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l'ambiguïté des mots peut-elle être heureuse ?

Publié le 29/07/2005

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Cependant, ce n'est pas là la faute du mot, mais celle d'une pensée défectueuse, indéterminée, sans teneur. De même que la pensée vraie est la Chose, de même le mot l'est aussi, lorsqu'il est employé par la pensée vraie. C'est pourquoi, en se remplissant du mot, l'intelligence accueille en elle la nature de la Chose. »HEGEL, Encyclopédie des sciences philosophiques (1817), t. III, Philosophie de l'esprit, Addition du § 462, trad. B. Bourgeois. Les mots sont porteurs de sens et dressent un pont entre la pensée et les choses en dehors d'elle. L'ambiguïté alors doit être comprise comme étant cette dualité qui habite le mot, non plus deux significations face à face mais d'une part la pensée et d'autre part la chose. Cette ambiguïté a pour finalité d'être dépassée puisque la pensée et la chose se trouvent réunies dans le mot.

Nous parlons d'ambiguïté à propos d'une situation ou de termes dont la signification n'est pas claire mais peut être double, autrement dit peut signifier une chose ou une autre. L'ambiguïté des mots fait donc référence à une incertitude, un doute, portant sur leur sens. Ainsi un discours ambigu sera compris de différentes manières, il rendra possible plusieurs interprétations qui auront pour finalité de tenter de découvrir son sens, un sens qui ne peut être saisi de lui-même mais est laissé à la réflexion des auditeurs. Le fait qu'un discours puisse être compris différemment n'est pas nécessairement voulu par le locuteur. En effet si les auditeurs peuvent être en désaccord à propos de l'objet d'un discours, ils peuvent pour la même raison, à savoir l'ambiguïté des mots, ne pas comprendre ce que le locuteur a voulu faire passer comme message dans son discours. Il apparaît donc que l'obscurité d'un discours, le fait qu'à un même mot pourront être associées des significations différentes, est loin d'être visée, le langage servant bien plutôt à communiquer, à transmettre une information dont le sens est le même pour les locuteurs et l'auditeur. L'ambiguïté des mots relève donc de l'infortune, d'un hasard malheureux qui fait obstacle à cette communication et s'exprime par une mauvaise compréhension de la part de l'auditeur ou du lecteur. Cependant dans un contexte artistique, par exemple la lecture d'un roman, les interprétations pourront différer et c'est ce qui mettra en évidence la richesse de l'écriture, le fait que différents sens peuvent être donnés à un même écrit. Dans ce cas l'ambiguïté des mots loin d'être fuie est bien plutôt recherchée dans la mesure où c'est en elle que réside la diversité des interprétations et la puissance évocatrice d'un livre. L'utilisation des mots ne suit pas nécessairement la même finalité selon les cas. S'il s'agit d'un discours politique, par exemple, ce qui sera visé est la compréhension de tous et l'accord de tous sur la signification à donner à ce discours. S'il s'agit d'une oeuvre littéraire dans ce cas la multiplicité des interprétations sera au service de sa richesse, l'obscurité, ou l'ambiguïté ne sera pas proscrite.  Cependant même à l'écoute d'un discours qui se veut compréhensible par tous, donc ne recherchant pas à être ambigu, il se peut qu'il soit l'objet d'interprétations différentes. De même pour l'oeuvre littéraire l'ambiguïté d'un poème ou le fait qu'il invite à différentes interprétations ne remet pas en cause le fait que le poète en l'écrivant avait une idée précise, suivait une signification précise qui ne se trouve pas forcément en accord avec notre interprétation. Ainsi même en visant la clarté un discours ou une oeuvre artistique ne peuvent exclure totalement l'ambiguïté, le fait que la signification des mots peut être double. Que faut-il en conclure sur la nature de cette double signification ? Est-elle souhaitable ou regrettable ?

« Deuxième partie : La puissance évocatrice des mots. 2.1 Les mots n'ont pas pour seule fonction de communiquer, ils contiennent en eux-mêmes une richesse de signification qui les rapproche du rêve. « Je suis un rêveur de mots, un rêveur de mots écrits.

Je crois lire.

Un mot m'arrête.

Je quitte la page.

Les syllabes du mot se mettent à s'agiter.

Des accents toniques se mettent à s'inverser.

Le mot abandonne son senscomme une surcharge trop lourde qui empêche de rêver.

Les mots prennent alors d'autres significations comme s'ilsavaient le droit d'être jeunes.

Et les mots s'en vont cherchant, dans les fourrés du vocabulaire, de nouvellescompagnies, de mauvaises compagnies.

