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Léon Trotski

Publié le 22/02/2012

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" Je ne connais pas de tragédie personnelle. Je ne connais que la substitution d'un chapitre de la révolution à un autre ".       Eh bien, si, une tragédie personnelle. Rien, par chance d'ailleurs pour l'honneur personnel de Trotski, rien qu'une tragédie mineure, ne tirant pas à conséquence pour l'Histoire ­ celle dont on prétend qu'elle a un sens. Ou plutôt, en toute équité, une tragédie qui n'a de sens que pour un petit groupe et, par-delà ce groupe, pour ceux, individus ou catégories, qui, de fondation, se trouvent à quelque époque que ce soit, dans la situation où était Trotski.       Certes, Trotski fut sans conteste de 1917 à 1920 une figure majeure de la Révolution d'Octobre. Expulsé de France en 1916, conduit à la frontière espagnole, envoyé sous escorte à Cadix, embarqué sur un navire en partance pour les États-Unis où il arrive en janvier 1917, c'est à New York qu'il apprend quelques semaines plus tard que la révolution a éclaté à Petrograd. Il reprend la mer tout aussitôt, le 21 mars : encore un bref contretemps quand les autorités anglaises d'Halifax le jettent au passage dans un camp de prisonniers allemands et, libéré le 29 avril, le voici à Petrograd le 17 mai. Arrêté encore le 23 juillet au lendemain des " Journées de juillet " et jusqu'au 4 septembre, date du putsch manqué de Kornilov, il devient président du Soviet de Petrograd (23 septembre), président du Comité Militaire Révolutionnaire (9 octobre) chargé de préparer l'insurrection décisive. Après la prise du pouvoir par les Bolcheviques, le 7 novembre, on le verra successivement commissaire du Peuple aux Affaires étrangères jusqu'au traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), puis commissaire à la Guerre et président du Conseil Militaire Suprême : créateur de l'Armée Rouge, il est, de son fameux train, l'artisan de la victoire après trois ans d'une atroce guerre civile.     
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« de travail le 20 août 1940 ? Les comportements de Trotski appellent des observations de même nature.

Ce qui frappe d'abord dans son style devie et de travail, c'est la recherche pathétique de l'identification et de l'enracinement qui le fait fuir pour lui-mêmeet condamner chez les autres tout ce qui relève de l'amateurisme, du dilettantisme, de la bohème, traits fréquentsd'une émigration révolutionnaire qui ne parvint pas à prendre tout à fait au sérieux et à charge ses propres objectifsde combat.

Ce dont au contraire Trotski entend persuader par l'intense régularité de l'emploi de son temps et par larigoureuse convergence de ses intérêts, de ses écrits et de ses actes vers le champ unique de la politiquerévolutionnaire, c'est qu'il est un révolutionnaire professionnel, reconnaissable à la double marque d'identification quesont le sérieux et l'esprit de responsabilité.

De là aussi, ce qu'il appela un jour, l'appliquant à l'un de ses partisans,un " sens tragique de l'organisation " : l'organisation qui, aussi réduite soit-elle, est de l'ordre du réel, signe matérielet visible de la durée.

Pourtant ce statut auquel il aspirait, Trotski se l'est, d'une manière générale, vu refusé.

Par excès d'ailleurs.

Deux qualificatifs lui sont en effetcouramment appliqués qui signent sous cet angle sa condamnation : brillant et ambitieux.

Deux qualificatifs auxquels, pour des raisons audemeurant différentes, on ne recourt jamais à propos de Lénine P190 ou de Staline P303 .

L'éclat (qu'on se plaît à souligner de sa plume, de sa parole, de son action), l'ambition (qu'on lui prête) sont destinés à faire écran et créent la distance qui empêche de confondre Trotski, comme il le faudrait,avec le processus révolutionnaire lui-même.

Aussi est-ce sans surprise qu'on constate que finalement Trotski n'a jamais eu, même au plus haut de sa gloire, que des affectations périphériqueset interstitielles dans l'organigramme du mouvement révolutionnaire russe ou international.

Dès 1901, lors du grand affrontement entre les deuxfractions du Parti Ouvrier Social-Démocrate Russe, il combat les Bolcheviques et Lénine P190 qu'il traite de dictateur mais n'en rompt pas moins avec les Mencheviks.

De même, en 1917, quand il arrive à Petrograd, il se situe loin des Mencheviks et des Socialistes révolutionnaires mais iln'est pas non plus bolchevique : il n'est que le chef d'un groupuscule, l'Organisation Interdistricts.

Il est d'ailleurs élu membre du Comité centralbolchevique avant d'être formellement devenu Bolchevique.

Plus tard, même si le Communisme de guerre fait du chef de l'Armée un personnageessentiel, il reste que les principes de légitimité du pouvoir communiste, fondant la préséance du civil sur le militaire, donnent à l'appareil du Partile pas sur l'armée.

