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Jean Goujon

Publié le 26/02/2010

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Symbole de la Renaissance française, Jean Goujon reste énigmatique, malgré de nombreux travaux, dont le dernier, celui de P. du Colombier, a su, entre autres mérites, détruire des légendes et des attributions. Nous ne savons ni la date ni le lieu de sa naissance, mais nous voyons bien qu'il sort du peuple ; il est plus près d'un Bernard Palissy, qui a souffert de son "abjecte condition", que de Pierre Lescot, noble et riche, dont il sera le subordonné ; il est d'abord un bon artisan ; il possède une solide formation technique, et l'assurance intelligente de son ciseau, sa vigueur ou sa douceur le mettent hors de pair. Il est étranger au style de la première Renaissance française, à une sculpture italianisante, décorative, ciselée, plaquée sur une architecture traditionnelle ; par contre il subit l'influence des Italiens venus à Fontainebleau après 1530, mais dans la mesure où, par leur truchement, il retrouve l'Antiquité, et son art s'oppose à leurs sculptures compliquées et opulentes, qui font grand effet, mais qui sont un jeu, une improvisation. Il appartient à un autre groupe, celui des Français, tel Ronsard, qui, autour de 1550, prétendent sans l'aide étrangère retrouver les secrets de l'Antiquité pour les offrir à la nation, à force de science et de méthode, et sans que la raison exclue la passion.

« l'aile nouvelle : les modalités de sa collaboration avec l'architecte Lescot seront discutées longtemps encore, maisdans la grande entreprise royale, dans "le plus bel édifice de France", "jamais, écrit F.

Gébelin, ne fut réalisée unionplus intime et plus intelligente" des deux arts.

D'autre part, si les sculptures du Maître se distinguent par leurperfection, les autres témoignent d'une technique impeccable.

L'équipe qu'il dirige interprète son idéal sansdéfaillance.

Le style nouveau s'impose et surtout au Louvre.

La décoration mêle aux éléments antiques si biencompris qu'ils redeviennent vivants des motifs réalistes, guirlandes et trophées, bêtes, fleurs et fruits.

Partout de lafantaisie, mais aussi de l'ordre, de l'intelligence.

Des visages souriants, des masques énergiques, des enfantsespiègles et cambrés, des figures assises, courbées, tourmentées, qui annoncent le baroque, montrent combien sonart s'épanouit et devient divers.

Il aime sculpter avec énergie de grandes allégories féminines.

Animées d'une vieintense, courant à grandes foulées, volant les ailes déployées, les gestes décidés, le visage exalté, volontaires ethéroïques, ces figures sont la Gloire du Roi , l'Histoire , la Guerre , la Paix , des Renommées , et la plus belle est celle que Lescot, selon Ronsard, montra au Roi, disant qu'elle a été "faict exprès pour figurer la force de mes vers ! Quicomme vent portoit ton nom à l'univers".

Plus saisissantes encore les Caryatides de la salle du Louvre.

Goujon n'a jamais été aussi proche de la Grèce, car il s'inspire indirectement, d'une façon ou d'une autre, de l'Erechtéion, mais ildonne une fois de plus une note de raffinement aux formes antiques et surtout il leur insuffle un esprit nouveau.Impassibles, regardant à l'autre bout de la salle l'estrade sacrée où paraît le Roi dans sa majesté, elles montent lagarde et elles adorent, et on dirait aussi, tant elles sont immobiles, si grands ouverts sont leurs yeux, si fixe leurregard, qu'elles contemplent l'infini, l'éternel.

Ces figures augustes aident à comprendre la position religieuse de Goujon mieux que ses oeuvres religieuses.

Commetant d'autres artistes, il a été du côté de la Réforme ; en 1562, lors des troubles, il est congédié de l'atelier duLouvre et il ira mourir à Bologne.

Partout il a cherché à retrouver les sources pures.

Évangélique, avide du livresaint, théoricien, artiste, admirateur de l'art antique, modèle et principe de vie, il a concilié comme Palissy la foi etl'art.

A propos de l'art et de son habileté, il parle lui-même de "la cognoissance que Dieu m'en a faite", il en attribueà Dieu le mérite.

On a parlé de son paganisme, mais à tort.

L'École de Fontainebleau est païenne avec ostentationlorsqu'elle narre les fables des dieux et se complaît en visions voluptueuses.

Au contraire, les Saisons de l'hôtel de ville, le Mercure ou l' Euclide du Louvre, les allégories féminines de Goujon célèbrent l'intelligence et l'ingéniosité de l'être humain ou ses instincts élémentaires ou encore les forces de la nature.

Ces thèmes, s'il ne les a pas toujoursinventés, il les a faits siens.

Pour célébrer les dons du créateur, rien n'est trop bon, ni le travail, ni la beauté, mêmesi elle vient d'un passé païen.

Il y a plus.

La grâce chaste, la fierté noble, l'exaltation et la sérénité de Goujon sont àl'image d'un siècle qui, pour reprendre la définition de L.

Febvre, "sur toutes choses cherchait d'abord un reflet dudivin".

Placé au coeur de la Renaissance, Goujon a été toujours admiré, sinon compris, et souvent imité, mais parfragments.

Son style domine l'art français du milieu du siècle.

Il marque la célèbre Diane d'Anet, il se reflète dansdes peintures comme l' Allégorie de la Paix à Aix-en-Provence, il se propage grâce à des gravures comme celles d'un Delaune.

Son influence se prolonge dans le Louvre du XVII e siècle.

Sa grâce séduit le XVIII e et Pajou le pastiche.

Sa force est vénérée par les néo-classiques ; ses Renommées inspirent Cartellier, mais elles expliquent aussi la Marseillaise déchaînée de Rude, tandis que ses Nymphes douces et calmes ont pour filles lointaines les Bacchantes enivrées de La Danse de Carpeaux.

P.

du Colombier a pu écrire : "Avant lui, rien ne pouvait faire prévoir son apparition.

Dès qu'il eut paru, les artistes de son pays se reconnurent en lui comme en un miroir.". »

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