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Jean Auguste Dominique Ingres

Publié le 26/02/2010

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auguste

Né à Montauban, Jean Auguste Dominique Ingres forma et développa ses talents de dessinateur et de musicien auprès de son père, un sculpteur et portraitiste de renom. Son instruction au collège fut interrompue par le déclenchement de la Révolution et toute sa vie, Ingres déplorera d'avoir été injustement privé de cet enseignement et tentera de combler lui-même ses lacunes. En 1791, son père l'envoya étudier à l'Académie de Toulouse et durant trois ans, Ingres gagna sa vie en jouant du violon dans l'orchestre du Capitole. La musique, sa seconde passion, sera toujours son "violon d'Ingres". En 1797, il devint à Paris l'élève de David, maître renommé de la peinture néoclassique, puis intégra l'École des Beaux-Arts et remporta en 1801 le prestigieux Prix de Rome. Ne pouvant le doter du montant de la bourse en raison des difficultés financières et politiques, le trésor français lui fournit un atelier et une modeste pension jusqu'en 1806 où il put enfin partir pour l'Italie. A Rome, pensionnaire enthousiaste de la Villa Médicis, Ingres passa quatre années enrichissantes et décisives sur son style, réalisant une production importante dont la merveilleuse Baigneuse de Valpinçon illustre l'aisance acquise au contact de la peinture italienne. Ingres décida de rester à Rome au terme de son pensionnat, où la présence des fonctionnaires de l'administration impériale de la cité passée sous protection française lui assura des commandes jusqu'à la chute de l'empire en 1815. Il continuait d'envoyer ses travaux à Paris mais ses toiles exposées au Salon de 1819 furent sévèrement critiquées. Découragé, Ingres s'installa à Florence où il exécuta une importante commande du gouvernement français, le Voeu de Louis XIII. Il accompagna sa toile à Paris en 1824. Le tableau reçut un accueil triomphal et Ingres, comblé d'honneurs, entama une prestigieuse carrière officielle. Élu membre de l'Académie des Beaux-Arts, il en deviendra plus tard président. Il sera également nommé directeur de l'Académie Française de Rome, puis sénateur en 1862. Il mourut en 1869 en léguant à sa ville natale de Montauban les nombreuses toiles contenues dans son atelier.

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« Songe d'Ossian, un hommage au pseudo rival nordique d'Homère ; pire, un clair de lune ! Son Olympe lui-mêmedevient suspect.

Ingres n'hésite pas à l'occasion à étirer et à gonfler le cou de sa Thétis, contre tout canon officiel,à ajouter quelques vertèbres à l'Odalisque pour obtenir un effet plus exquis de la forme, à enfreindre l'anatomie,cette loi sacro-sainte des davidiens, qu'il ne craindra pas de qualifier plus tard, devant ses élèves, "cette scienceaffreuse, cette horrible chose, à laquelle je ne peux pas penser sans dégoût !" A Paris, dans le parti classique, on s'émeut de ces fugues ; le sculpteur Préault, dont les mots étaient mordants,ricane : "Ingres ? un Chinois égaré dans Athènes".

Ingres ne vient pas de si loin, mais il ne dédaigne pourtant pasl'Orient et les turqueries ; il étudie à l'occasion, le crayon en main, les miniatures de la Perse et de l'Inde ; il aimepénétrer dans la tiédeur des harems, y surprendre les odalisques alanguies ou les nudités grouillantes du Bain turcauquel il travailla sa vie durant ; son oeil s'amuse aux polytonies exotiques des coussins, des étoffes, aucontournement des narghilés ; il jette volontiers un châle en cachemire sur les grasses épaules de ses modèlesféminins. Le moyen âge ! L'Orient ! Quand, en 1824, il enverra au Salon son Voeu de Louis XIII, les romantiques pourront-ilsfaire autre chose qu'applaudir bruyamment, que pressentir dans l'artiste resté en Italie depuis près de vingt ans lechef dont ils pourraient se réclamer ? Théophile Gautier qui, dans le romantisme littéraire, occupe une position quin'est pas sans analogie avec Ingres par son goût pré-parnassien du Beau, n'écrit-il pas : "Ingres, quoiqu'il puissesembler classique à l'observateur superficiel, ne l'est nullement.

Il remonte directement aux sources primitives, à lanature, à l'antiquité grecque, à l'art du XVIe siècle.

Nul n'est plus fidèle que lui à la couleur locale.

Quel que soit lesujet qu'il traite, Ingres apporte une exactitude rigoureuse, une fidélité extrême de couleur et de forme et n'accorderien au poncif académique.

En ce sens, il est romantique." Appelé par le succès, Ingres rentre à Paris, pour y recevoir la Légion d'honneur et entrer à l'Institut ; le roi luicommande l'Apothéose d'Homére, plafond qu'il exécute pour le Louvre en 1827, puis le Martyre de saint Symphorien,qu'il travaille avec acharnement, dont il veut faire le chef-d'oeuvre de sa vie.

