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LES "MOTS" DE SARTRE

Publié le 14/04/2011

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Sartre a grandi au milieu des livres ; ils ont joué dans sa jeunesse, et même dans son enfance, un rôle si important et ont exercé sur lui, par leur seule présence, une telle influence, qu'il paraît difficile de trouver, dans l'histoire de la littérature française, un écrivain plus totalement immergé, dès les premières années de sa vie, dans l'univers des mots. De ces livres qui envahissent le bureau de son grand-père, Sartre a pu écrire : « Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait. « La littérature et l'écriture devinrent ainsi très vite pour Sartre une véritable passion, et même un sacerdoce, une vocation. Les souvenirs d'enfance, qu'il publie en 1964 avec Les mots, nous retracent les différentes étapes de la découverte que Sartre a faite ainsi de la lecture d'abord et de l'art d'écrire ensuite ; enfanté par les livres, il naquit de nouveau le jour où les mots, les phrases, les œuvres des autres purent devenir ses mots, ses phrases, ses propres œuvres. 

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« l'esprit.

Il n'y a d'art que pour et par autrui14 », écrit Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ? Puisque le livre n'est pas achevé tant qu'il n'a pas de lecteurs, puisque l'artiste confie à un autre le soin d'accomplirce qu'il a commencé, tout ouvrage littéraire est un « appel », selon un terme cher à Sartre et Simone de Beauvoir.

«Ecrire, c'est faire appel au lecteur pour qu'il fasse passer à l'existence objective le dévoilement que j'ai entrepris parle moyen du langage », écrit Sartre.

Cet appel est principalement un appel lancé « à la liberté du lecteur16 », uneinvitation à une collaboration qui n'a rien de facultatif.

Cette visée sartrienne devient alors la source d'uneconception vivante de la liberté conçue comme un rapport et un échange mutuels.

L'écrivain ne découvre sa libertéque dans une perpétuelle reconnaissance de celle d'autrui : « Ainsi la lecture, écrit Sartre dans Qu'est-ce que lalittérature ?, est un pacte de générosité entre l'auteur et le lecteur ; chacun fait confiance à l'autre, chacuncompte sur l'autre, exige de l'autre autant qu'il exige de lui-même (...).

Ainsi ma liberté en se manifestant dévoile laliberté de l'autre.

» Les livres, saisis dans une relation incessante et une action toujours renouvelée, sont conçus par Sartre comme unevéritable « entreprise18 » et non comme une chose inerte, opaque, livrée à la passivité d'autrui.

Pour être biencompris, ce mot d'« entreprise » doit être aussitôt rattaché à une notion continuellement défendue par Sartre, cellede littérature engagée. Avec l'expérience de la guerre, nous l'avons déjà souligné, Sartre a définitivement quitté les chemins qu'il considèrecomme sans issue de l'idéalisme pour ceux, qu'il estime plus prometteurs, du réalisme.

C'est en se heurtant à laviolence et en faisant l'apprentissage de la laideur que toute une génération a découvert avec stupeur ce queSartre appelle l'historicité.

L'historicité, c'est à la fois notre condition façonnée par des événements extérieurs etcontraires, et notre vie perçue dans sa finitude, son caractère fugitif, mais unique.

Il s'agit donc bien là de ce queSartre nomme « un mélange amer et ambigu d'absolu et de transitoire19 ».

Par la guerre, une destruction totaleétait possible et rappelait à chacun le privilège incomparable d'une existence saisie dans sa « densité irréductible20» et simultanément sa fragilité dérisoire.

L'absoluité de ma vie se fondait, en quelque sorte, sur son possibleanéantissement.

La guerre et la mort acculèrent certains écrivains d'alors à une littérature de l'historicité où l'absoluétait à découvrir au sein même de la relativité. L'entreprise qui illustre le mieux la volonté sartrienne de vivre une littérature engagée est la fondation, en octobre1945, de la revue des Temps modernes.

