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Jean-Paul SARTRE: Existentialisme et Projet

Publié le 02/04/2005

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Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme... L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. Si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est. Ainsi la première démarche de l'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. Et quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes. Choisir d'être ceci ou cela, c'est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal; ce que nous choisissons c'est toujours le bien et rien ne peut être bon pour nous sans l'être pour tous. Jean-Paul SARTRE
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« Ma personnalité n'est pas construite sur un modèle dessiné d'avance et pour un but précis.

Tous les objets sontrelatifs à l'usage que l'homme en fait, mais l'homme n'est l'objet ni l'outil de personne.

Le stylo est pour l'écrivain,non l'écrivain pour le stylo.« L'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde...

Il n'y a pas de nature humaine puisqu'il n'y a pas deDieu pour la concevoir.

» Le fait même de l'existence est donc, pour les philosophes existentialistes, « absurde »mais ceci n'accrédite nullement une philosophie pessimiste de la vie.

Sartre ne veut pas dire que la vie est laide oucruelle à la manière de Schopenhauer.

Absurde doit être pris dans le sens que lui donnent les logiciens : nondéductible par la raison : « Les existants apparaissent, dit Sartre, se laissent rencontrer mais on ne peut jamais lesdéduire.

» Sartre lie la négation de l'essence de l'homme (il n'y a pas de nature humaine) à la négation de Dieu (il n'ya pas de Dieu pour concevoir cette nature).

Ce que Sartre nie ici c'est un « Dieu créateur...

assimilé à un artisansupérieur », ce qu'il nie c'est le Dieu de Leibniz qui conçoit dans son entendement une certaine essence de l'hommeet crée ensuite par un acte de sa divine volonté l'espèce humaine, conforme à l'essence préalablement conçue.Ainsi le concept d'homme, dans l'esprit de Dieu est assimilable au concept de stylo-feutre bleu dans l'esprit del'ingénieur qui le fabrique.

Notons que le Dieu nié par Sartre est un dieu « fabricateur » plutôt qu'un Dieu créateur.C'est le Dieu de Leibniz ou le Dieu horloger de Voltaire.

Sartre personnellement est athée, mais on peut concevoir unexistentialisme chrétien.

Au fond, les existentialistes chrétiens ne disent pas autre chose que Sartre; l'existence dumonde et celle de l'homme ne découlent pas, rationnellement, de concepts préalablement posés; l'homme et lemonde sont en effet, pour eux, issus d'une création contingente; ils sont le fruit d'un Amour mystérieux.

L'être dumonde (et notre être, ou plutôt notre exister) ne sont pas la conclusion d'un théorème mais l'effet d'une grâce.« L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait...

L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir et ce qui estconscient de se projeter dans l'avenir.

» L'homme n'ayant reçu aucune « essence » préalable, sera tel qu'il se serafait.

L'existentialisme est une philosophie de la liberté.

Certes, tout homme est « en situation ».

Il a un corps, unpassé, des amis ou des ennemis, des obstacles devant lui, des problèmes vitaux à résoudre.

Mais on ne peut pasdire que les situations dans lesquelles l'homme se trouve «déterminent» sa conduite.

Par exemple un déterministeprétendait que des gens opprimés se sont révoltés « parce » qu'ils étaient dans une « situation intolérable ».

Sartrefait remarquer qu'une situation n'est pas intolérable en soi, elle le devient parce qu'un projet de révolte lui a conféréce sens.

On aurait pu avec un autre projet considérer la situation comme une épreuve sanctifiante, commel'occasion bénie de se purifier et d'offrir ses souffrances à Dieu.

En projetant mes intentions, mes visées d'avenir surla situation actuelle, c'est moi qui, librement, transforme celle-ci en motif d'action.

Ce sont mes libres projets quidonnent une signification aux situations.

Le monde qui ne prend un sens que par référence à mes projets n'estjamais que le miroir de ma liberté.

