Devoir de Philosophie

Les Polyphonistes

Publié le 26/02/2010

Extrait du document

La polyphonie, source de notre musique moderne, est une création de l'Europe occidentale. A l'unisson qui caractérisait la musique de l'Antiquité et du haut Moyen Âge, elle substitue le jeu simultané de deux ou plusieurs voix, avec les multiples potentialités de développement qu'implique une telle combinaison. Ses débuts, fort modestes, ne semblent pas remonter au delà du IXe siècle. D'après le Musica enchiriadis, traité attribué, autrefois, à Hucbald de St-Armand, on connaissait, à cette époque, dans l'Ouest de l'Europe, un contrepoint en quartes, quintes et octaves parallèles qui avait pour effet de renforcer la sonorité du chant grégorien nordique, en lui communiquant un coloris étrange et non sans saveur. Mais le même traité prévoit, en outre, un dispositif à deux voix qui, tout en maintenant le parallélisme à l'intérieur des incises mélodiques, fait entrer en jeu, dans une certaine mesure, le principe du mouvement contraire. Que les exemples fournis par la Musica enchiriadis soient l'effet d'expériences purement théoriques, ou l'écho d'une pratique plus ou moins courante dans les milieux ecclésiastiques du temps, un fait est certain : c'est que l'innovation qu'ils constituent fit rapidement fortune, sous le nom d'organum, et que les siècles suivants la virent se développer en une floraison d'une richesse peu commune, qui devait atteindre son point culminant à le fin du XIIe siècle et au début du XIIIe, avec l'école de Notre-Dame de Paris.

« préexistant, d'une invention mélodique fraîche à souhait et d'une légèreté de facture qui montre quel parti le bossud'Arras avait su tirer des maigres ressources que lui offraient les règles de composition de l'époque. Tandis que la France de Saint Louis s'illustre par ses organa et ses motets, l'Angleterre ne reste pas indifférente àce qui se passe de l'autre côté du détroit.

Mais si elle connaît par ses théoriciens, les préceptes qui règlent l'arscomponendi sur le continent, elle n'en est pas esclave au point de s'y conformer sans réserve.

Chez elle, les tierceset les sixtes ne sont point reléguées à l'arrière-plan ; elles sont, bien au contraire, couramment utilisées par sesmusiciens, notamment en chaînes de tierces ou de sixtes, plus tard, de tierces et sixtes simultanées : ce dernierprocédé, transplanté sur le continent pendant la première moitié du XVe siècle, y donnera lieu à la pratique del'ancien faux-bourdon, ferment incomparable, à cette époque, pour le progrès du contrepoint. Le XIVe siècle voit entrer en jeu la polyphonie italienne.

A côté de la France, la péninsule bénéficie largement desconquêtes techniques de l'ars nova ; mais elle en use à sa façon, qui n'est pas celle de sa voisine du nord.

Tandisque l'école française, groupée autour de Guillaume de Machaut, se complaît dans une manière sinueuse, oùl'angulosité raffinée, encore que parfois un peu rugueuse du gothique, va de pair avec une architecture plus oumoins rationalisante, les artistes italiens, parmi lesquels Francesco Lendini occupe le premier rang, ont uneprédilection marquée pour les lignes mélodiques souples, légères et pleines d'élan, préface lointaine, pourrait-on dire,du futur bel canto. Avec Philippe de Vitry, théoricien de l'ars nova, et Guillaume de Machaut, le motet français subit de notablesagrandissements.

Religieux ou profane, il s'appuie sur des textes qui, par leurs tendances satiriques, morales,politiques ou cérémonielles, n'ont plus rien à voir avec les gentillesses du motet de l'ars antiqua.

Qu'il soit écrit pourtrois ou pour quatre voix, son ténor se double d'un contra-tenor de composition libre qui donne une assiette plussolide à se substructure.

D'autre part, l'arbitraire de la forme y est évité au moyen d'artifices de construction(isorythmie et isomélie) qui tiennent quelque peu de la mathématique.

Par contre, dans leurs pièces profanes decomposition libre, Machaut et ses émules recherchent l'équilibre musical en soumettent les notes à la formepoétique, moyennant un système de reprises diversement agencées, selon que la forme adoptée est celle d'uneballade, d'un rondeau ou d'un virelai.

