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La communication des consciences

Publié le 21/02/2004

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Contrairement aux paradoxales assertions de l'idéalisme, la conscience humaine n'est pas enfermée en elle-même, sans ouverture sur le dehors.  Elle n'est pas non plus isolée du monde de consciences dans lequel elle vit nous communiquons avec les autres, échangeant nos pensées, nous faisant part de nos sentiments ou les laissant deviner sans le vouloir : je vois la colère de celui avec qui je discute tout comme je vois l'ébullition de l'eau  Mais si le fait de la communication des consciences ne peut être mis en doute, on peut se demander en quoi elle consiste, comment elle s'effectue.  Avant de proposer une réponse à cette question, nous commencerons, pour bien voir de quoi il s'agit, par esquisser la phénoménologie de la communication des consciences, c'est-à-dire par la décrire.

  • I. — PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA COMMUNICATION DES CONSCIENCES
  • II. - PHILOSOPHIE DE LA COMMUNICATION DES CONSCIENCES

 

« ; dès qu'un troisième survient, serait-il aussi familier aux deux membres de la dyade que ceux-ci le sont entre eux, ilse produit une sorte de rupture de circuit.

Sans doute, on peut avoir de véritables communications de conscienceavec un assez grand nombre de personnes, mais successivement.

Dans la suite, quand on se trouve réunisensemble, on éprouve un sentiment d'aisance mêlé d'une certaine gêne : aisance, car, par suite des communicationsantérieures, le contact tend à se rétablir spontanément ; gêne, car la présence de tiers constitue une résistance,bien plus, une résistance d'autant plus forte qu'ils ne sont pas indifférents, et qu'en privilégiant l'un d'eux on auraitle sentiment de manquer aux autres.Sans doute, un groupe et même une foule peut entrer en une communion étroite grâce à un idéal partagé par tous,mais dans ce cas c'est cet idéal que chacun vise et non les autres membres du groupe considérés dans leurindividualité : celle-ci s'efface ; aussi les mouvements de foule uniformisent au lieu de différencier.

Souvent, il estvrai, l'action commune pour une fin fournira l'occasion de ces rapports qui constituent la communication desconsciences ; mais alors j'oublierai, au moins pour un instant, l'objectif commun qui m'a fait rencontrer l'autre, etc'est lui seul que je considérerais dans sa réalité concrète.Voilà des faits que tout le monde a pu observer.

Comment les expliquer ? II.

- PHILOSOPHIE DE LA COMMUNICATION DES CONSCIENCES Dans ces moments privilégiés où nous lisons dans le regard d'autrui, tout se passe, avons-nous dit, comme si étaitlevée la barrière qui sépare le moi du toi, comme si nous avions de la vie intime de l'autre une vue aussi intuitive quecelle que nous donne l'introspection.

Il faut revenir sur cette impression et voir si elle n'est pas trompeuse. A.

Ce qu'elle n'est pas. — On ne peut pas expliquer la communication des consciences par une intuition véritable qui suppose l'unité du sujet et de l'objet, ou du moins l'absence de tout intermédiaire entre eux.

En effet, sansintermédiaire, il ne s'établira jamais aucune communication entre moi et l'autre : il y faut des paroles, des attitudes,le regard...

Sans doute, la suspension momentanée de cet intermédiaire semble approfondir la communication au lieude l'arrêter : c'est le silence, souvent, qui fait sentir ou deviner ce que les mots n'ont pu dire.

Mais c'est toujourssur ce qui a été vu ou entendu qu'on se fonde même quand on le dépasse : le silence tire toute sa signification desparoles qui l'ont précédé et des circonstances qui l'entourent.On objecte que l'extériorisation de certains états d'âme n'est pas pour moi un signe que j'aie besoin d'interpréter : jevois la colère de celui qui a un visage irrité, je ne la conclus pas.

Mais en réalité je ne vois qu'un visage irrité ; del'irritation je n'ai qu'une connaissance indirecte et sujette à erreurs : l'expression des sentiments varie avec lescivilisations, et bien souvent elle ne correspond pas à ce qu'on éprouve.

Je vois, ou plutôt je sais, que moninterlocuteur est en colère â peu près comme je sais que celui dont le journal annonce la mort est maintenant froidet raide sur son lit ou dans sa bière.Il nous semble également inutile d'en appeler à une sorte de faculté naturelle ou d'instinct, à un sens spécial quiprend différentes formes bien analysées par les psychologues allemands, en particulier par Max Scheler : «Einfühlung », « Mitfühlung », « Miteinanderfühlung »...

Le recours â un instinct ou à une faculté spéciale est uneexplication paresseuse dont l'esprit ne peut se satisfaire.

Il y a deux modes de connaissance : la connaissancedirecte ou intuitive et la connaissance indirecte ou discursive.

Si, dans la communication des consciences, nous netrouvons pas d'intuition véritable, ces faits s'expliquent par le jeu de la pensée discursive. B.

Ce qu'elle est. — La communion des consciences est une connaissance par « discours », c'est-à-dire par le détour (discursus) ou l'intermédiaire de faits sensibles qui sont pour nous les signes d'un état d'âme : un regardn'est parlant pour moi que par tout un passé de conversations qu'il me rappelle ou grâce aux circonstances qui mepermettent de l'interpréter ; aussi, dans certains cas, ai-je l'impression d'un regard qui veut me dire quelque choseque je ne parviens pas à deviner par défaut de données objectives.

C'est toujours par l'intermédiaire des objets quenous parvenons à pénétrer la subjectivité des autres.Mais ce discours est implicite et non explicite.

Il n'y a pas de raisonnement véritable, et c'est directement que jevois la colère sur un visage irrité.

On n'observe pas un premier moment qui consisterait dans la perception du signeet qui se distinguerait d'un second moment où serait perçue la signification.

Les choses se passent dans le casenvisagé comme lorsque je lis dans le journal une nouvelle du genre de celle-ci : le gouvernement estdémissionnaire.

Normalement, je ne commence pas par percevoir les lettres et les mots pour se rendre compteensuite du fait qui est annoncé : c'est le fait lui-même qui est vu dans la ligne en caractères gras qui tirent l'oeil.Mais nous n'apprenons pas à lire sur le visage des autres comme l'enfant apprend à lire dans un livre.

Avant sapremière leçon de lecture, celui-ci connaît bien des choses et bien des mots ; il s'agit seulement pour lui d'apprendreà transcrire en signes visuels les signes phonétiques qu'il connaît déjà : la connaissance des choses précède celledes signes.

Au contraire, dans le domaine psychologique, la connaissance des choses et celle des signes se fait enmême temps : il n'y a pas d'abord une connaissance introspective de la colère, puis une prise de conscience dessignes qui la manifestent et qui nous permettraient de la reconnaître sans la voir.

A l'aspect d'un visage irrité, j'aiune impression plus vive de voir la colère elle-même qu'il ne me semble voir, à la lecture d'un titre du journal, le faitmême qui est annoncé : la connaissance des états de conscience est si fortement associée à celle de leurs signesque la vue des signes nous donne un incoercible sentiment d'avoir une intuition des états de conscience.Ce sentiment provient de ce que, plus ou moins consciemment, nous réalisons en nous les états d'âme dont nouspercevons les signes extérieurs.

Dès lors, nous avons bien une véritable intuition, mais de notre conscience et nonde celle d'autrui.

Le fait est particulièrement sensible quand nous avons affaire à un de nos intimes ; connaissantbien, d'une part, ses pensées habituelles, ses sentiments, ses désirs et, d'autre part, vivant en sympathie avec lui,. »

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