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LA MORALE d'EPICURE

Publié le 17/03/2011

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morale

     Le savoir à lui seul n'apporte aucun bonheur; la physique et la canonique n'ont de prix qu'autant qu'elles préparent à comprendre la morale. Si nous nous sommes appliqués à distinguer le vrai du faux, à définir la place exacte de l'homme dans l'univers, c'est afin de marcher d'un pas plus assuré dans la vie.

   Le bien n'est pas de complaire à la divinité. — Les dieux existent, mais ne s'occupent point du monde. A ces êtres impassibles, nos actions ne sauraient faire ni plaisir, ni peine. Entre eux et nous, il n'y a point de pacte, ni de services échangés. Nous n'avons au-dessus de nous aucun maître qui envie notre bonheur ou se réjouisse de nos larmes; nous n'avons non plus aucun ami divin qui compatisse à notre détresse et nous prête le secours de sa force. Aucune voix ni courroucée ni favorable ne répond à nos prières; les espaces infinis sont éternellement silencieux; l'homme s'y dresse, isolé, mais libre.

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« joie la plus intense qu'il puisse goûter et la seule qui soit à tous les instants à sa portée, est de se sentir maître deses désirs, et en conformité avec l'ordre universel. Le bien n'est pas de pratiquer la vertu. — Sans doute cette morale ne suppose ni que l'âme soit immortelle, ni qu'après la mort elle reçoive des récompensesou subisse des châtiments ; ni Platon, ni Aristote, ni les Stoïciens ne font appel à ces croyances religieuses.

Cettemorale est fondée cependant sur deux thèses : d'une part il faut que notre vraie nature soit constituée par laraison, d'autre part il faut que cette même raison dirige aussi la nature universelle.

Or ni l'une ni l'autre de cespropositions ne peut être admise par Épicure. Contraint par ses principes à repousser le rationalisme, il ne peut reconnaître non plus que la vertu soit le biensuprême.

L'affirmation constante d'Épicure est, en effet, que dans tout composé, l'élément seul étant réel, est seulaussi digne d'être considéré; l'ordre de la composition, ce qu'on appelle encore le type, la forme ou l'idée, estnégligeable, parce qu'il ne s'impose pas aux éléments, mais en résulte : il résulte de leur rencontre qui se fait auhasard.

Il n'y a nulle part dans la nature de puissance organisatrice, d'intelligence, d'idées directrices : il n'y en apas plus en nous qu'en dehors de nous.

Ce qui vient d'être dit des composés est vrai aussi de la pensée, qui n'est,comme les corps bruts ou les corps vivants, qu'un agrégat; de même que ceux-ci sont faits d'atomes, elle est faitede sensations et d'affections, plaisirs et douleurs.

La raison, c'est-à-dire les idées de beauté, de vérité, de bien, aulieu de présider à l'organisation de nos pensées, résulte des expériences que le hasard nous a fait subir; par elle-même elle n'est rien; tout ce qu'il y a de réel en elle, c'est sa matière, les sensations et les affections.

Ce sont cesdernières et non les idées qui constituent notre nature, notre essence. Ces principes posés, il est impossible d'admettre que nous éprouvions de la joie à pratiquer les vertus.

Car nous nepouvons tirer satisfaction ni de l'ordre que nous mettons dans notre âme, ni de notre soumission à l'ordre universel. D'une part, en effet, puisqu'il n'y a naturellement en nous aucune idée en germe, aucune semence de vertu, l'étatde vertu ne peut pas être pour nous un épanouissement, ni par là même un bonheur.

Notre âme ne saurait setrouver mieux d'être ordonnée que désordonnée, mieux d'être belle que laide, puisque l'ordre et la beauté ne lui sontpas plus essentiels que le désordre et la laideur.

Comment, d'autre part, pourrions-nous être heureux dans laconscience de notre justice, puisqu'il n'y a pas un type de justice qui s'impose à tout ce qui vit et à tout ce quipense, puisque la justice n'est rien en soi? Comment pourrions-nous ressentir une joie à reconnaître la conformité denotre conduite à l'ordre universel, puisqu'il n'y a pas d'ordre universel et que les mondes sont les jouets de l'aveuglefortune? C'est donc une naïveté, une duperie de se réjouir d'un acte vertueux parce qu'il est vertueux.