Hélas ! au Salon de 1834, c'est uninsuccès brutal, patent.

Ses audaces, ses innovations affolent depuis plusieurs années les académiques, mais lesromantiques, déçus, s'éloignent.

L'admirateur de Raphaël, l'apologiste d'Homère n'est décidément pas leur homme.

Ily a méprise.

Devant l'échec, la ligne d'action d'Ingres se précise ; aigri, il repart pour l'Italie, dès la fin de cettemême année 1839, nommé directeur de l'École de Rome.

Une cour de jeunes va bien l'entourer : ce ne seront pasles romantiques, mais les jeunes "romains" sortis du giron de l'École.

Lui-même, les audaces de la jeunesse dissipées,il se sent fait pour prendre la tête d'un classicisme révisé, régénéré, placé sous l'égide de Raphaël. Avant tout il est bourgeois, il est le peintre de la bourgeoisie : il porte en lui et il satisfera ce à quoi elle aspire : leculte de la réalité, mais exhaussée vers une vision "idéale" par une discipline stricte et l'observation de règleséprouvées, fidèles à la tradition, et puis aussi le piment d'une secrète sensualité.

La solidité du réel, l'élévation desprincipes, l'ordre et une volupté quelque peu clandestine, c'est le programme même de la société du XIXe siècle. Allons-nous trouver ici la clef de sa nature ? Comme tant d'hommes illustres du XIXe siècle (je pense à Stendhal, àMérimée...), Ingres continue, pendant l'apogée de la bourgeoisie, son essor du XVIIIe siècle.

Il lui faut bien s'insérerdans les cadres classiques et rigoureux qu'elle a adoptés depuis la Révolution, depuis qu'elle détient le pouvoir, maisil est bien plus proche de son jaillissement initial plus dru, plus généreux.

Et il essaie d'y réintroduire tout ce qu'elle arejeté, en se resserrant et en se guindant.

Il y a en lui du Diderot embrigadé sous Louis-Philippe : il estpersonnellement bouillant et mobile comme Diderot, il a ses convictions tonitruantes, l'effervescence de sa sincéritéet ce paradoxal mélange de sensualisme poussé jusqu'à la sensualité et "d'intentions vertueuses" ; comme lui ilidentifie l'art et la morale ; il a toujours à la bouche les mots d'honnêteté, de probité ("Le dessin, c'est la probité del'art" ; "Le dessin est la première des vertus" ; "L'art anticlassique...

n'est qu'un art de paresseux", etc.).

Il estvoltairien, fils du "siècle des lumières", et, j'y reviens, il s'explique tout entier par son trait dominant, le sensualisme :le XVIIIe siècle, dans sa philosophie comme dans son art, a eu le culte de la sensation et son esthétique ne dépasseguère les jouissances que l'on peut en tirer quand on la raffine, quand on l'aiguise, quand on la pousse jusqu'à lavolupté.

Et Ingres ? ou il est réaliste, prodigieux enregistreur et traducteur de sensations, dans ses portraits ; ou,hédoniste, il caresse cette vérité, il essaie en l'assouplissant, en l'harmonisant, d'en tirer toute la jouissance qu'ellepeut apporter à l'oeil, à la sensibilité et à la pensée. Veut-on des aveux ? alors que David, en son atelier, laisse cribler de boulettes par ses élèves l'Embarquement pourCythère, Ingres, un jour, explose parce qu'un convive s'est permis de parler irrespectueusement de Watteau.

C'estque David est un homme de devoir, il tire son plaisir du devoir ; Ingres est, tout au fond, un homme de plaisir mais,rassurons-nous, un plaisir réalisé dans les bornes du devoir.

Pousserons-nous le paradoxe ? L'héroïsme, le cultefarouche de l'énergie, du sacrifice, l'austérité, la tension, tout ce qui a enivré le peintre de la Convention et del'Empereur, tout cela est passé chez Gros, chez Guérin, de là chez Géricault, et aboutit à l'esprit dramatique, épiquede Delacroix, qui le transfigure en le faisant éclater, libéré, dans la passion.

Là où David voulait la gravité virile etforte, par réaction contre l'esprit de la ci devant Société, Ingres renoue sa tradition, ne garde de David que satechnique, la prépondérance accordée à la ligne sur la pâte, mais cherche à nouveau la grâce, les délices de laforme, la féminité, la lascivité des odalisques et du harem.

Le petit filet de XVIIIe siècle qui murmurait encore dansle Portrait de Madame Récamier, auquel il a d'ailleurs collaboré, reprend son cours libéré : son idéal féminin à la foisgracieux, placide et sensuel, son parfum charnel sous l'austérité glacée des vernis, ses mièvreries parfois, son goûtdes belles étoffes, éclatantes et miroitantes, n'est-ce pas à tout cela que Baudelaire, qui se sentait parfois unecertaine affinité avec un aspect d'Ingres, aurait dû dédier sa devise : "Ordre et beauté, luxe, calme et volupté" ?. »

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