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La loi, est-elle l'artifice des faibles ?

Publié le 01/10/2005

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Les personnages historiques de Moïse ou de Lycurgue sont des exemples de législateurs qui sont parvenus à former leur peuple. Il est vrai que de nos jours, on ne peut guère espérer rencontrer de tels hommes ; c'est pourquoi, à défaut d'unanimité, les lois pourront ne traduire que la volonté de la majorité. L'histoire montre que c'est le plus fort qui impose sa loi. Cette interprétation est mise en avant par Rousseau : « je vois des peuples infortunés gémissant sous un joug de fer, le genre humain écrasé par une poignée d'oppresseurs, une foule affamée, accablée de peine et de faim, dont le riche boit en paix le sang et les larmes, et partout le fort armé contre le faible du redoutable pouvoir des lois. » (« Fragment sur l'état de guerre »). Le fort, ici, c'est en particulier le riche. Dans la seconde partie du « Discours sur l'origine de l'inégalité », Rousseau tente de montrer comment a pu se produire l'appropriation de ce qui tout d'abord n'est à personne : « le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile ». Une telle appropriation, qui n'est qu'un coup de force, s'expose au nouveau coup de force de celui qui, tenté, voudrait à son tour s'emparer du bien ; l'auteur de l'appropriation doit donc trouver le moyen de conserver sa propriété en se la faisant garantir par un titre, respecté par les autres hommes ; il désire la structuration de la vie sociale : « telle fut ou dut être l'origine de la société et des lois, qui donnèrent de nouvelles entraves au faible et de nouvelles forces au riche, détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais la loi de la propriété et de l'inégalité, d'une adroite usurpation firent un droit irrévocable, et pour le profit de quelques ambitieux, assujettirent désormais tout le genre humain au travail, à la servitude et à la misère ». Une perspective comparable se retrouve dans le marxisme, qui explique par des évolutions économiques les évolutions sociales, politiques et idéologiques. A un certain type d'organisation de l'activité économique correspond un certain type de division de la société en classes sociales, aux intérêts opposés.

« Introduction Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimulederrière leur apparente impartialité. Les arguments de Calliclès Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.

Elle n'est donc universelle qu'enapparence.Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.

Elle n'estdonc juste qu'en apparence.Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologiquede la réalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.

Elle est donc sansconsistance.Les meilleures dispositions sont laminées par l'éducation égalitariste.Le vrai droit est celui de la nature qui est foncièrement inégalitaire.

En effet, il est universel, nécessaire,irrécusable.Cette fausse loi sous laquelle nous vivons est intrinsèquement fragile, puisqu'elle se maintient en s'appuyantsur un verbiage sans répondant, et grâce à l'absence momentanée d'un individu suffisamment fort pour larenverser en lui et hors de lui. Discussion de chaque argument Calliclès confond expression et représentation.

S'il est vrai que les lois représentent la masse, elles ont uneréalité qui ne lui est pas réductible.

La vraie question est donc celle de la spécificité du politique : un ordred'existence que son absence de répondant réel n'autorise pas à qualifier d'illusoire.Calliclès suppose que l'homme est un être sorti tout constitué de la nature, c'est-à-dire qu'il est un simplevivant, alors qu'il est le produit des lois.

Il est donc absurde de considérer que les lois l'oppressent : elles leconstituent comme sujet.L'égalité conditionne l'idée même de loi, à la fois parce qu'elle doit être la même pour tous et qu'elle effectue laforme même de la réflexion, puisque réfléchir revient à se poser soi-même comme un sujet indifférent c'est-à-dire juridiquement égal aux autres.

La loi a la consistance de la réflexion, acceptée par le discours de Calliclèsen tant que c'est un discours et non un pure violence.La cité, dit Aristote, exclut aussi bien ceux qui sont trop inférieurs (bestialité) que ceux qui sont tropsupérieurs (les dieux, les héros), puisqu'il est impossible à l'individu moyen de se reconnaître en eux.

Touteéducation a donc bien une dimension de dressage à la " semblance " (être le même que soi parce qu'on s'estsoumis à ce qui rassemble les semblables) c'est-à-dire à la médiocrité.

Cependant les dispositionsexceptionnelles ne sont pas naturelles mais humaines (l'idée d'un gène de la musique, de la philosophie ou desmathématiques est absurde, puisque ce sont des réalités exclusivement culturelles) : les " dons " sont desattitudes envers le monde et surtout envers soi-même (une éthique) motivées par une situation en fin decompte toujours sociale.

Dès lors si la vie commune peut parfois étouffer de grandes individualités potentielles,elle est cependant le seul lieu de leur possibilité.

En réalité le danger reste très minime : être une personnalitéd'exception étant une question d'éthique et non pas de nature, autrement dit la semblance étant une positionsubjective et non un état objectif, il faudrait des circonstances extrêmement particulières et rares pour qu'unindividu ne soit pas totalement responsable de sa vie.

Donc même si l'on admet cette absurdité que constituel'idée d'un don naturel, l'argument de Calliclès qui attribue cette responsabilité à la société reste sans portéeréelle.Calliclès confond le fait et le droit : la nature atteste de ce qui est, pas de ce qui doit être.

Quand il s'agit deslois de la cité, son invocation est donc nulle par principe.

D'autre part il confond l'universalité des lois de lanature qui est absolue ou a priori (si on ne la pose pas l'idée même de nature n'a aucun sens, et avec elle lasimple éventualité du savoir) et celle des lois de la cité qui est relative ou réflexive (c'est le rapport du peupleà lui-même).

Autrement dit il confond la réalité où s'effectue la nécessité des lois de la nature avec lareprésentation où s'effectue celle des lois de la cité.La culture n'a pas de répondant et c'est précisément en cela qu'elle s'oppose à la nature : l'arbitraire n'est passa faiblesse mais sa force, puisqu'on peut seulement contester ce qui se présente comme fondé.

On n'obéitdonc pas à la loi parce qu'elle est utile, mais simplement parce que c'est la loi.

Voulant fonder la loi dans laréalité, Calliclès l'abolit donc : il n'y aurait plus que la nature.

Mais il réfute lui-même la thèse que cela pourraitconstituer en prônant le droit du plus fort en déplorant un pouvoir que les faibles exercent...

pour la seuleraison qu'ils sont momentanément les plus forts.

On comprend ainsi que ce n'est pas du tout de la nature qu'ilparle : devant être imposée d'une manière volontaire et non par la seule immanence de sa nécessité, cette "nature " est en réalité purement idéologique, comme à chaque fois qu'on veut y voir un modèle.

Dès lors, lavérité de son argumentation apparaît à la fin du texte : il veut seulement un maître, grâce auquel il sera enfindébarrassé de sa liberté en se dissolvant dans la semblance universelle. Conclusion. »

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