Le vulgaire a raisoncontre les philosophes ; le mot intérêt n'a qu'un sens; c'est l'attente de plaisirs à venir.

Il n'y a pas des bienssensibles et un bien moral, la vertu, qui l'emporterait sur tous les biens sensibles, il n'y a qu'un bien, le plaisir. La physique a dissipé les fantômes divins dont les hommes ignorants peuplent la nature, et a réduit tous lesphénomènes aux mouvements de ce qui peut se voir et se toucher, de la matière; la canonique a montré que raison,principes, idées, se réduisent aux sensations.

Il faut opérer dans les notions morales une réduction semblable; lamorale est pleine de fantômes qu'il faut exorciser : le devoir et la vertu sous ses différents noms.

Celui qui croitqu'une idée lui permet de saisir un être supérieur à ceux qu'il peut sentir, est dans le faux ; il a une opinion vide ; demême celui-là se trompe qui croit que la vertu lui confère un bonheur indépendant des plaisirs qu'elle amènera dansla suite; tous deux ressemblent à l'homme qui serait joyeux de posséder la reconnaissance d'une dette, sans songerqu'il ne pourra jamais toucher l'argent qui lui est dû ; ils oublient qu'un billet n'a de valeur que par la monnaie qu'ilreprésente, et contre laquelle il faudra bien un jour qu'on vienne à l'échanger; disons encore qu'ils ont l'innocence del'avare, heureux d'amasser de l'argent, oublieux des plaisirs que l'argent promet. Le beau, l'honnête, dit Épicure, sont des mots dépourvus de sens, à moins que l'on ne veuille entendre par là ce quiobtient l'approbation de la foule.

Mais il est clair alors que le beau et l'honnête ne nous sont point connusnaturellement, avant toute expérience de la vie, et qu'ils ne sont pas des biens par eux-mêmes, mais par lesavantages sensibles que l'estime d'autrui a coutume de nous valoir.

Aurions-nous formé la notion du bien et celle dumal, si nous n'avions éprouvé ni plaisir, ni peine? Évidemment non.

Par conséquent, ces notions n'ont pas d'autrecontenu que les affections agréables ou pénibles ; et comme la forme n'est rien et que la matière est tout, on doitdécider que le bien est le plaisir, le mal la douleur.

« Otez, dit Épicure, les plaisirs du goût, de l'odorat, le plaisir devoir de belles formes et de brillantes couleurs, les plaisirs de Vénus, et je ne vois plus rien que vous puissiez encoreappeler le bien.

» Ainsi bien est synonyme de bonheur, et bonheur signifie suite de plaisirs intenses. Le bien est le plaisir.

— Vivre bien, c'est, de l'aveu de tous, vivre conformément à la nature.

Mais quelle est cettenature et qu'exige-t-elle pour être satisfaite? Le mot nature s'oppose aux mots habitude et artifice ; est naturel cequi n'est pas acquis, ce qu'on sait sans l'avoir appris d'aucun maître, ni d'aucune expérience.

Afin de connaîtrel'homme dans sa vraie nature, il ne faut donc point considérer l'homme fait, qui a subi l'empreinte de l'éducation etde l'expérience.

Il ne faut pas tomber dans la faute de Socrate et regarder comme l'expression de la nature lesprincipes que supposent nos opinions sur le bien et le mal : car ces opinions peuvent se trouver mal formées.

Il fautprocéder non à priori, mais à posteriori: il ne faut pas raisonner, mais observer.

Il faut observer l'enfant, avant quel'éducation ait dépravé sa nature; il faut observer l'animal, car l'homme n'est qu'un des animaux et le bien de la bêtedoit être aussi celui de l'homme.

Les cris et les larmes du nouveau-né, qui est exposé pour la première fois aux. »

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