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La peinture flamande et son rayonnement

Publié le 26/02/2010

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Les dernières décades du XIVe siècle marquent la fin de la féodalité morcelée du Moyen Âge et l'aurore des temps nouveaux. Jusqu'alors, la France avait exercé son hégémonie sur l'Europe occidentale. Mais les événements politiques vont bientôt modifier le cours de l'histoire et créer un climat culturel tout à fait nouveau. C'est le début de l'ère bourguignonne, pendant laquelle la Flandre traversera la première grande période, la plus glorieuse peut-être, de son histoire. Elle commence en 1369, par le mariage de Philippe de Bourgogne avec Marguerite, fille du comte de Flandre, Louis de Male. Après la mort de celui-ci, en 1384, la Flandre est incorporée au nouvel État bourguignon qui est consolidé lorsqu'en 1392 le jeune roi de France, Charles VI, est frappé de démence et qu'à partir de ce moment son tuteur, Philippe le Hardi, crée un pouvoir central qui achève l'unification. En 1415, la puissance de la maison de Valois est définitivement brisée à la bataille d'Azincourt. La guerre de Cent Ans met fin à l'hégémonie française. Paris, ravagé par les émeutes, par la famine et par la peste, n'est plus, pour longtemps, le grand centre de la culture européenne. Sous le règne des ducs bourguignons, Philippe le Bon et son fils Charles le Téméraire, cette culture se déplacera vers la Flandre où, favorisée par des circonstances politiques et économiques, s'ouvrira une période de prospérité jusqu'alors inconnue. Bruges en devient le centre, port principal et grand marché financier du Nord, milieu cosmopolite où les capitalistes et marchands de tous pays joueront, autant que les princes et les courtisans, le rôle de mécènes. La Flandre, avec ses villes industrieuses et de plus en plus prospères ­ Bruges, Gand, Tournai ­ devient dès lors, de toute l'Europe, le champ d'expériences le plus fertile dans le domaine des arts. En dehors des nobles et des envieux potentats de l'Église, il y a les communes, les corporations et les confréries qui, autant que les marchands et les hauts dignitaires, s'intéressent aux travaux des peintres.

« donner des directives.

Depuis longtemps, l'art avait déserté la quiétude mystique des monastères pour les citésindustrieuses et les cours lascives des ducs épris de luxe.

À côté des cathédrales élevant au ciel, comme une prièrepermanente, leurs arcs gothiques et leurs sveltes clochers, se dressent les créneaux des beffrois audacieux et leschâsses ouvragées des hôtels de ville, symboles de l'idée croissante de démocratie.

Et à l'ombre de ces monuments,les peintres produisent un art nouveau, qui exprime encore souvent une piété ardente, mais maintenant plus quejamais dans des formes empruntées à la vie journalière.

Car cette culture de plus en plus profane, appuyée par uneéconomie de plus en plus florissante, se caractérise par une attention croissante pour les réalités terrestres.

Dansce monde complexe, dominé par les " beati possidentes ", le sentiment religieux devient moins fervent.

Mais sous leluxe prétentieux et superficiel, coule la source fertilisante des forces populaires qui, toujours, ont sauvé l'art del'asservissement desséchant. On continue à donner aux peintres du XVe siècle le nom de " primitifs ".

Ce mot, qui implique l'idée de naïvetémaladroite, est dans la terminologie de l'histoire de l'art un de ces nombreux termes inexacts qui nous furent léguéspar la soi-disant " Renaissance ", considérant comme " primitif " tout ce qui ne s'inspirait pas de l'antiquité classique.Primitif dans le vrai sens du mot fut l'art du XIVe siècle, en Flandre celui d'avant Van Eyck, en Italie celui d'avantGiotto.

Et, dans le domaine de l'art, le XVe siècle fut une période d'équilibre et de certitude. Le XIVe siècle, encore fortement moyenâgeux, avait connu des essais timides, tendant vers le dégagement de lapersonnalité artistique, vers l'autonomie de l'art.

Déjà, le spiritualisme du Moyen Âge avait commencé à céderdevant une dévotion plus individuelle, plus intime, plus humaine.

