion.

» Helvétius, De l'Esprit, 1758.. »

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