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La Pitié ?

Publié le 11/04/2009

Extrait du document

Un enfant ravagé par la cruauté des hommes au Rwanda, deux femmes pleurant sur le corps du christ, Katsushika Hokusai, le vieillard fou de dessin peinant à marcher, un homme croupissant en attendant sa fin ou bien même la fin de la guerre, autant d’événements qui ne peuvent nous laisser insensible, de marbre. Mais comment nommer cet état dans lequel comme le dit le lieutenant Hofmiller, un des héros de Stefan Zweig, nous ressentons une chaleur nous envahissant, « provoquant cette fièvre mystérieuse, qui (nous) est aussi incompréhensible que l’est au malade sa maladie «, qui nous fait sortir du cercle solide de la vie, d’une vie « calme et tranquille « pour nous faire découvrir « une zone nouvelle, passionnante et inquiétante à la fois « ?

            A cette question, la pitié semble être l’unique sentiment qui remplisse tous les qualificatifs qu’énonce Hofmiller dans son introspection. Dès lors, nous nous trouvons sur un terrain glissant car il n’est pas aisé de se situer dans cette contrée où règne la pitié. En effet, deux voies s’ouvrent à nous : est-elle telle la main du printemps qui couvre la terre de fleurs comme le dit le bramine ? Ou bien avons-nous à faire à nouveau à un djinn déguisé sous les apparences d’un vieillard inoffensif ?

            Ces deux possibilités contradictoires nous mèneront à préciser notre notion de pitié qui à la façon d’un kaléidoscope cache de multiples facettes puis à nous demander si la pitié est une plante qui puise ses racines dans le champ moral ou si au contraire elle ne pousse pas ceux ou celles qui en sont victimes de l’autre côté du sentier, c’est-à-dire du côté de l’immoralité et de la cruauté.

« des humains ? Si nous nous fions à notre expérience, il nous paraît évident que les destinataires de la pitiédépassent le règne de l'homme pour envahir celui du règne animal.

Par conséquent, ce serait un sentiment quasiuniversel ! En outre, Schopenhauer dans Über die Grundlage der Moral , dans le point 19 s'intitulant « confirmation du fondement de la morale tel qu'il vient d'être établi », nous fait part du cas de Harris qui, lors d'un voyage en 1838 àBombay, après avoir tué une éléphante, revient chercher la bête morte et se retrouve nez à nez avec le petit decelle-ci qui enlace le chasseur.

L'homme ne peut s'empêcher de ressentir de la pitié pour la tristesse del'éléphanteau.

Ce dernier, pour l'anecdote arrêtera de chasser après cet épisode.

Cette idée d'universalité est aussiomniprésente dans la religion de l'Islam.

Allah en tant que Rahman éprouve de la pitié et prend soin de toutes lescréatures et de leurs destinées sans aucune exception.

Si, ensuite, l'on restreint le champ et que l'on s'attache à larelation « homme/homme », la même question se pose.

Peut-on éprouver de la compassion à l'égard de n'importequel homme ? Etant donné que l'homme est un être sensible et fini, il semble que tout homme est susceptible desouffrir et donc d'être objet de la pitié ; cependant peut-on compatir avec un homme qui est condamné pour descrimes tels que la pédophilie, le viol...

? En effet, on peut avoir pitié de la souffrance, de tant de haine, de tant defolie en lui ! Prenons l'exemple d'un homme qui est condamné à mort et qui doit passer à la guillotine : il est tout àfait possible que nous compatissions à la douleur qu'il ressentira quand la lame tranchera sa tête sans pour autantremettre en cause le fait qu'il soit coupable.

(Il en est de même actuellement quant à la peine d'emprisonnement àvie !) Ou bien à une autre échelle, dans le domaine religieux, quand Bouddha éprouve de la pitié pour les méchants.En fait, c'est une manière de ne pas ajouter plus de haine à la haine déjà préexistante.

Souvenons-nous : noussommes tous en puissance sujets à la pitié mais quel est ou quels sont les éléments qui nous font passer de lapuissance à l'actualité en tant que destinataire de la pitié : comment devient-on pitoyable ? Aristote dans laRhétorique livre 2 , dans de la pitié (8), évoque que le mal dont souffre celui que l'on prend en pitié n'est normalement pas mérité par l'individu en question.« Esti de odunhra men kai fqartika qanatoi kai aikiai swmatwn kai kakwseis kai ghras kai nosoi kai troqhs endeia, wnd h tuch aitia kakwn, afilia, oligofilia ( dio kai to diaspasqai apo filwn kai sunhqwn eleeinon), aiscos, asqeneia, anaphria, kai to oqen proshken agaqon ti uparxai, kakon ti sumbhnai.

Kai to pollakis toiouton.

Kai topeponqotos genesqai ti agaqon, oion Diopeiqei ta para basileus teqnewti katepemfqh.

Kai to h mhden gegenhsqaiagaqon, h genomenwn mh einai apolausin » (1386 a) Pour illustrer ceci brièvement, en ce qui concerne, premièrement, les maux dont la fortune est la cause, nous pouvons penser au cas de la jeune infirme EdithKekesfalva, dans la Pitié Dangereuse, de Zweig victime d'un bacille.

La seconde, elle, peut, par exemple, nous renvoyer aux mauvais traitements, aux atroces traitements qu'ont subis les juifs (mais aussi les tziganes et lesopposants au régime) dans les camps de la mort sous le troisième Reich.

Dès lors, l'homme pitoyable nous apparaîtcomme non responsable de son état ; ce qui excite d'autant plus notre pitié.

Mais quant est-il de celui qui fait appelà la pitié de l'autre ? Ne devons nous pas établir une différence entre Edith qui est l'objet de la pitié du lieutenantHofmiller et son père qui, par contre à de multiples reprises fait appel à la pitié du jeune soldat en outre pour qu'ilépouse sa fille ? En effet,attardons-nous sur celui qui fait appel à la pitié d'autrui en nous appuyant principalement sur l'analyse de Jean PaulSartre des Cahiers pour une Morale .

Il faut d'ores et déjà préciser que d'après le philosophe, celui pour qui l'on ressent de la pitié doit être responsable de sa situation.

« Si je n'ai pas originellement de droit à la pitié c'est parceque l'événement vient de ma faute.

» Ainsi quand on en arrive au stade d'exiger la pitié, c'est que l'on sait que l'onn'a aucun droit de le faire ; la justice n'oblige en aucun cas l'autre à répondre à cet appel.

« Dans la pitié, je me faispitoyable, je n'ai aucun droit mais précisément à cause de cela, j'ai tous les droits.

La pitié est exigence : c'est ledroit de celui qui n'a pas le droit.

» On se trouve être dans une position réflexive dans laquelle on pense que notredéchéance ne pourrait être supportée par personne.

En demandant de l'aide à l'autre, on reconnaît sa faute, pouraller plus loin on peut dire qu'on fait un pas vers l'humanité mais cet effort est arrêté « dans l'œuf » car on est dansl'immanence.

Cette idée se retrouve dans l'expression elliptique : « je souffre tant.

» En effet, on sous-entend « quevous devriez faire n'importe quoi pour m'aider...

» Mais l'exigence est arrêtée en route.

C'est une violence qui sortde soi et qui devient attente car entravée par la faute, autrement dit : « je sais que je suis coupable mais je souffretant.

» Le véritable appel est risque car il y a décision de se faire objet pour une liberté ; ce qui implique lareconnaissance de la liberté de l'autre par le « demandeur », le risque consenti que cette reconnaissance soitunilatérale, l'engagement à ne pas soumettre ma liberté à celle de l'autre et vis versa en cas d'unilatéralité, lademande que ce risque apparaisse comme librement couru et le don de ma fin comme librement fait, mais commel'autre ne peut reconnaître à première vue cette liberté qui donne, comme il ne peut le comprendre que dans lareprise du don et son dépassement, la compréhension que je demande ne peut se réaliser que dans et par l'aide.

Deplus, le fondement de l'appel s'appuie sur ces deux principes de ma liberté : premièrement, « la liberté de l'autre nepeut que vouloir ma liberté si ma liberté veut celle de l'autre car elle veut aussi la libre reconnaissance de sa libertépar une liberté » ; secondement, la liberté existe en donnant et non en se donnant.

Autrement dit, cet appel estreconnaissance concrète de l'autre, c'est-à-dire reconnaître la liberté de ses fins propres dans la difficultééprouvée, dans sa finitude, à la différence de la reconnaissance d'une liberté inconditionnée.

Au contraire, quand onse constitue objet de la pitié aux yeux de l'autre, on se fait entièrement transcender et on accepte d'être secourupar la pitié de l'autre qui supposera que c'est un sentiment induit et donc non libre, ainsi on ne reconnaît pas laliberté de l'autre car en se posant comme objet, on pose autrui comme déterminé et par-là l'ensemble humain perdson caractère de fin.

Il semble ici que faire appel à la pitié d'autrui est distinct et beaucoup plus moral étant donnéle respect des fins de l'autre que le fait de se poser en tant qu'objet de la pitié du compatissant.

(Sur le point de ladimension morale de la pitié, je vous renvoie au second mouvement du développement) Pour finir sur cette figure du« pris en pitié », il semble intéressant de prendre en considération un cas très particulier qui se résume en la simplequestion : peut-on avoir pitié de soi-même ? Une réponse affirmative peut tout à fait être envisagée.

Prenonscomme illustration de ce fait le cas d'Ulysse dans le huitième chant de l'Odyssée .

Ce dernier qui n'a jamais encore pleuré, fond en larmes en entendant chez le roi des Phéaciens, le chanteur Démodocos faire une apologie de sa vieantérieure de héros alors que sa vie présente est miséreuse.

L'auteur de DieWelt als Wille und Vorstellung , explique. »

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