La présentation de cette collection nouvelle fut faite par Sartre dans lepremier numéro.

Ce texte reste une charte très importante à laquelle il convient de se référer maintenant. L'intention de Sartre était, avec Les Temps modernes, de fuir la tentation de l'irresponsabilité.

L'écrivain donne unsens à ce qu'il écrit et ce sens force l'auteur, souvent malgré lui, à sortir de sa tour d'ivoire.

Sartre affirmait alors :« Puisque l'écrivain n'a aucun moyen de s'évader, nous voulons qu'il embrasse étroitement son époque ; elle est sachance unique : elle s'est faite pour lui et il est fait pour elle.

» L'écrivain voudrait-il tirer son épingle du jeu, restermuet, sa passivité même aurait une influence, des conséquences et se transformerait ainsi en action.

L'écrivain esten situation : sa parole ou son silence ont un poids.

Puisqu'il y a action de toute façon, autant donc la choisir et lachoisir volontairement. L'écrivain engagé lutte, écrit pour ses contemporains ; c'est au cœur des combats sociaux et politiques qu'il luiappartient de trouver et révéler de vraies valeurs.

« Bien loin d'être relativistes, nous affirmons hautement quel'homme est un absolu.

Mais il l'est à son heure, dans son milieu, sur sa terre.

» Sartre veut retrouver ainsi la fonction sociale de la littérature ; la revue défendra, par exemple, « l'autonomie et lesdroits de la personne ».

Est-ce à dire, comme on l'a souvent cru, que l'artiste engagé soit invité à mépriser le styleet la forme, à proscrire toute poésie ? Sartre ne l'a jamais prétendu, mais il a simplement voulu rappeler que ce styleet cette forme ne seraient rien s'ils n'étaient qu'un cadre creux et gratuit sans répondant réel dans la vie et dansl'histoire des hommes.

Sartre donnait alors pour conclusion à son article ces lignes significatives : « Je rappelle, eneffet, que dans la littérature engagée, l'engagement ne doit, en aucun cas, faire oublier la littérature et que notrepréoccupation doit être de servir la littérature en lui infusant un sang nouveau tout autant que de servir lacollectivité en essayant de lui donner la littérature qui lui convient.

» Ces lignes très claires semblent avoir étéoubliées par ceux qui ont alors reproché à Sartre et ses amis de sacrifier totalement l'art à l'engagement.

Ce n'estpas parce que l'on n'a plus le culte de l'écriture, que l'on en conclut pour autant qu'il soit indispensable d'écrire leplus mal possible ; Sartre notera encore dans Qu'est-ce que la littérature ?, en précisant son point de vue : « Onn'est pas écrivain pour avoir choisi de dire certaines choses mais pour avoir choisi de les dire d'une certaine façon.

» En assumant la ligne d'une littérature résolument engagée, Sartre progressait ainsi sur les chemins du réalisme.

Ildécidait d'écrire pour son époque, mais il sut aussi ne pas s'enfermer en elle.

Ecrire pour son temps, ce n'est pas letranscrire passivement, c'est l'accueillir tel quel ou le changer, c'est donc le dépasser vers l'avenir ; cet effort et cemouvement seuls permettent à l'écrivain engagé de s'inscrire profondément au cœur de la réalité-humaine et duprésent. L'œuvre de Sartre comporte un aspect essentiel, trop souvent ignoré, et dont la qualité exceptionnelle et l'originalitéprofonde font de lui, non seulement un maître en la matière, mais un créateur au sens plein de ce mot ; nousvoulons parler de sa critique littéraire.

Sartre s'est principalement fait connaître par son théâtre, où l'auteur, dureste, nous semble infiniment plus à l'aise que dans le roman ; l'inachèvement des Chemins de la liberté, dont lequatrième tome ne paraîtra jamais et dont Sartre lui-même ne semble pas être très satisfait, indique bien que la. »

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