» BACHELARD, La poétique et la Rêverie. De la même manière que les mots risquaient de figer les idées, le fait d'attacher une seule signification à un mot l'appauvrit. 2.2 L'imagination rend fructueuse l'ambiguïté des mots, puisque celle-ci n'est pas vécue comme un obstacle mais comme une occasion. « C'est l'imagination qui a enseigné à l'homme le sens moral de la couleur, du contour, du son et du parfum. Elle a créé, au commencement du monde, l'analogie et la métaphore.

Elle décompose toute la création, et, avec desmatériaux amassés et disposés suivant des règles dont on ne peut trouver l'origine que dans le plus profond del'âme, elle crée un monde nouveau, elle produit la sensation du neuf.

» BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques, Salon1859. Transition : si les références au rêve et à l'imagination rendent l'ambiguïté des mots heureuse c'est parce que ce qui est recherché dans les mots n'est pas alors la vérité mais l'interprétation, le fait pour l'homme de devenircréateur de sens.

Cependant les mots ne sont pas que cela, ils servent d'autres finalités.

Comment résoudre cettepluralité de finalité qui selon les cas dévalorise leur ambiguïté ou la valorise ? Troisième partie : Le langage est au service de la pensée et l'interprétation. 3.1 Pour éviter les conflits liés à l'ambiguïté des mots la pensée pourrait-elle se résoudre à abandonner les mots ? « Mais il est également risible de regarder le fait, pour la pensée, d'être lié au mot, comme un défaut de la première et comme une infortune ; car, bien que l'on soit d'avis ordinairement que l'inexprimable est précisément cequi est le plus excellent, cet avis cultivé par la vanité n'a pourtant pas le moindre fondement, puisque l'inexprimableest, en vérité, seulement quelque chose de trouble, en fermentation, qui n'acquiert de la clarté que lorsqu'il peutaccéder à la parole.

Le mot donne, par suite, aux pensées, leur être-là le plus digne et le plus vrai. Assurément, on peut aussi — sans se saisir de la Chose — se battre avec les mots.

Cependant, ce n'estpas là la faute du mot, mais celle d'une pensée défectueuse, indéterminée, sans teneur.

De même que lapensée vraie est la Chose, de même le mot l'est aussi, lorsqu'il est employé par la pensée vraie.

C'estpourquoi, en se remplissant du mot, l'intelligence accueille en elle la nature de la Chose .

»HEGEL, Encyclopédie des sciences philosophiques (1817), t.

III, Philosophie de l'esprit, Addition du § 462, trad.

B.

Bourgeois. Les mots sont porteurs de sens et dressent un pont entre la pensée et les choses en dehors d'elle. L'ambiguïté alors doit être comprise comme étant cette dualité qui habite le mot, non plus deux significations face àface mais d'une part la pensée et d'autre part la chose.

Cette ambiguïté a pour finalité d'être dépassée puisque lapensée et la chose se trouvent réunies dans le mot. 3.2 La réunion de la pensée et de la chose par le langage peut être considérée du point de vue de l'interprétation qui met en évidence la singularité de cette réunion, le fait qu'elle diffère selon les individus. « Connaître c'est toujours entrer en relation avec quelque chose...

que les choses puissent avoir une nature en soi, indépendamment de l'interprétation et de la subjectivité, c'est une hypothèse parfaitement oiseuse; ellesupposerait que l'interprétation et la subjectivité de sont pas essentielles, qu'une chose détachée de toutes sesrelations est encore une chose...

Le caractère interprétatif de tous les phénomènes choisis et groupés par un êtrequi les interprète.

» NIETZSCHE, Oeuvres posthumes. CONCLUSION L'ambiguïté des mots peut être heureuse mais pour le démontrer il faut prendre le terme d'ambiguïté dans deux sens différents.

Ainsi quand se trouve considéré le rapport de la pensée en général aux choses extérieuresnous parlerons d'ambiguïté dans le sens où le mot est tiraillé entre la pensée et la chose extérieure.

Cette dualitédes mots est heureuse dans la mesure où elle est dépassée en tant qu'elle permet la réunion de la pensée et deschoses extérieures.

Quand il s'agit de considérer la pluralité de cette même réunion selon les individus, l'ambiguïtéest alors comprise comme correspondant aux interprétations diverses, autrement dit aux différents rapports desindividus au monde.

L'ambiguïté est alors dite heureuse dans la mesure où elle permet l'expression de la singularité,de l'individualité.. »

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