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Le retour à la nature est-il un retour à l'origine ?

Publié le 15/04/2005

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Le retour à la nature désigne une certaine aspiration : il s'agit pour ceux qui critiquent les méfaits de la civilisation, ses excès de technique ou de mécanisation ou encore de pollution, d'espérer retrouver dans la nature un environnement supposé pur. Demandez-vous alors en quoi une telle aspiration peut être interprétée comme un retour à l'origine. Cependant de quelle origine parle-t-on ici ? Il ne s'agit pas de l'origine de l'individu qui effectue ce retour mais bien de celle de l'espèce... Or au sens strict un tel retour ne semble guère avoir de sens : montrez qu'une telle origine ne saurait être retrouvée tant le monde a été transformé par l'homme. Demandez-vous alors quel sens on peut donner à ce retour à la nature : n'est-ce pas justement en partie parce que c'est cette origine imaginée ou rêvée que l'on cherche à retrouver.

« II.

L'imposture de la nature originelle Deux figures humanistes se dessinent et s'opposent : l'homme de la ville et de la technique, avili par le technicismedéraisonné d'une poignée d'hommes amoraux et avides.

En face : l'homme sain, qui a su conservé ses valeur, avecune fascination pour l'authentique.

Cet homme là a quelque chose de l'Adam d'avant le péché de connaissance… entout cas il s'en rapproche.

C'est la pureté de l'humanité qu'il essaye de retrouver.

Cette fois le parangon de cetteidéologie, c'est le nazi.

Bernard Henri Lévy a bien montré comme cette obsession de pureté est probablement lacomposante essentielle des fascismes.

Toute l'esthétique, tout l'imaginaire de la société nazie tourne autour de lanature qui rend fort, du sport, du corps athlétique des grecs… Nombre d'écologistes perçoivent leur mouvement comme nécessairement progressiste.

Or, l'analyse critique de son histoire montre que dès sesorigines, il comportaitdes courants réactionnaires pouvant mener droit à la barbarie.

Sous des apparences progressistes, ce « fascismevert » est un fascisme pur et dur qui n'intègre les préoccupations écologiques que pour renforcer ses positionsautoritaires, racistes, antisémites et sa haine de la raison.

Dans la première moitié du siècle, deux intellectuels sedistinguent par leur approche de la nature : le premier s'appelle Ernst Moritz Arndt et développe une théoriecombinant l'amour de la terre et un nationalisme xénophobe ; le second est Wilhelm Heinrich Riehl.

Ce dernierconstruit sur l'héritage de Arndt en mettant un accent particulier sur le romantisme agraire et la haine des villes.

Lesthéories d'Arndt et Riehl trouvent un écho favorable dans la deuxième moitié du XIXe grâce au développement dumouvement völkisch, que l'auteur définit comme un « populisme ethnocentrique avec un mysticisme de la nature ».Concrètement, le mouvement prône un retour à la terre et à la vie simple et s'attaque au rationalisme, aucosmopolitisme et la civilisation urbaine (donc aux Juifs, censés incarner l'ensemble).

Puisque la société doits'inspirer des règles de la nature, le nazisme établit un lien entre la préservation de l'environnement et la protectionde la pureté de la race : pas de pollution extérieure, pas de mélange des races.

Pourquoi l'idée de retour à la naturea-t-elle, en elle, les germes de cet éco fascisme ? Parce que l'idée même que la nature puisse être un touthomogène, radicalement différent dans son essence de la culture… en fait, de penser même l'idée d'une origine,comme un curseur que l'on pourrait déplacer sur notre temps dépravé, s'apparente à une pensée mythique.

Dès lorsque l'on souhaite la plaquer sur le réel, c'est une idéologie.

Et comme l'idéologie n'est pas falsifiable, ainsi que l'amontré Popper, elle est dangereuse. III. La nature dans l'utopie L'autre versant, le versant positif de la pensée mythique, c'est lorsque la raison comprend que le mythe n'est pasfait pour être plaqué sur le réel.

Mais que pour autant, il peut servir à penser le présent : c'est l'utopie.

Carpersonne ne songe plus à contester que le technicisme comprend des aspects néfastes et qu'il est nécessaire dedévelopper une pensée de l'environnement. Élaborée et construite par l'homme, l'utopie suppose par définition une victoire sur la nature, une utilisation et un dépassement du donné brut.

Expression radicale de la moderniténaissante, l'utopisme ne se résigne plus, comme le faisait la pensée médiévale, à l'humilité et à la soumission face àune nature hostile.

Mais au XXe siècle, le courant utopique semble, sur ce point, se scinder en deux branchesantagonistes.

Aux utopies technologiques, utilisées ou suscitées par les systèmes totalitaires, s'opposent desutopies du renoncement à latechnique et du retour à la nature, en particulier dans le monde anglo-saxon d'après-guerre.

Comme si la pensée utopique ne pouvait décidément plus, sans éclater, assumer la complexité du XXe siècle,les espoirs et les menaces simultanées de la révolution technologique.

Pourquoi l'utopie sert-elle à penser le présent,pourquoi est-ce une pensée politique ? Dans le langage courant actuel, " utopique " veut dire impossible ; uneutopie est une chimère, une construction purement imaginaire dont la réalisation est, a priori, hors de notre portée.le recours à la fiction est un procédé qui permet de prendre ses distances par rapport au présent pour mieux lerelativiser et de décrire, d'une manière aussi concrète que possible, ce qui pourrait être.

L'utopie naturelle seraitdonc comme une loupe, qui permettrait de grossir certaines attentes légitimes, de les rendre compréhensibles par laschématisation. Le plus bel exemple de ce retour à la nature comme projection de l'esprit pour construire le présent, c'est l'état denature : à partir de lui, nous avons pensé l'ordre politique moderne.. »

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