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Fresnel et la lumière

Publié le 22/02/2012

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"Les physiciens sont depuis longtemps partagés sur la nature de la lumière. Les uns supposent qu'elle est lancée par les corps lumineux, et les autres qu'elle résulte des vibrations d'un fluide élastique infiniment subtil répandu dans l'espace, comme le son résulte des vibrations de l'air. Le système des ondulations, qui est dû au génie de Descartes, et que Huyghens a plus habilement suivi dans ses conséquences, a été aussi adopté par Euler, et, dans ces derniers temps, par le célèbre docteur Thomas Young, auquel l'optique doit beaucoup de découvertes importantes. Le système de l'émission, ou celui de Newton, soutenu par le grand nom de son auteur, et je dirais presque par cette réputation d'infaillibilité que son immortel ouvrage des Principes lui avait acquise, a été plus généralement adopté... Mais les phénomènes nouveaux, comparés aux faits antérieurement connus, augmentent tous les jours les probabilités en faveur du système des ondulations." Ainsi débute le traité De la Lumière, où Fresnel, en 1832, résume son Oeuvre et décrit la marche de ses idées. Il venait d'établir en sept ans, sur une base expérimentale solide, le système des ondulations. Les phénomènes de l'optique avaient retenu pendant les deux siècles précédents de nombreux esprits avides de les mieux connaître et de les expliquer. Raisonnant par analogie ils ne concevaient pas que le rayonnement d'une source de lumière put être autre chose qu'un jet de projectiles ou la propagation par ondes élastiques d'un mouvement vibratoire de la source. On donnait figure ancienne à des phénomènes nouveaux. Il s'agissait d'en avoir une image et de raisonner sur l'image choisie, mais des observations incomplètes et des expériences encore grossières n'autorisaient pas le choix. Le sens expérimental de Fresnel et sa féconde activité mirent fin à la vaine querelle.

« c'est une meilleure approximation.

Elle relie aux phénomènes de l'optique les actions électriques qui paraissaientd'une autre classe ; la théorie mécanique ne se rattachait à rien, sauf peut-être à l'acoustique par analogiepurement formelle entre la lumière et le son. L'élégance du système ondulatoire et ses succès avaient retenu l'attention des opticiens français épris de logique etqui travaillaient en profondeur sans trop regarder autour d'eux.

Ils croyaient définitivement réglée la querelle entreles partisans de l'émission et ceux des ondulations à la suite des mesures célèbres de Foucault, vers 1850, sur lavitesse de propagation de la lumière dans les différents milieux. Si la source de lumière émet des corpuscules qui viennent frapper obliquement la surface d'un corps réfringent,l'action mécanique de la matière sur les corpuscules en mouvement est, par symétrie, normale à la surface ; il enrésulte que seule va varier la composante normale de la vitesse des corpuscules.

On montre très facilement que,dans ce cas, l'indice de réfraction est proportionnel à la vitesse de la lumière dans le milieu réfringent.

Or, dansl'hypothèse ondulatoire, la construction de Huyghens, restée célèbre depuis le XVIIe siècle, conduit à la conclusioncontraire ; la vitesse de la lumière serait inversement proportionnelle à l'indice de réfraction.

Aussi, lorsque Foucaulteut vérifié que la vitesse de la lumière est d'autant plus petite que l'indice est plus grand, chacun crut y voir uneexpérience cruciale et la théorie corpusculaire fut définitivement abandonnée.

En fait, on avait seulement montréque les corpuscules n'obéissent pas à la mécanique de Newton. Il est d'ailleurs assez piquant de constater que, deux siècles auparavant, Descartes, à qui nous devons le systèmedes ondulations, trouvait un indice proportionnel à la vitesse tandis que Fermat, se basant sur le principe d'alluremétaphysique que "la Nature suit toujours les voies les plus courtes", arrivait au résultat inverse, celui que nousfournit la construction de Huyghens.

Tant il est vrai que tout raisonnement est incertain s'il n'est pas directementbasé sur l'expérience. Ce sont en effet des observations imprévues qui, à partir de 1905, nous ramenèrent à la théorie corpusculaire qu'oncroyait définitivement abandonnée.

En éclairant une surface métallique on peut en extraire des électrons ; mais,pour expulser un électron, le rayonnement a dépensé de l'énergie, et l'énergie ainsi absorbée par l'électronreprésente le travail d'extraction augmenté de son énergie cinétique.

