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La liberté selon BERGSON

Publié le 18/03/2011

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bergson

Dans la troisième partie de son Essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson applique sa méthode à un grand problème, commun à la métaphysique et à la psychologie, le problème de la liberté. Les philosophes se demandent si l'homme a, ou non, le pouvoir de choisir, d'une façon relativement imprévisible, entre diverses actions également possibles. Selon eux, lorsque je réfléchis, en me demandant si je ferai ou ne ferai pas tel ou tel voyage, les deux solutions sont également possibles, et nul ne pourrait prévoir avec certitude ma décision, — si je suis libre. Le déterminisme scientifique, ou déterminisme physique, nie la liberté en s'appuyant sur l'idée de la science et du mécanisme universel exigé par elle. Le déterminisme psychologique nie la liberté en invoquant l'analyse de l'acte volontaire et du caractère. Au contraire la philosophie de la liberté affirme que l'homme, lorsqu'il réfléchit, 'peut choisir de façon imprévisible entre les diverses actions possibles. Bergson critique les différentes formes du déterminisme ; puis il établit l'existence réelle de la liberté ; enfin il montre que le problème est né d'un malentendu.

bergson

« Il ne faut pas s'exagérer le rôle de ce principe dans l'histoire des -sciences.

Il n'est pas le postulat indispensable detoute recherche scientifique.

Actuellement il paraît applicable à l'ensemble des phénomènes physiques et chimiques.Mais rien ne dit que l'étude des phénomènes physiologiques en général, des phénomènes nerveux en particulier, nerévélera pas quelque énergie d'un genre nouveau, qui se distinguera des autres en ce qu'elle ne se prête pas aucalcul. Puis toute application intelligible du principe de la conservation de l'énergie se fait à un système dont les points,capables de se mouvoir, sont susceptibles de revenir à leur position première.

Du moins conçoit-on ce retour commepossible : les mêmes points reprendraient exactement la même place.

On se représente le temps n'exerçant aucuneinfluence sur cette matière inerte qui semble ne conserver aucune trace de la durée écoulée, paraît être « dans unéternel présent ».

— Mais il n'en est pas de même dans le domaine de la vie et de la conscience.

La durée semblebien, ici, agir à la manière d'une cause.

L'idée de remettre les choses en place apparaît absurde appliquée audomaine de la vie : jamais un pareil retour en arrière ne s'est effectué chez un être vivant.

Un membre qui s'atrophiene retrouve pas sa jeunesse. L'hypothèse d'un retour en arrière devient encore plus inintelligible appliquée au domaine de la conscience.

Il estimpossible à une conscience (on a déjà constaté ce fait) de traverser deux fois de suite le même état.

Tout momentcontient, en plus du précédent, le souvenir que celui-ci a laissé.

Le même ne demeure jamais le même.

— Si Tonpeut se représenter la matière comme dans un éternel présent, on doit constater l'importance du passé pour lesêtres vivants et conscients.

Le temps écoulé ne constitue ni un gain ni une perte pour un système purementmatériel ; il est toujours un gain (ajoutons : ou une perte) pour l'être vivant et surtout pour l'être conscient.

Il y aprogrès (quand il n'y a pas décadence), il n'y a jamais retour d'états identiques. Le tort essentiel du déterminisme physique, c'est de méconnaître la vraie nature de la durée. * * * Le déterminisme physique n'est pas une théorie imposée ni suggérée par la science ; c'est une conception d'originemétaphysique, une façon de renforcer, par un appel aux sciences de de la nature, le déterminisme psychologique. Le déterminisme psychologique trouve sa forme la plus précise et la plus récente dans l'associationnisme, dans laphilosophie soutenant que les éléments psychologiques dont le moi se compose, s'attirent, mécaniquement, selonles' lois, ou la loi, de l'association des idées. On se représente le moi comme un assemblage d'états psychiques dont le plus fort exerce une influenceprépondérante et entraîne les autres avec lui.

On montre le criminel possible pris entre la tentation de tuer et lacrainte du châtiment, et cédant au motif le plus fort.

La tentation, la crainte, le désir, l'aversion sont des étatsdistincts et plus ou moins intenses. Mais, d'abord, le déterminisme psychologique a le tort de croire à des états distincts et juxtaposés ; de méconnaîtrela différence, qui a été précédemment établie, entre la multiplicité de juxtaposition et la multiplicité de pénétrationmutuelle. Il a le tort de se représenter ces états distincts, d'une façon impersonnelle et comme géométrique, d'en éliminerl'aspect subjectif et qualitatif.

Les mots par lesquels le langage désigne les sentiments, n'en fixent que l'aspectobjectif, impersonnel.

La vie intérieure demeure incommensurable avec le langage.

Chacun de nous a sa manièred'aimer et de haïr, et cet amour, cette haine reflètent sa personnalité tout entière. C'est une psychologie grossière, dupe du langage, celle qui nous montre l'âme déterminée par une sympathie, parune aversion, par une haine comme par autant de forces qui pèsent sur elles.

Ces sentiments, dès qu'ils ont atteintune certaine profondeur, représentent l'âme tout entière.

Dire que l'âme se détermine sous l'influence de l'un de cessentiments, c'est reconnaître qu'elle se détermine elle-même. Le déterminisme nous montre le moi oscillant entre des sentiments contraires, optant enfin pour l'un d'eux.

Le moi etles sentiments qui l'agitent sont assimilés à des choses bien définies, qui demeurent identiques à elles-mêmespendant tout le cours de l'opération.

— La vérité, c'est que le moi, par cela seul qu'il a éprouvé le premiersentiment, a déjà quelque peu changé ~ quand le second survient : à tous les moments de la délibération il semodifie.

Les sentiments qui l'agitent se modifient aussi.

Les motifs sont dans un continuel devenir, comme devéritables êtres vivants.

— Le déterminisme a le tort de représenter la délibération sous forme d'oscillation dansl'espace, alors qu'elle est un progrès dans la durée.

Il a le tort de prêter aux motifs une valeur mathématique, uneintensité mesurable. Le déterminisme objecte qu'une intelligence supérieure pourrait, en connaissant tous les antécédents, prévoir ladécision avec une absolue certitude. On peut admettre que la connaissance des antécédents permettrait de formuler une conclusion probable.

Dire qu'uncertain ami, dans telles circonstances, agirait probablement d'une certaine manière, ce n'est pas tant prédire laconduite future de cet ami que porter un jugement sur son caractère présent, c'est-à-dire, en définitive, sur sonpassé.

On peut dire d'une personne que certaines actions conviennent, que d'autres répugnent à sa nature.

Etablir. »

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