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La maîtrise de soi dépend-elle de la connaissance de soi?

Publié le 08/04/2005

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L'un des premiers préceptes de la philosophie semble bien être « le connais toi toi-même » inscrit sur l'oracle de Delphes et repris par Socrate. Pourtant, il n'y a pas à cette époque de véritable concept de subjectivité. Quand Socrate énonce cette règle, ce but, il parle de l'homme en tant qu'il est homme :  c'est savoir de quoi l'on est capable, jusqu'où on peut aller, quelles sont les valeurs que l'on doit défendre. Même sans la notion du « je » subjectif, on voit que la connaissance de ce que l'on est, un animal rationnel, est fortement lié à ce que je peux faire et à ce que je dois faire. La connaissance s'entend comme un savoir, comme un effort pour saisir, pour se représenter ce qui se présente à moi.  La connaissance de soi serait alors la saisie, la compréhension de ce que je suis, de ce qui se passe en moi. La première forme de connaissance de soi, avec Descartes, est bien sûr la conscience par laquelle le « je » accompagne toutes mes actions. « Je sais que je sais ; je sais que je désire ; je sais que je veux », écrit Alain dans Vigiles de l'esprit pour mettre en évidence le fait que la conscience s'accompagne toujours d'une connaissance sur les actions que je mène ou les pensées qui se présentent à moi. La connaissance de soi serait alors première et immédiate. Mais il s'agit ici de s'interroger sur les liens qu'entretiennent connaissance et maîtrise. Il est donc nécessaire de se pencher sur le terme de maîtrise, pour comprendre que peut vouloir dire maîtriser. Il est possible de dégager trois grandes acceptions du « maître » : le dominus, le magister, et le maestro - ces trois termes latins renvoyant aux trois grandes dimensions de la maîtrise. Le dominus renvoie à la maîtrise comme domination autrement dit comme hiérarchie. Le maître est donc celui qui domine, qui est à la tête de la hiérarchie, qui est dominant dans le rapport de force. Le magister est le maître en tant que sa maîtrise est légitimée par la possession d'un savoir, ou tout du moins d'une compétence. Le maestro est le maître qui maîtrise à la perfection son art. Dans un premier temps, on peut se dire que la seule manière de maîtriser quelque chose est bien de développer une connaissance à son sujet. Le terme de magister lie en effet connaissance et maîtrise. Je ne peux pas maîtriser quelque chose que je ne connais pas. Ainsi, on peut parler de « maîtrise » dans une discipline, au piano par exemple, parce que je connais les techniques et savoir-faire qui me permettent d'arriver à ce que je veux faire. De même, la maîtrise du corps, si importante chez les athlètes, demande une certaine connaissance de leur corps, de leur limite et de leur capacité. La maîtrise de soi semble alors renvoyer à la possibilité de toujours savoir ce que je fais et ce que je dois faire. Cependant, la notion de maîtrise introduit un aspect plus important que la simple connaissance. Je peux en effet avoir connaissance du phénomène de la foudre, sans avoir aucun pouvoir sur elle.  De fait, il semble bien que même en me connaissant, je ne puisse pas véritablement me contrôler, imprimer à mon existence la marque que je veux. Prenons l'exemple du désir qui faisait dire à Ovide : « je vois le meilleur, je l'approuve et je fais le contraire. » Or, ici le verbe « dépendre » fait bien de la connaissance la principe condition de la maîtrise. Pour parler de maîtrise, ne faudrait-il donc pas supposer une liberté et de fait un pouvoir d'action ? Néanmoins, le pouvoir ne vient-il pas du fait d'obéir à certaines règles ? Ainsi, Bacon affirmait que l'on ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant. Ne serait-pas pareil dans la maîtrise de soi ? Ne faut-il pas connaître mes fonctionnements pour réussir à les utiliser au mieux ?

« Pour Hume, philosophe empiriste, on ne peut connaître le moi.

ON ne connaît que les idées qui s'y rapportent. Hume, Traité de la nature humaine, livre I, 4 ème partie, section 6 : « Toute idée réelle doit provenir d'une impression particulière.

Mais le moi, ou la personne, ce n'est pas uneimpression particulière, mais ce à quoi nos diverses idées et impressions sont censées se rapporter.