L'art pré-eyckien des miniaturistes, comme lesfrères de Limbourg dans les Très Riches Heures de Chantilly, des premiers peintres de retables, comme l'YproisMelchior Broederlam, dans ses volets avec la Présentation dans le temple et la Fuite en Égypte (au Musée de Dijon),était riche en promesses non douteuses. Mais ce ne fut qu'au XVe siècle que les artistes vont découvrir la beauté de la nature et la réalité de l'homme.

Ilscréent l'unité entre la piété religieuse, dont ils ne seront pas plus longtemps les serviteurs dociles, et leur ferveurdevant la beauté de la vie terrestre.

L'expression de leurs sentiments individuels ne sera plus le bégaiement duMoyen Âge, pas encore la rhétorique du romaniste, ni la grandiloquence du baroque.

Elle sera grave et calme, sûred'elle-même, parfaitement équilibrée et, du moins pendant les premiers trois quarts du siècle, dénuée decoquetterie, de virtuosité, de maniérisme. En cette période intense de renouveau, chaque artiste contribue à sa façon à cette conquête héroïque du mondematériel.

Chacun d'eux le voit de ses propres yeux.

Chacun d'eux en crée une image originale.

Mais chacun d'euxaussi s'appuie sur les victoires de ses prédécesseurs. Et ainsi, au XVe siècle, fut fixé à jamais ce qui constituera pour tous les temps le caractère de la peinture flamande: l'amour de la réalité, de la belle matérialité, de la splendeur de la couleur, de l'harmonie des formes, caractèredominant de tous, même de ceux qui, comme Bosch par exemple, s'efforceront de concrétiser leurs rêves dans desformes et des apparitions choisies et assemblées d'une façon arbitraire, et qui déformeront la réalité en visionshallucinantes.

Jamais, chez eux, la réalité palpable ne sera sacrifiée à l'idée, et même la fantaisie la plus surhumainerestera attachée au monde visible. Ils se rappelleront sans doute encore le Moyen Âge.

L'esprit gothique n'est pas éteint.

Sa vie continue nonseulement dans le Gothique flamboyant qui est de cette époque, mais aussi la peinture en conserve des vestiges,ne fût-ce que le sens de la clarté, de la régularité.

Mais l'idéalisme impérieux de l'idée scolastique qui, au MoyenÂge, déterminait la forme, devient, dans l'art du XVe siècle, une conception plus humaniste, exprimée dans desformes terrestres, une aspiration de plus en plus consciente vers la beauté naturelle des êtres et des choses. Ainsi l'art évolue vers le réalisme. Ne nous y trompons point.

Ces peintres furent sans doute des réalistes.

Ils le furent de naissance, de nature etd'instinct.

Et plus encore que leurs prédécesseurs soumis à l'Église, ils obéirent à l'esprit de l'époque.

Toute lasociété du XVe siècle cherchait la vérité, la réalité positive, la beauté palpable.

Jusqu'alors, on avait levé les yeuxau ciel et aspiré vers la béatitude promise.

Maintenant, on regarderait vers la terre et vers les hommes, afin de louerDieu dans la beauté de sa création et de jouir soi-même des félicités terrestres. Mais jamais les peintres flamands ne furent esclaves de la réalité.

À l'idée abstraite, ils surent donner la formeconcrète de la réalité vivante.

Ils ont rendu le divin perceptible dans le terrestre.

Ils ont englobé ciel et terre dansune vision où rien n'a été sacrifié, où ils n'ont rien négligé, et dont ils n'ont jamais abandonné la profonde unité.

LeXVe siècle fut une époque spiritualiste. Déjà, à la fin du XIVe siècle et au début du XVe, les miniaturistes, comme les frères de Limbourg, avaient aimé lanature.

Ils avaient vu comment le printemps apporte une joie tendre, comment l'été devient une fête ensoleillée,comment l'automne apporte l'opulence des moissons, comment l'hiver est l'époque du repos et de la méditation.

Etils avaient vu l'homme, dans les champs et dans les villes, dans les maisons bourgeoises et dans les palais princiers.Mais de leurs découvertes, ils ne purent donner qu'une image timide et hésitante.

Dans le courant du XVe siècle, lespeintres verront l'homme et le présenteront dans le jeu mystérieux de la lumière, dans l'atmosphère avec toutes lesmodulations de la couleur et du ton, se mouvant librement dans l'espace illimité, ou dans la clarté estompée desintérieurs.

Mais jamais cet amour pour la réalité de la nature, pour la belle matérialité de la vie journalière, ne sera. »

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