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Les hommes doivent-ils travailler pour être humains ?

Publié le 11/02/2011

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I. ANALYSE DU SUJET. CONSEILS REMARQUES DE MÉTHODE    • Voici encore un sujet très classique, centré sur le concept de «travail« et sur la fonction formatrice et anthropologique du travail. C'est en réfléchissant soigneusement sur ces notions que vous découvrirez la trame du devoir :    - Le travail, création et appropriation du monde et de l'homme,    - le travail de subsistance, nécessaire pour survivre,    - le travail, maîtrise de l'angoisse de mort.    • L'intitulé du sujet constitue lui-même un paradoxe : le sujet affirme, en effet, que les hommes ne sont pas humains avant de travailler. Le sujet pose donc un problème en distinguant l'homme en tant qu'animal d'une nature humaine authentique qui ne serait atteinte que par le travail. C'est à la réalité de cette distinction qu'il faut répondre, c'est d'elle qu'il faut partir pour construire le devoir.    • Le plan découle de l'examen des fonctions du travail et est tout naturellement de type dialectique pour l'essentiel.   

« définitive, sur cette hypothèse : l'homme, avant de travailler, est un être appartenant à une sphère animale et,pour passer de l'animalité à l'humanité, il est dans l'obligation de travailler, d'effectuer un effort destiné à maîtriserl'univers. C'est à ce problème qu'il nous faudra répondre dans le cours de notre discussion. 2° Discussion A) Thèse : les hommes doivent travailler pour accéder vraiment à l'humanité. Que les hommes soient dans l'obligation absolue de travailler pour être humains, c'est bien ce que semblent nousrévéler toute analyse et toute réflexion sur le travail.

Reprenons notre définition initiale : travailler, disions-nous,c'est agir de manière à dominer la nature et les choses.

Cet acte qu'est le travail nous pouvons l'expliciter encorecomme un effort douloureux pour spiritualiser le réel et le soumettre à une forme, pour le façonner.

Or, que seproduit-il en ce « façonnage »? Quand nous travaillons, nous produisons quelque chose de stable en dehors denous.

Nous transformons le monde et, en cette transformation, nous nous éduquons nous-mêmes.

En quel sens letravail nous éduque-t-il? Nous refoulons nos désirs immédiats, désirs de jouissance simple; nous mettons donc àdistance notre propre immédiateté et la repoussons.

En refoulant ainsi nos « instincts », nous accédons à la maîtrisede nous-mêmes et nous nous libérons.

Non seulement nous nous humanisons en répudiant cette sphèreinstinctuelle, celle de la jouissance immédiate, mais, dans les choses, nous nous contemplons nous-mêmesobjectivés.

Refoulement des tendances immédiates, contemplation de notre « pour-soi » extériorisé, autant deprocessus correspondant à un passage de l'homme biologique à l'homme véritablement humain.

Car ils engendrentl'homme comme être de culture et de société. C'est ce qu'a remarquablement souligné Hegel, en des analyses aussi célèbres que percutantes, celles de ladialectique du maître et de l'esclave, dans la Phénoménologie de l'Esprit.

Quand deux consciences de soi opposéess'affrontent, le maître se fait reconnaître par l'esclave qui n'a pas voulu risquer sa vie ni la mettre en jeu.

Maisl'esclave va se libérer par le travail.

Alors que le maître jouit passivement des choses, puisqu'il profite des fruits dutravail de l'esclave, ce dernier, au contraire, extériorise sa conscience dans le monde et se transforme lui-même parcette pratique.

Ainsi le travail de l'esclave n'est pas seulement une contrainte sous l'effet de la puissance et dupouvoir du maître, c'est une production de soi-même dans le monde, un passage décisif vers l'humanité.

Si le maîtrese rapporte à la chose par l'intermédiaire de l'esclave, qui travaille pour lui, ce dernier crée les objets : or cettecréation permet à l'esclave de parvenir à l'humanité.

Le travail forme, nous dit Hegel, car il est « désir réfréné »(refoulement du désir immédiat) et objectivation du pour-soi, de la conscience.

En élaborant le monde, l'esclaveaccède à l'humanité authentique et change sa nature propre.

Le travail permet donc à l'homme (encore animal) dedevenir vraiment humain : « L'homme qui veut - ou doit - travailler, doit refouler son instinct qui le pousse à «consommer » immédiatement l'objet « brut ».

Et l'esclave ne peut travailler pour le Maître, c'est-à-dire pour un autreque lui, qu'en refoulant ses propres désirs.

Il se transcende donc en travaillant; ou si l'on préfère, il s'éduque, il «cultive », il « sublime » ses instincts en les refoulant.

D'autre part, il ne détruit pas la chose telle qu'elle est donnée.Il diffère la destruction de la chose en la transformant d'abord par le travail; il la prépare pour la consommation;c'est-à-dire il la « forme ».

Dans le travail il transforme les choses et se transforme en même temps lui-même : ilforme les choses et le monde en se transformant, en s'éduquant soi-même; et il s'éduque, il se forme, entransformant les choses et le monde » (A.

Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, p.

29-30, N.R.F.). Ainsi, il semble bien que l'homme soit dans l'obligation de travailler pour accéder à la véritable humanité.

Avant detravailler, il est encore infrahumain, en deçà de l'humanité, dans l'animalité.

Pour dépasser ce stade, l'homme doittravailler et, par conséquent, le travail n'appartient pas seulement à la sphère de la contrainte physique ou de lapure et simple nécessité, mais à celle de la liberté et de l'authentique humanité. B) Antithèse a) Travailler pour subsister? Ces analyses hégéliennes, pour belles et fortes qu'elles soient, semblent tomber, immédiatement, sous le coups de lacritique et devoir être remises en question.

En effet, toute réflexion sur le travail dans le cadre de nos sociétésaboutit à un constat manifeste : les hommes travaillent par nécessité vitale et sous Y effet de la contrainte.

Or,dans cette perspective, le travail n'humanise pas, mais déshumanise et arrache à l'homme son être.

Loin d'être unemanifestation de la vie, le travail aliène l'homme.

Travailler pour être humain et accéder à l'authentique humanité?Non point...

Pour beaucoup, il représente le sacrifice de la vie et de l'humanité, le renoncement à soi-même.

Censéhumaniser l'homme, le travail le déshumanise.

L'homme n'est ainsi dans l'obligation de travailler que dans le butd'assurer sa survie, par contrainte et nécessité, sans en retirer un gain anthropologique quelconque. Ainsi pensait Marx, en sa critique de la thèse hégélienne.

Cessons en effet de raisonner sub specie aeternitatis,sous la forme de l'éternité, pour examiner le travail dans notre société, à l'intérieur du mode de production «capitaliste » : le travail assure alors seulement la survie des hommes, des ouvriers qui désirent subsister.

Toutd'abord le produit du travail est étrange au producteur.

« L'ouvrier est à l'égard du produit de son travail dans lemême rapport qu'à l'égard d'un objet étranger » (Marx, Manuscrits de 1844, p.

57 Éd.

Sociales.) Mais dans laproduction également, le producteur est étranger à lui-même et à son essence.

Le travail est alors sacrifice de lavie : il n'humanise pas, mais il détruit.

Marx montrera que l'ouvrier vend sa force de travail pour subsister.

La force. »

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