Enfin la défaite et l'exil ne laissent à Trotski d'autre choix que de revenir à ce qu'il était avant 1917 : un orateur, un journaliste, unécrivain avec certes un riche réseau de correspondants dont certains se trouvent éventuellement à la tête d'organisations plus ou moins étoffées,mais rien qui soit comparable à ce qu'est un appareil unifié, centralisé et hiérarchisé.

" Trotski, écrit à juste titre Pierre Naville, fut le dirigeant d'unparti sans avoir été celui d'un appareil.

" Dans la sphère du léninisme, cela tire à conséquence fâcheuse.

Ces manifestations classiques d'une certaine forme d'échec et de rejet propre à l'univers communiste entraînent que Trotski présente un hautexemple, non d'héroïsme révolutionnaire, mais d'héroïsme moral : en ce sens qu'encombré par sa propre personne, il se trouve perpétuellement refoulé de l'Histoire (dont la révolution constitue un moment) et condamné au repliement sur lui-même.

Il n'est peut-être pas indifférent de noterque Staline P303 dont Trotski n'avait pas saisi, malgré son intelligence " brillante ", qu'il lui fallait être une " éminente médiocrité " pour devenir ce qu'il fut : le Petit Père des Peuples au centre de la toile soviétique et le Stalinisme comme système de pouvoir ont reçu, à titre d'équivalent certesmystificateur mais significatif aussi, la dénomination de culte de la personnalité.

Trotski, lui, n'est qu'un personnage.

Personnage, et personnage tragique, par la surabondance des malheurs personnels qui le frappent, imaginaires ou bien réels.

Imaginaires :comment, par exemple, à lire les souvenirs qu'ils gardent de leur enfance respective, ne pas pressentir que Staline P303 l'emportera sur Trotski ? Le premier dont chacun sait que son cordonnier de père buvait affreusement et s'éclipsa d'ailleurs très tôt, abandonnant femme et fils à la noire misèreaprès les avoir, du temps où il était là, copieusement battus, affirme sans se démonter qu'il eut une enfance de petit prince, heureuse et choyée.

Lesecond dont la famille unie était attentive à ses devoirs, une famille simple mais forte, dure à l'ouvrage et réservée dans l'expression de sessentiments mais solide et sûre dans sa conception du droit et du bien, le voici qui se plaint et gémit " d'une enfance toute grisâtre ".

Il est vrai que, si Trotski est injuste avec ce que le sort lui avait initialement réservé, il eut au centuple l'occasionde connaître le malheur dans ce qu'il peut avoir de plus extrême : les récits de ce qui advint à sa première femme,ses quatre enfants, ses petits-enfants ne sont qu'une suite ininterrompue de drames atroces où se conjuguent folie,suicide, déportation, disparition, empoisonnement, enlèvement.

Personnage tragique encore par le fait qu'il semble que, chaque fois qu'il s'en rapproche, prêt à le maîtriser, le réellui échappe et se transforme en chimère : aussi n'incarne-t-il pas la révolution, mais le désir de révolution.Entéléchie, désir, point de fuite, quelque chose qui n'est et ne sera pas de ce monde.

Personnage tragique enfin parce que prisonnier d'un destin auquel il n'échappe pas malgré son opiniâtredétermination à en sortir, comme en témoigne l'opposition caractéristique entre l'arbitraire de sa vie tant qu'il fut unrévolutionnaire dans l'histoire et son authenticité quand il devint un " prophète désarmé ".

Cet arbitraire le fait que ce qui relève de sa volonté ne parvient pas à relever de la nécessité nourrit " cetteinépuisable vertu polémique " qui est le ressort de son énergie, mais aussi le côté théâtral de sa conduite.

Sansprise sur l'événement, n'intéressant qu'en elle-même, sa vie s'ordonne plutôt selon les catégories de l'esthétique queselon celles de la politique et l'on est fasciné par son style plus que par ses thèses.

Parce que les responsabilitésqu'il accepte de prendre n'ont pas le poids de l'inéluctable, l'originalité, l'inventivité dont il fait preuve dans lesanalyses qu'il développe et les solutions qu'il propose ne constituent que le bénéfice de la position où il est :imprévisible parce que sans contraintes extérieures.

Le moment néanmoins vient où tout se met à sonner, hélas, carrément vrai et fort : quand, dans la droite fidélité au destin de son peuple, Trotskiassume le besoin que la Révolution, comme toute autre société, a d'évacuer ses péchés sur quelqu'un monument, institution qui lui soit lié etpourtant étranger.

A Lénine P190 qui lui proposait de prendre la tête du gouvernement révolutionnaire, Trotski opposa un refus en rappelant ses. »

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