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Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, Lettre VIII, Éd. Pléiade.

Publié le 22/02/2012

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rousseau

Il n'y a point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois : dans l'état même de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle, qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs, et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois ; et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les Républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois. Ils en sont les ministres, non les arbitres ; ils doivent les garder, non les enfreindre. Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, Lettre VIII, Éd. Pléiade.    Questions :    1° Dégagez l'idée principale de ce texte.    2° Qu'est-ce qu'un peuple libre ? Quelles sont pour Rousseau les garanties de sa liberté ?    3° Quel est le rôle des lois dans la République ainsi décrite ?    4° Les magistrats sont-ils pour vous les simples instruments de la volonté du peuple ?      Première question :    L'idée principale du texte est que les lois sont non seulement la meilleure garantie de la liberté, mais encore se expression la plus achevée. Dans la mesure où l'idée centrale du texte est ici relativement aisée à dégager, on prendra bien soin de ne pas tomber dans une pure et simple paraphrase des propos de Rousseau. Une connaissance, même succincte, des thèses rousseauistes serait en l'occurrence la bienvenue. Elle fournirait la possibilité de préciser certains points importants du texte. C'est ainsi qu'il conviendrait par exemple de définir ce que Rousseau entend par «  état de nature « et «  loi naturelle «. Cet effort de précision paraît selon nous s'imposer avec d'autant plus de force que les autres questions proposées aux candidates et aux candidats ne font pas allusion à ce point pourtant capital. On voit donc que seule une étude minutieuse du texte peut permettre d'exposer de façon suffisamment dense et précise l'idée générale qu'il contient.     

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« ranger, apparaît dès le début : « Il n'y a point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois ».

Quesignifie cette phrase ? Que les lois constituent en quelque sorte la condition de possibilité de l'existence d'uneauthentique liberté.

Voyons cela d'un peu plus près.

Pour Rousseau les lois garantissent la liberté.

On peut mêmedire qu'en un sens elles la définissent.

Si l'on supprime les lois, la liberté cesse du même coup d'exister ; elle n'a plusalors aucune consistance.

Il en va exactement de même si quelqu'un est au-dessus des lois.

Rousseau pense quec'est la loi qui doit commander à l'homme.

C'est précisément dans cette obéissance à la loi que l'homme trouve laliberté.

Même « dans l'état de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle, qui commande à tous ».Arrêtons-nous un moment sur cette phrase.

Plusieurs termes ou expressions attirent ici notre attention.

En effet, ilsemble que Rousseau distingue deux types de lois et peut-être même par conséquent deux types de libertés.

D'uncôté il y aurait une loi naturelle, et la liberté qui lui correspondrait, de l'autre une loi propre à la vie en société deshommes, à laquelle correspondrait également une liberté bien déterminée.

Mais qu'est-ce donc au juste que « l'étatde nature » dont parle notre texte ? Il se pourrait qu'en répondant à cette question, la signification globale du textenous apparaisse plus nettement.

Du même coup, les concepts de loi et de liberté que nous avons jusqu'à présentemployés sans vraiment chercher à en préciser le sens ont de bonnes chances de s'éclairer. Rousseau opère une distinction entre les hommes qui vivent au sein de la nature, ou plus précisément dans l'état denature, et ceux qui vivent « dans les Républiques » et entourés de « magistrats », autrement dit ceux qui vivent ausein de la société.

Tâchons de voir plus précisément ce que recouvre cette distinction.

La première remarque quenous pouvons faire, c'est de constater que Rousseau reprend, en lui donnant toutefois une coloration particulièrequi correspond à sa propre pensée, une distinction qui lui est antérieure.

C'est en effet au XVIIe siècle que ladistinction entre l'état de nature et l'état de société ou l'état civil voit le jour de façon très explicite et fait l'objetde nombreuses études.

Parmi ces dernières, nous choisirons d'examiner, afin de ne pas nous disperser, celles dedeux philosophes contemporains de Descartes : Hobbes et Spinoza. Thomas Hobbes (1588-1679) distingue donc deux états : l'état de nature et l'état civil.

Il précise dans deuxouvrages (le de Cive [du Citoyen] et le Léviathan) que l'état de nature est cet état où fait rage « la guerre de touscontre tous ».