Ce « dépassement» d'une situation présente par un pro-jet à venir c'est ce queSartre nomme transcendance.

Vers 1945 Sartre disait : « Nous n'avons jamais été plus libres que sous l'occupationallemande! » Cette affirmation paradoxale ne se comprend qu'à la lumière de la philosophie du pro-jet : Sartre veutdire évidemment qu'il appartenait à notre choix de faire de cette situation douloureuse l'occasion d'un héroïquecombat.Réfléchissons encore sur cette notion fondamentale de pro-jet.

Le temps humain inverse la direction du tempsnaturel.

Dans la nature c'est le passé qui détermine le présent et l'avenir.

Dans l'existence humaine c'est aucontraire le futur qui détermine et transforme le présent puisque des pro-jets guident sans cesse mes actions.Tandis que la chose est, l'homme existe cad échappe toujours à l'instant présent en se pro-jetant sur l'avenir.

Êtrelibre c'est en ce sens « poser un état de choses idéal comme pur néant présent...

et poser la situation actuellecomme néant par rapport à cet état de choses ».

La réalité humaine est néant en ceci précisément qu'elle n'est pasmais sans cesse est à faire.

L'homme n'est rien que ce qu'il se fait.

On ne mérite pas d'être un stylo de feutre bleuou un chat persan gris.

Mais on mérite d'être ou plutôt de devenir un homme (on retrouve ici le programme qu'il y aun siècle Jules Lequier traçait à la philosophie de la liberté : « Faire et en faisant se faire »).

Le « néant » chezSartre n'est pas un constat nihiliste.

C'est en somme la catégorie de l'idéal et de la liberté.« ...

La première démarche de l'existentialisme est de...

faire reposer sur l'homme la responsabilité totale de sonexistence.

»Pour Sartre ma responsabilité est absolue.

Je suis par exemple responsable de mon caractère.

Vous êtes, disait déjàAlain, ce que vous avez juré d'être : « Le caractère d'un homme n'est que son serment.

» On objectera qu'il nedépend pas de moi d'être timide ou malade.

Mais prendre conscience de ces « déterminations » c'est les poser àdistance de moi.

Le Je qui dit « je suis timide » n'est plus tout à fait le moi qui est timide.

Et à supposer que je soismalade encore faut-il savoir ce que je ferai de ma maladie.

Tandis que le propre d'une chose est d'être ce qu'elleest, tout simplement, l'homme est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est.

Il est toujours, par ses projets au-delàde tout donné.Sujet en situation, toujours déjà « embarqué » comme disait Pascal, je ne puis jamais éluder le choix, je suis doncresponsable tout autant de mes abstentions que de mes actions.

Et ma liberté ne choisit pas seulement mes actes(comme dans la conception classique du libre arbitre) ; elle choisit encore les principes et les valeurs qui fondent lechoix.

C'est nous-mêmes qui inventons notre propre morale.Un ancien élève de Sartre était venu le consulter pendant l'occupation.

Devait-il rester en France pour travailler etfaire vivre sa mère sans ressources ou devait-il rejoindre en Angleterre les forces françaises libres du général deGaulle? Vous seul, lui répondit Sartre, pouvez choisir vos valeurs.

Et quand bien même Sartre aurait fixé une ligne deconduite, ce jeune homme n'avait-il pas manifesté un choix préalable en décidant de son directeur de conscience?C'est lui qui avait choisi de consulter un professeur de philosophie.

II aurait pu choisir de consulter un prêtre et telprêtre plutôt que tel autre (par exemple un prêtre partisan du combat ou bien un prêtre partisan de la capitulation).Au fond nous choisissons seuls.

Aucune morale ne peut décider pour nous d'avance.

Notre responsabilité est totale. « ...

Choisir d'être ceci ou cela, c'est affirmer même en temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous nepouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons c'est toujours le bien.

» Philosophie de la responsabilité. »

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