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Les futurs sont ils contingents ?

Publié le 11/11/2005

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  II Les enjeux implicites de la notion de postériorité   Ainsi le futur n'est jamais qu'un outil méthodologique qui permette de désigner les mouvements à l'oeuvre dans le réel. Ceci étant posé, quel intérêt y a-t-il à mener une réflexion sur le futur en tant qu'objet en soi ? C'est évidement que la pensée d'une postériorité nécessaire ou contingente n'interroge pas la notion même mais se rattache à une réflexion plus générale articulée autour de la pensée du destin. La pensée de Leibniz se confronte précisément à cette problématique : en effet, Leibniz ne conçoit pas d'action humaine autrement qu'au moment de son actualisation. De cette façon, il n'existe pas de pêché 'originel', l'individu n'est damné que dans la répétition de sa mauvaise action. Il détermine en cela une attitude moderne énoncée notamment par Malraux selon laquelle ce n'est qu'à la mort de l'individu que ses actes se changent en ce qu'on appelle le « destin » de cette personne.    III La liberté   De cette manière, la question de déterminer la nécessité et la contingence peut se réduire à un rapport entre fatalisme et déterminisme, dont la pensée stoïcienne s'est fait l'écho. Considérer l'avenir comme le produit d'une nécessité extérieure à l'individu, ou tempérer l'arbitraire des évènements à venir par la reconnaissance d'une volonté de l'individu, c'est-à-dire de la possibilité de déterminer le déterminisme réduit ainsi la question de la contingence à celle des processus de naissance de la volonté. Chez Sartre notamment, le statut ontique du mot futur détermine une attitude existentielle. En effet, l'argument selon lequel la volonté individuelle est sans prise sur le désir qui la crée et la domine, se révèle sans objet dès lors qu'on situe l'identité du sujet en amont de sa conscience.

A strictement parler, s’interroger sur la modalité contingente du futur appelle une réponse positive : par définition, l’avenir s’annonce comme un horizon que nous sommes incapables de connaître.

En revanche, les expressions usitées par le sens commun mettent en évidence la tension entre contingence et nécessité : de « l’avenir est entre vos mains « à « ce qui doit arriver arrivera «, c’est le statut de l’agir et de la pensée qui se trouve radicalement modifié. Se trouve donc en jeu la réponse à la question métaphysique de la liberté humaine, et de la responsabilité qui s’en dégage, donc de l’éthique.

 

« IntroductionIl est toujours rassurant de savoir ce qui a été, ce qui est et ce qui sera.

Pour le mode passé, l'expérience personnelle, le témoignage d'autrui ou l'histoireelle-même peut nous apporter la preuve de l'existence d'un fait qui s'est produit.

Le présent s'enchaîne toujours déjà là sous nos yeux et nous livre l'êtremême en tant qu'il est multiforme et effectivement réel.

Si le passé peut conserver quelque obscurité, si le présent reste incessamment fuyant, qu'en est-ilalors du futur, ligne temporelle vers laquelle tout tend et qui pourtant demeure insaisissable ? Qui pourra bien offrir à son camarade la loterie du lendemain ?Qui pourra bien affirmer sans frémir une seconde qu'il est absolument nécessaire que le soleil se lève demain ? Et pourtant chacun infère quotidiennementde son expérience passée la nécessité du futur proche ou lointain en matière scientifique, chacun s'arroge naturellement la raison de croire que demain sera(sans même voir le pléonasme).I.

La contingence rentre dans l'ordre nécessaire des choses a.

Le terme de contingence a longtemps été associé à une vision religieuse de l'univers.

Il fallait préserver la logique indémontable de la nature, la légalité divine en somme, en tant que production de l'ordre immuable.

La contingence devint ainsi, pour combattre l'idée d'une déstabilisation impossible, laconsidération de futurs qui pouvaient autant être que ne pas être, mais qui conservaient leur inscription dans le plan providentiel.

D'autre part, accepter lecontingent, que les choses peuvent arriver autrement qu'on l'entende ou qu'on le prédise, c'est encore protéger la liberté humaine.

O n comprend en ce sensque les futurs contingents restaient, quoique contingents, soumis à des lois précises, d'un ordre supérieur.

C'est la raison pour laquelle on ne pouvaitcomprendre cette contingence intrinsèque comme de l'imprévisible.

Leibniz montrera que le miracle rentre dans l'ordre des choses, ordre voulu par Dieu, etque son caractère d'inattendu, d'imprévisible, de contingent, n'est que le produit de l'ignorance humaine, infiniment limitée devant l'omniscience divine.

Cefutur contingent devait ne pas être un futur imprévisible, dénué d'essence et d'intelligibilité, si l'on affirmait que Dieu était omniscient.

b.

Spinoza , de son côté, montrera que l'imprévisible, tout comme le hasard et la contingence, sont des concepts illusoires ; ce ne sont pas des réalités existant en soi, mais des représentations fausses qu'on se fait.

Imprévisible, hasard, contingence sont, tout comme la liberté, des illusions liées à notreignorance des causes.

L'imprévisible est lié à une méconnaissance des causes et des objets qui nous poussent à agir, à vouloir de telle ou telle manière.Tout est nécessaire et déterminé strictement dans la nature.

T out ce qui existe découle nécessairement d'une cause antérieure connue de Dieu, d'où l'idéed'un déterminisme causal rigoureux à l'œuvre dans la nature.