De quoi résultent des petits morceaux d'une technique miniaturée, oùs'accumulent les plus exquises préciosités d'un art courtois arrivé au summum du raffinement. Chez les Italiens du Trecento, le motet n'est guère pratiqué.

Leur effort se concentre, de fait, autour du madrigale,de la ballata et de la caccia, genres polyphoniques (à deux, trois, plus rarement quatre voix) dans lesquels, à l'instardes Français, ils ordonnent la succession des notes suivent la structure des poèmes.

Nul ténor imposé, mais la voixlaissée libre à une fantaisie ailée, où les aspérités du gothique font place à des épanchements mélodiques pleins degrâce et de la plus surprenante élégance. Avec le XVe siècle s'ouvre, pour le polyphonie, une ère de prospérité inouïe, où, après une période de transition plusou moins tâtonnante, jalonnée, entre autres, par l'intéressante figure du Liégeois Johannes Ciconie, l'on voit monterà l'horizon, à dater de 1420 environ, une génération d'artistes de formation franco-anglo-italienne, originaires enmajeure partie, des diocèses de Liège et Cambrai : A la tête de ce groupe, trône Guillaume Dufay (vers 1400-1474),étoile de première grandeur, qui, ramassant en une prodigieuse synthèse les conquêtes du siècle précédent, lesrestitue sous des aspects nouveaux, en des Oeuvres dont d'aucunes comptent parmi les plus belles de tous lestemps.

A l'ars nova français, il emprunte son sens de la forme ; à l'Anglais John Dunstable, l'art de varier une mélodie; au Moyen Âge, des figures qui en redoublent le pouvoir expressif et décoratif, aux Italiens du Trecento, ce laisser-aller charment qui s'oppose, en un contraste saisissant, à la rigueur des formations isorythmiques.

Avec Dufay, lemotet de l'ars nova se libère de tout systématisme.

A la faveur de textes religieux ou profanes d'une variétéillimitée, il s'offre sous une diversité d'aspects qui en fait, désormais, un genre d'un caractère beaucoup plus largequ'il n'était auparavant.

De même, les formes purement profanes (rondeau, ballade, virelai) se dégagent chez lui decette convention un peu étroite qui avait été leur lot sous le régime de l'ars nova et, tout en persistant à sesubordonner musicalement à la structure poétique, font insensiblement passer à l'arrière-plan la conceptionpurement décorative du gothique, au bénéfice d'une expression plus humaine et, en un certain sens, plussubjective.

L'époque de Dufay est aussi celle où se développe la messe polyphonique unitaire.

Avant le XVe siècle,les différentes divisions de l'ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus) se traitaient isolément.

Presque seule,l'extraordinaire messe de Machaut fait exception, par le fait que ses cinq parties sont soumises à un traitementcontrapuntique continu.

Ce qui manquait, toutefois, à ce majestueux ensemble, c'était l'unité thématique.

La grandeaffaire du XVe siècle sera précisément de réaliser cette unité par des moyens divers, principalement le tenorcommun aux cinq divisions et le motif de tête qui reparaît, comme une sorte d'enseigne, au début de chacuned'elles.

Ici encore, Dufay occupe une position maîtresse par l'art subtil avec lequel il a su mettre en Oeuvre ces deuxéléments.

A sa suite, les grands maîtres de la seconde moitié du siècle, les Ockeghem, les Obrecht, les Josquin desPrés, les Brumel, les Isaac, les Pierre de le Rue, etc., rivalisent d'ingéniosité dans l'emploi de ces ressources, grâce àquoi la plus extrême variété se fait jour dans l'immense répertoire qu'ils ont créé sur ce terrain. D'un autre côté, ce même demi-siècle se signale par l'entrée en scène de musiciens qui, s'écartant insensiblementdes traditions gothiques, tendent vers un style moins amenuisé, plus propice eux amples développements et mieuxapproprié à l'expression mystique.

Ce tournant coïncide avec l'avènement de l'école dite néerlandaise, ce terme seréférent, pour éviter toute équivoque, à le "grande Bourgogne de Philippe le Bon", plus tard aux Pays-Bas espagnolsde Charles Quint.

Le premier grand représentent de cette école est le Flamand Jean Ockeghem, maître de chapelledes rois de France, inventeur principal et propagateur de ce "style planant", en vertu duquel le développementmélodico-contrapuntique s'opère sous les espèces de larges plans sonores, dont le rythme errant laisse après soi le. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles