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La religion de l'humanité (Auguste Comte)

Publié le 17/03/2011

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religion

    La morale de Comte telle qu'elle s'est d'abord développée spontanément dans son œuvre, sous la double influence de son caractère personnel et de ses idées sur la nature et les conditions de la vie humaine. Mais, avant même d'avoir atteint le terme de son développement, cette morale est venue se rattacher à une conception plus large et plus haute de la vie humaine et de son principe : elle s'est incorporée à la religion de l'Humanité. L'économie intérieure de la morale positive n'en a été d'ailleurs nullement modifiée. Elle propose toujours la même fin et édicté les mêmes préceptes. Mais le principe pratique y est envisagé d'un point de vue nouveau, destiné à lui conférer une grandeur et une efficacité incomparables. Les préceptes, à leur tour, y reçoivent l'appui du culte, c'est-à-dire d'un système de pratiques, privées ou publiques, destinées à entretenir et à exalter la moralité intérieure. Ainsi la religion achève la morale et ajoute à son autorité, en même temps qu'elle la coordonne aux autres disciplines de la vie.

religion

« la notion de l'Humanité à l'idée de Dieu.

Mais, vraies ou fausses, ses idées sur ce point sont singulièrementintéressantes et suggestives.

Car, dans cet effort pour instituer la religion démontrée et pour définir les dogmes',Comte est conduit à compléter sa philosophie, qui n'était qu 'une esquisse flottante, et à restaurer dans le plan etdans l'esprit du positivisme les croyances constitutives de ce qu'on nomme la religion naturelle : Dieu, la spiritualitéde l'âme, l'immortalité.

2° Les dogmes de la religion positive.

-— L'Humanité est appelée à remplacer Dieu.

Sans doute, Comte ne laconçoit pas comme le principe des choses, au sens de cause efficiente.

Il serait évidemment absurde de lui attribuerla formation d'un monde où elle n'a que sa place et aux lois duquel son existence et son développement se trouventétroitement subordonnés.

Mais, outre que c'est vers la réalisation de l'Humanité que converge la complicationprogressive des phénomènes, par rapport à nous, — et c'est d'après cette relation que doit se constituer unephilosophie positive, — l'Humanité est la puissance dont nous dépendons directement et absolument.

C'est d'elle quechacun de nous reçoit ses idées, ses sentiments et les moyens extérieurs de son bonheur.

Elle est notre vraieProvidence.

Interposée, avec ses inventions accumulées, entre la nature et nous, elle nous protège contre l'actionindifférente et brutale des choses, et elle nous prépare un avenir meilleur.

Si elle n'a pas créé les matériaux qu'elleélabore et qu'elle ordonne pour notre bien, son « affectueux ministère » les rend seuls vraiment propres à notreusage.

Accessible à notre amour aussi bien qu'à notre connaissance, elle peut être l'objet de notre reconnaissanceet de notre bonne volonté.

Entre elle et nous peut s'établir un commerce réel : c'est un Dieu à la portée de noscœurs Et, comme elle a du Dieu des théologiens la bonté prévoyante et dévouée, elle a quelque chose aussi de sagrandeur et de sa majesté.

Se déployant dans le temps et dans l'espace, elle dépasse infiniment nos individualitéspérissables : elle est vraiment l'Être, le Grand Être, comme la nomme A.

Comte.

Mais ce n'est pas un être immobile :l'Humanité est vraiment le Dieu vivant qui se fait de jour en jour et que l'on peut servir efficacement, puisqu'il résultede nos efforts.

Toutefois on comprendrait mal la dignité que A.

Comte attribue au Grand Être, si on le confondait avec la suiteindéfinie des hommes.

Il y a de tout dans l'Humanité, y compris la sottise et le vice; mais tout ce qui a vécu sous laforme d'homme n'est pas apte à faire partie du Grand Être.

L'homme qui n'a vécu que pour lui disparaît tout entier;mais le génie ou la bonne volonté des vrais serviteurs de l'Humanité survivent impérissables.

N'entendez pas par làseulement que leurs œuvres extérieures subsistent, les livres, les institutions, etc..., mais c'est leur âme, le meilleurd'eux-mêmes, — la mort éliminant tout l'individuel, c'est-à-dire l'imparfait, — qui revit dans les hommes d'aujourd'hui,leur donnant leur force et faisant leur grandeur.

En nous se continue la vie de nos prédécesseurs : leur esprit noushante pour notre bien, et.

de plus en plus, les vivants sont dominés et gouvernés par les morts.

C'est l'ensemble desâmes ainsi survivantes qui constitue le Grand Être.

Il se forme donc peu à peu, mais il subsiste et ne naît pas pours'évanouir avec l'existence éphémère des individus : de sorte qu'il est en quelque façon au-dessus du temps, aussibien qu'indépendant de l'espace et même du nombre, puisque le génie d'un grand homme disparu peut animer etéclairer à la fois une pluralité indéfinie d'individus actuels dispersés dans les lieux les plus divers.

On peut dire mieuxencore : il n'est pas jusqu'aux hommes de demain qui ne puissent vivre déjà dans nos rêves et dans nos désirs,comme la fin efficace de notre bonne volonté qu'elle suscite et dirige.

Il semble donc que déplus en plus, dansl'imagination de Comte, le Grand Être se distingue de l'Humanité réelle et physique.

Enveloppant dans son essenceles formes les plus hautes, passées ou futures, de la vie et du génie humain, il semble se confondre avec ce qu'undisciple de Hegel eût appelé l'idée de l'Humanité.

En tout cas, sans prêter à Comte des intentions métaphysiques quin'étaient pas les siennes, nous devons constater dans le développement de sa religion, dans l'intervalle du Discourspréliminaire au second volume de la politique et de ce second volume au quatrième, un effort de plus en plus marquépour idéaliser le Grand Être et pour l'affranchir des limitations et des imperfections de l'Humanité réelle.

Le terme,inaperçu, non visé, mais réel, de ce progrès serait la transformation définitive de l'Humanité en une Idée au sensplatonicien ou hégélien.

Dans cet acheminement involontaire à un système de métaphysique transcendante, ce que Comte rétablit bienincontestablement, — logiquement ou non, peu importe ici, — c'est l'antique spiritualisme.

Pour expliquer la naturedu Grand Être, Comte est amené à distinguer deux modes de l'existence : la vie objective et la vie subjective.

L'uneest constituée par l'exercice des facultés morales sous la forme d'une individualité physique actuelle.

Tout autantque dure cette existence, la vie morale est subordonnée aux imperfections de la personnalité physique : sonefficacité, sa moralité sont bornées.

Mais dans la mesure où un homme a su s'affranchir, par un effort moral, del'égoïsme et du dilettantisme intellectuel, il mérite de survivre et il survit, en effet, non plus visible et distinct,circulant parmi les corps, mais incorporé aux individualités des hommes qui lui succèdent et qui représentent à leurtour l'Humanité éternelle.

Telle est la vie subjective, succédant à la vie objective.

Il ne faut pas entendre par làseulement que quiconque a bien mérité de l'Humanité survit dans la mémoire des hommes.

C'est, en effet, ce quiarrive aux plus grands ; mais c'est là un surcroît d'existence subjective.

La plupart subsistent anonymes, inconnusdes hommes en qui leur esprit se conserve et s'exerce ; mais c'est bien la substance même de leur génie qui,affranchie de toute loi physique, se transvase, pour ainsi dire, de cerveau en cerveau, ou se répand à la fois danstous.

Quoi qu'il en soit des explications physiologiques de Comte et de son anatomie fantaisiste, il n'en arrive pasmoins à cette conclusion, inattendue en un tel système, que l'esprit, conçu comme le consensus des phénomènespsychologiques, tout conditionné qu'il soit par l'organisme, en est pourtant séparable et capable de s'exercersuccessivement à la faveur d'organismes différents.

Tel est, en effet, le spiritualisme, ou le spiritisme, qu'impliquenécessairement la théorie positiviste de l'immortalité subjective.

3° Le culte.

— Il nous suffit d'avoir ainsi indiqué à grands traits l'esprit et l'intérêt de la religion positive.

Nous nepouvons que renvoyer aux ouvrages de Comte pour le détail de ces doctrines.

On trouvera particulièrement, dans lequatrième volume du Système de politique, (ch.

II), l'exposition des pratiques qui constituent le culte approprié à lareligion de l'Humanité.

Comte en distingue trois formes : le culte personnel, dont les pratiques (la principale est la. »

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