Or, dans l'effet et photoélectronique, ontrouve que cette somme est proportionnelle à la fréquence des ondes incidentes ; elle est indépendante del'intensité du rayonnement.

La vitesse acquise par les électrons reste la même quelle que soit la distance de lasurface éclairée à la source lumineuse.

Un tel résultat serait incompréhensible si l'énergie rayonnée étaituniformément répartie sur la surface d'onde.

Imaginons que l'énergie s'étale sur une aire de plus en plus grande ;chaque atome aurait de moins en moins d'énergie à sa disposition et l'on observerait, par exemple, une diminution dela vitesse des électrons expulsés.

Or, c'est toujours le même phénomène qu'on observe, produit par les mêmesgrains d'énergie ; seule diminue sa probabilité.

Ainsi se manifestent aujourd'hui des corpuscules de la lumière lesphotons qui ne sont pas le fruit d'une hypothèse imaginaire, mais traduisent d'importants phénomènes difficiles àinterpréter autrement. Tel est le cours sinueux des progrès de la science.

Hésitations entre plusieurs théories parmi lesquelles le choix estdifficile parce que la technique expérimentale n'est pas prête, ni peut-être l'outil mathématique, ni le physiciengénial riche d'imagination et d'initiatives.

Des philosophes se battent vainement en faveur de l'une ou de l'autrehypothèse.

Cependant l'idée théorique n'est pas sans valeur, car elle va susciter des expériences qui la révélerontvraie ou fausse.

Fresnel n'a pas poursuivi ses recherches au hasard des inspirations du moment ; il voulait vérifierl'hypothèse ondulatoire et il a parfaitement réussi.

Cent ans plus tard des observations très différentes, soumiseselles aussi à des recherches systématiques, ont pourtant ressuscité la théorie corpusculaire. Que faut-il conclure ? La lumière se propage par ondes, mais dans l'émission et l'absorption du rayonnement ce sontdes grains d'énergie insécables qui agissent sur la matière.

Il apparaît nécessaire d'accorder deux hypothèses qu'onjugeait contradictoires : ondes et corpuscules interviennent les uns et les autres.

Est-il permis d'attribuer aux unsplus de réalité qu'aux autres ? La question n'a pas de sens.

Grâce aux théories ondulatoires, nous savons commentse propage la lumière ; la notion de photon rend compte de ses actions sur la matière et l'intensité de la lumière nemesure que notre chance plus ou moins grande de rencontrer des photons.

Les ondes lumineuses prennent dès lorsun aspect nouveau ; il ne s'agit pas d'en découvrir la nature, mais de les définir telles qu'elles se présentent à nous,et c'est peut-être le physicien Jeans qui, sous une forme humoristique, en a donné la meilleure image en écrivantqu'elles ressemblent beaucoup plus aux vagues de suicides qui s'abattent sur un pays malheureux qu'à la houle quisoulève et creuse l'Océan. Si nous faisons un retour en arrière, nous constatons avec surprise que déjà Newton associait ondes etcorpuscules.

C'était un esprit trop pénétrant pour n'avoir pas aperçu une périodicité dans les beaux anneaux colorésqui portent son nom et dont il poussa très loin l'analyse.

Il envisageait dans tout l'espace un éther, plus dense dansl'espace libre que dans les corps solides transparents, et c'est dans cet éther subtil que, d'après lui, se meuvent lescorpuscules de lumière avec une vitesse d'autant plus grande que l'éther est plus raréfié.

Un de ces corpusculesvient-il à rencontrer la surface d'un corps solide, il met l'éther en vibrations et produit des "ronds" comme une pierrelancée à la surface de l'eau.

Ces vibrations contractent et dilatent alternativement la couche superficielle qui,lorsqu'elle est dense, arrête les corpuscules successifs et les renvoie dans l'espace libre et, lorsqu'elle est raréfiéepar dilatation, les laisse passer dans le corps solide.

C'est la célèbre théorie des "accès" de Newton ; mais il n'y a làqu'un curieux et pénible effort pour conserver à tout prix les corpuscules ; un siècle plus tard Fresnel pouvaitexpliquer les anneaux de Newton sans les faire intervenir.. »

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