A ce stade, il n'existe aucune loi, aucune justice.

Le plus fort triomphe du plus faible.

Comme il n'y aaucune règle instituée, les mots « bien » ou « mal » n'ont aucun sens.

Pourtant, d'une certaine façon, il existe undroit à l'état de nature.

« Le droit de la nature, communément appelé par les auteurs jus naturale [droit naturel],est la liberté qu'a chaque homme d'user de sa propre puissance, comme il l'entend, pour la préservation de sa proprenature, c'est-à-dire de sa propre vie » (Hobbes, Léviathan, I, 14).

Nous voyons donc que l'on peut parler d'un droitnaturel, ou d'une liberté naturelle, mais non pas bien sûr au sens où le droit et la liberté seraient situés dans lecontexte de la société.

Dans la mesure où dans l'état de nature la vie des hommes est sans cesse en danger, ceux-ci vont avoir tout intérêt, afin de préserver leur existence, à rechercher la paix et la sécurité.

Ils vont doncinstaurer des règles, et créer un État.

Chaque homme va transférer, par un pacte ou contrat, sont droit naturel à «ce grand Léviathan...

ou État » (id., ibid., Introduction).

Autrement dit, chaque homme se dessaisit de son droitnaturel et consent à un sacrifice de sa propre puissance afin de pouvoir vivre en paix.

Chez Hobbes, chacun sedessaisit de son droit naturel en faveur d'un tiers (l'État) qui bénéficie d'un pouvoir absolu. Spinoza (1632-1677) s'oppose à Hobbes sur deux points qui sont d'ailleurs liés entre eux.

Premièrement il nous ditlui-même que ce qui le sépare de Hobbes, c'est qu'il maintient « toujours le droit naturel ».

Il y a donc chez Spinozaune continuation de l'état de nature dans l'état civil.

De plus, la sécurité, à la différence de Hobbes, présupposepour lui la liberté. La paix que procure l'état civil n'est plus la simple absence de guerre, elle résulte de la force d'âme d' « unepopulation libre ».

A l'état de nature, il n'y a aucune règle instituée par l'homme.

Cependant c'est bien quand mêmeen vertu de certaines règles que les gros poissons, dit Spinoza, mangent les petits.

Mais il s'agit du droit naturel quise caractérise par l'effort de l'individu pour persévérer dans son être.

C'est précisément parce que les hommess'efforcent de se conserver en vie qu'ils vont, pour échapper aux inconvénients et aux dangers de l'état de nature,instituer des règles de vie commune et s'y soumettre afin de pouvoir, dans l'état de société, développer librementles possibilités qu'ils ont reçues de la nature.

Chez Spinoza le droit naturel ne disparaît donc en un sens (celui desrègles de l'État) que pour mieux reparaître en un autre sens (dans la mesure où il y a continuation de l'état denature dans l'état civil, le droit naturel, bénéficiant du climat de paix et de liberté qu'a procuré le passage à l'étatcivil, va pouvoir s'exprimer librement).

C'est l'État démocratique qui a les préférences de Spinoza.

Qu'est-ce qu'unedémocratie ? C'est, répond Spinoza, une forme de gouvernement dans laquelle « tout le pouvoir de décréterappartient à tous collectivement » (Traité théologico-politique, XX, p.

329).

L'État démocratique est la meilleureforme de gouvernement possible puisque cet État est « celui qui est le moins éloigné de la liberté que la Naturereconnaît à chacun.

Dans cet État en effet, poursuit Spinoza, nul ne transfère son droit naturel à un autre de tellesorte qu'il n'ait plus ensuite à être consulté, il le transfère à la majorité de la société dont lui-même fait partie » (id.,ibid., XVI, p.

268). Nous voyons donc que Rousseau se situe dans un contexte philosophique qui est celui de la philosophie du contrat,Hobbes et Spinoza, pour reprendre nos deux exemples, montrent que le passage de l'état de nature à l'état civil sefait par le biais du contrat.

Le contrat est ce sur quoi se fonde à l'origine l'État.

Nous allons retrouver chezRousseau la distinction entre l'état de nature et l'état civil et bien sûr le passage de l'un à l'autre.

« Ce passage del'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduitela justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant » (Rousseau, Du Contratsocial I, 7, p.

72).. »

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