Si certains événements semblent imprévisibles pour l'homme, ils ne le sont pas en soi ou pourDieu : « Une chose singulière quelconque, autrement dit toute chose qui est finie et a une existence déterminée ne peut exister et être déterminée àproduire quelque effet, si elle n'est déterminée à exister et à produire cet effet par une autre cause qui est elle-même finie et a une existence déterminée ; età son tour, cette cause ne peut pas non plus exister et être déterminée à produire quelque effet, si elle n'est déterminée à exister et à produire cet effet parune autre [cause] qui est aussi finie et a une existence déterminée, et ainsi à l'infini » ( Ethique , Ie partie, « De Dieu », prop.

28 et 29).

Une nécessité causale déterminée, absolue, immuable, règne au sein de la nature, qui exclut tout imprévisible, et tout futurs contingents en soi ou pour Dieu.

c.

L'imprévisible reste ainsi quelque chose de relatif à l'égard de l'homme.

C ependant, comme l'indique Leibniz avec son principe de raison suffisante (« rien ne se fait sans raison suffisante, c'est-à-dire rien arrive sans qu'il soit possible, à celui qui connaîtrait assez les choses [Dieu], de rendre une raisonqui suffise pour déterminer pourquoi il en est ainsi, et non pas autrement », Principes de la nature et de la grâce fondés en raison , art.

7 et 8).

Il n'y a donc en droit, d'un point de vue divin, aucun imprévisible possible dans l'univers.

L'imprévisible n'existe que pour nous, de façon relative et provisoire, commeexpression de l'imperfection de nos connaissances des causes et des raisons des êtres.

II.

De quoi sera fait demain ? a. C'est au 17 e siècle que la contingence prendra une toute autre tournure, puisque ce qu'on nomme « la mécanisation de l'image du monde », dont la science de la nature est la principale représentante, tendra à vouloir supprimer, derrière un appareil toujours plus complexe de raisons causales, lacontingence de processus physiques.

L'observation pouvait elle-même être au fondement de prédictions futurs, et il suffisait d'avoir rencontré autant de foistel ou tel phénomène pour être dans la mesure d'affirmer sans faillir que sa reproduction interviendra à tel ou tel moment et dans tel ou tel lieu déterminé.Comment intégrer la contingence dans l'évolution cyclique des astres ? La prétention scientifique a pouvoir établir telle proposition sur l'avenir d'unsystème par la considération seule de son état présent, ne pouvait qu'emporter avec elle une rupture, une discrimination en quelque sorte, puisque seull'homme, au final, se voyait contraint de s'enquérir de la possibilité d'être incertain quant à ses actions ou à leurs conséquences.

Chaque situation étantfondamentalement unique et donc différente de toute autre, comment être sûr que telle conduite aura le même effet, le même résultat ; devant autant deparamètres à venir, qui marque l'angoisse du non agir, pourquoi ne pas suivre A ristote et adhérer au Kaïros, au moment opportun, propice, tel le samouraïimprévisiblement éconduit par une bande de brigands.

Bergson parlera, quant à lui, de l'intuition, comme la faculté à s'adapter au nouveau, à l'inattendu,l'intelligence étant, de son côté, l'habitude acquise après maintes expériences identiques.

L'homme a une peur du hasard, de ce qui n'est pas prévisible etqui relève de ce qui est accidentel et indéterminé.

Et c'est à cause de ces futurs incertains que l'homme vit son action sur le mode de la délibération, ententant de suppléer à l'imprévisible par la prudence, par le calcul.

b.

La connaissance a bien besoin d'une dose antiseptique de scepticisme pour mettre en branle tout l'appareil démonstratif et causatif que la raison construit.

Un représentant pertinent de cette méthode aseptisante sera l'empiriste écossais David Hume .

Il dénonce dans son Traité de la nature humaine (et plus brièvement dans son Enquête sur l'entendement humain ) les pensées « abstruses », dont les fondements n'ont aucune teneur expérimentale.

Traduction philosophique de la physique newtonienne, Hume va radicaliser les rapports qu'entretient l'individu avec le monde, mais aussi avec lui-même, au sens d'uneremise à niveau des principes véritables (ou du moins observables) conditionnant la nature humaine.

Il admettra ainsi que les grands principes physiquessont eux-mêmes le fruit d'une habitude, que les hommes croient de façon inconséquente, puisqu'il n'ont aucun fondement solide, aucune induction(l'induction consiste à légiférer à partir d'un certain nombre de cas observés) leur permettant d'être absolument certain de ce qui pourrait advenir.

Touteconnaissance semble fuir au contact de l'avenir, et seul la croyance régule les comportements, car il faut bien à un moment se laisser vivre, se défairenaturellement de l'emprise d'une rationalité exigeante et rassurante.ConclusionLe futur est ce mode temporel que l'homme ne peut jamais réellement saisir, si ce n'est en l'attendant devenir présent, pour le considérer.

C ar il sembletoujours qu'il y ait une part de contingence, dû à notre incapacité de prévoir la totalité des événements qui peuvent survenir.

Prédire est souvent l'actionrassurante de poser devant soi ce que l'on veut voir, par rapport à la familiarité de ce qu'on a déjà vu.

Dès lors l'homme n'ancre-t-il pas plus encore soninaptitude à comprendre la multiplicité des phénomènes en tenant indéfiniment le même regard sur ce qui advient, alors que tout événement, aussiressemblant soit-il avec un précédent, reste à jamais singulier et irréductible ?. »

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