Si uneimpression donne naissance à l'idée du moi, cette impression doit nécessairement demeurer la même, invariablement,pendant toute la durée de notre vie, puisque c'est ainsi que le moi est supposé exister.

Mails il n' y a pasd'impression constante et invariable.

La douleur et le plaisir, le chagrin et la joie, les passions et les sensations sesuccèdent et n'existent jamais toutes en même temps.

Ce ne peut donc pas être d'une de ces impressions, ni detoute autre, que provient l'idée du moi et, en conséquence, il n'y a pas une telle idée.

» 2) On peut avoir conscience de soi mais ce n'et pas encore en avoir connaissance Kant, Critique de la raison pure, I, 1 ère division, II, 1 ère section, §25 : « J'ai conscience de moi-même, - dans la synthèse transcendantale du divers des représentations engénéral, par conséquent dans l'unité synthétique originaire de l'aperception, - non pas tel que je m'apparais, ni telque je suis en moi-même, mais seulement conscience que je suis.

Cette représentation est une pensée , et non une intuition .

[...] Je n'ai donc aucune connaissance de moi tel que je suis , mais je me connais seulement tel que je m'apparais à moi-même.

La conscience de soi-même n'est donc pas encore, il s'en faut, une connaissance de soi- même.

» Kant nous dit ici que j'ai conscience que je suis et pas de ce que je suis ; cette conscience n'est pas uneconnaissance. Comment alors réussir à se maîtriser, si on ne parvient pas à se connaître, à connaître ce qu'il y a àmaîtriser ? III – « Connais-toi toi-même » 1) Accepter de ne pas savoir Platon, Apologie de Socrate, 20d-22b : « Or, un jour qu'il était allé à Delphes, il osa poser à l'oracle la question que voici – je vous en prie encoreune fois, juges, n'allez pas vous récrier -, il demanda, dis-je, s'il y avait au monde un homme plus sage que moi.

Orla pythie lui répondit qu'il n'y en avait aucun.

Et cette réponse, son frère, qui est ici, l'attestera devant vous,puisque Khairéphon est mort.

[...] Lorsque j'eus appris cette réponse de l'oracle, je me mis à réfléchir en moi-même : « que veut dire le dieu et quel sens recèlent ses paroles ? Car moi, j'ai conscience de n'être sage ni peu niprou.

Que veut-il donc dire, quand il affirme que je suis le plus sage ? Car il ne ment certainement pas ; cela ne luiest pas permis.

» Pendant longtemps je me demandai quelle était son idée ; enfin je me décidai, quoique à grandpeine, à m'en éclaircir de la façon suivante : je me rendis chez un de ceux qui passent pour être des sages, pensantque je ne pouvais mieux que là, contrôler l'oracle et lui déclarer : « cet homme-ci est plus sage que moi, et toi, tum'as proclamé le plus sage.

» J'examinai donc cet homme à fond.

[...] Il me parut en effet, en causant avec lui, quecet homme semblait sage à beaucoup d'autres et surtout à lui-même, mais qu'il ne l'était point.

J'essayai alors de luimontrer qu'il n'avait pas la sagesse qu'il croyait avoir.

Par là, je me fis des ennemis de lui et de plusieurs desassistants.

Tout en m'en allant, je me disais en moi-même : « je suis plus sage que cet homme là.

Il se peutqu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien,tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.

Il me semble donc que je suis un peu plus sage quelui par le fait même que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir ».

» Savoir qu'on ne sait pas est un premier pas vers la sagesse.

C'est aussi la première chose à connaître sursoi. 2) Se connaître comme ne sachant pas Platon, Charmide, 164d – 167a : « Critias : J'aurais même presque envie de dire que se connaître soi-même, c'est cela la sagesse, et je suisd'accord avec l'auteur de l'inscription de Delphes [...] Voilà en quels termes, différents de ceux des hommes, le dieus'adresse à ceux qui entrent dans son temple, si je comprends bien l'intention de l'auteur de l'inscription.

A chaquevisiteur, il ne dit rien d'autre, en vérité, que : « Sois sage ! » Certes, il s'exprime en termes un peu énigmatiques, ensa qualité de devin.

Donc, selon l'inscription et selon moi, « connais-toi toi-même » et « sois sage », c'est la mêmechose ! [...]. »

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