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« Je suis moi-même la matière de mon livre », a dit Montaigne. Quelle idée vous faites-vous de la personnalité de l'auteur des « Essais », non seulement d'après ses confidences directes, mais encore d'après la composition de son oeuvre et la qualité originale de son style ?

Publié le 26/06/2009

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montaigne
INTRODUCTION « Les Essais, écrivait Gustave Lanson, c'est Montaigne », et de fait peu d'oeuvres littéraires nous entretiennent aussi complaisamment de leur auteur. Il ne nous laisse autant dire rien ignorer de son aspect physique, de ses habitudes de vie, de son caractère. D'ailleurs, même s'il s'était montré avare de confidences sur lui-même, la manière dont il a composé son ouvrage et la qualité originale de son style suffiraient presque à nous renseigner sur ce qu'il est. Sa personnalité vigoureuse est partout présente dans ses écrits. I. MONTAIGNE PEINT PAR LUI-MÊME Le portrait qu'il nous a légué de lui-même est aussi complet qu'on pourrait le souhaiter. Il nous décrit par le menu son aspect physique : sa taille, qui est petite, son visage qui est «non pas gros mais plein », et même le timbre de sa voix. Parce qu'il a jugé bon de nous le dire, nous savons même qu'il était velu de la poitrine et des jambes et qu'il portait d'épaisses moustaches. Il nous renseigne sur son tempérament et sur son état de santé : il est vigoureux et résistant, capable d'accomplir sans fatigue de longues traites à cheval mais sujet au mal de mer. Il jouit d'une bonne denture et à cinquante-quatre ans est encore capable de lire sans utiliser de lunettes. Mais il souffre de la gravelle. Il nous renseigne sur l'heure de son lever et l'heure de son coucher, sur l'intérêt qu'il prend aux plaisirs de la table et sur ses mauvaises digestions ; nous connaissons même ses plats préférés et l'habitude qu'il prit avec l'âge de boire du vin.
montaigne

« III.

MONTAIGNE RÉVÉLÉ PAR SON STYLE L'étude du style complète, en les nuançant, les indications que nous a données sur la personnalité de l'auteur lacomposition de son oeuvre.

La nonchalance de l'homme s'y révèle dans le dessin sinueux de la phrase.

Montaignerépugne à découvrir de prime abord par un effort brutal l'expression définitive.

Tandis que Pascal appréhende l'idéed'une étreinte directe, Montaigne tourne autour d'elle, à intervalles de plus en plus rapprochés.

Pour parvenir à uneformule courte et dense, il lui faut toujours bien des travaux d'approche qu'il pousse sans hâte.

Et ces formules sontaussi révélatrices de son tempérament.

Tantôt elles manifestent par leur caractère tranchant le sursaut d'un hommeépris de son indépendance et qui entend la sauvegarder : « Nous n'avons pas fait marché, en nous mariant, de noustenir continuellement attachés l'un à l'autre.

» Tantôt elles traduisent l'agacement de l'homme qu'exaspèrent lesmenus soucis quotidiens du ménage : « Ces ordinaires gouttières me mangent et m'ulcèrent.

» Tantôt enfin ellesprononcent avec véhémence une condamnation sans appel : « Fâcheuse suffisance qu'une suffisance pure livresque! ».

Mais le plus souvent son style, plus détendu, garde un ton de bonne compagnie, réjoui et familier dans lestournures comme dans les mots.

C'est le parler « simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche » d'un être sociablequi se plaît à goûter les plaisirs d'une conversation vive et pittoresque au milieu d'un groupe d'amis : « Si nous nejouissons que de ce que nous touchons, adieu nos écus quand ils sont en nos coffres, et nos enfants s'ils sont à lachasse.

» Souvent même cette familiarité aimable s'exprime dans le choix des images en même temps que des mots« On ne cesse, dit-il, de criailler à nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir ».

Mais la phrase peut aussis'emplir de pathétique.

Montaigne, qui a été obsédé depuis l'enfance par « les imaginations de la mort », exprime enune longue période haletante cette sensation de « plongée » brutale qu'évoque sa sensibilité révoltée et l'horreurphysique de son anéantissement : « Je me plonge, la tête baissée, stupidement dans la mort, sans la considérer etreconnaître, comme dans une profondeur muette et obscure qui m'engloutit d'un saut et m'étouffe en un instantd'un puissant sommeil plein...

d'indolence.

» doit normalement se retrouver au premier plan dans les passagesconsacrés à l'« Institution des Enfants ».

Telle semble bien être l'opinion de M.

P.

Moreau, qui résume ainsi lapédagogie de Montaigne : « La vraie éducation doit être la conquête de la vraie liberté ».

A travers l'enfant, c'estun homme libre que Montaigne veut former, et sur bien des points, l'éducation selon Montaigne conduit à uneconquête de la vraie liberté ».

Mais on peut se demander aussi dans quelle mesure la liberté telle que l'entendMontaigne est bien la vraie liberté, et si son système d'éducation est viable et universel. CONCLUSION Montaigne est donc bien, comme il l'a déclaré, « la matière de son livre ».

Ce journal de sa vie qu'il a tenu pendantvingt années nous livre à peu près tout de lui-même.

Ce qu'il ne dit pas explicitement, il nous le laisse deviner : sesréticences légères sont aussi révélatrices que la complaisance de ses aveux.

Si la composition et le style des Essaisnous aident encore à nuancer le portrait de l'homme, c'est qu'il l'a voulu ainsi.

Il a eu le souci de se montrer tel qu'ilétait non seulement dans les choses qu'il dit mais encore dans la manière de les dire.

Cette sincérité a pu êtrediversement appréciée.

Condamnée par Pascal comme « un sot projet », elle a reçu l'approbation enthousiaste deVoltaire.

Quoi qu'il en soit, comme le dit René Pintard, son oeuvre marque « dans l'histoire de l'analyse psychologiqueet morale en France mieux qu'une étape importante : un véritable point de départ.. »

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